Nietzsche et La Première Considération Inactuelle

Friedrich Nietzsche (1844 - 1900) / Première considération inactuelle : David Strauss Le sectateur et écrivain // 1873. SITUER : -Le XIX ème siècle voit la formation du Premier Empire allemand. Il est marqué par l'industrialisation, la démocratisation et le nationalisme, qui apportent une rupture dans les anciennes structures sociales. C'est le siècle où les élites intellectuelles portent la recherche artistique, technique, scientifique et la recherche des idées à un niveau encore jamais atteint. Toutefois, F. Nietzsche n'a été que peu renommé de son vivant. C'est au siècle suivant que sa pensée se diffuse et influence la philosophie continentale, en Scandinavie, France, Italie, Pologne, Russie et Angleterre. Dans les années 1930, le nazisme et le fascisme italien se réapproprient les oeuvres de Nietzsche pour son idée de « Surhomme «. Enfin, c'est dans les années 1960 qu'il devient une référence pour de nombreux intellectuels, en réaction à l'hégélianisme dominant. -Les oeuvres Friedrich Nietzsche tournent autour de trois thèmes centraux : « La Volonté de puissance «, « L'éternel retour « et le « Surhomme «. Ainsi, son oeuvre peut être divisée en trois périodes, qui chacune mettent en avant l'un de ces thèmes. Les considérations inactuelles ou considérations intempestives, une série de quatre oeuvres philosophique et polémique dont l'ouvrage que nous avons choisi, David Strauss Le sectateur et écrivain est la première, peuvent être rattachées à la première période, ainsi que La Naissance de la Tragédie (1872), son premier ouvrage . En effet, Nietzsche y est engagé à la faveur d'une renaissance culturelle de la civilisation allemande. Lors de la deuxième période Nietzsche, l'antisémitisme de Wagner qu'il avait rencontré lorsqu'il était professeur à Bâle le pousse à s'éloigner du wagnérisme. Il s'intéresse alors à l'histoire et à l'anthropologie avec Humain, trop humain (1878) ou encore Le gai savoir (1882), puis la troisième période qui commence Ainsi parlait Zarathoustra voit naître un certain mysticisme. COMPRENDRE : Dans cette Première considération inactuelle, Nietzsche aborde les thèmes de la culture, du nationalisme, de la science, de l'historicisme, L'objet principal de La première considération inactuelle est la critique par Nietzsche de l'état misérable de la civilisation allemande, oeuvre, selon Nietzche, de ceux qu'il appelle « les philistins de la culture «. En effet, ces derniers sont selon lui des êtres instruits, mais qui vivent seulement dans l'illusion de posséder un savoir, puisqu'ils ne s'interrogent pas et ne remettent pas en question ces savoirs. Ils n'en saisissent pas l'essence première, c'est-à-dire le fondement. Ainsi si ils sont instruits, ils ne sont pas cultivés. En effet pour Nietzsche, il ne suffit pas d'apprendre beaucoup et de savoir beaucoup pour être un homme de culture. La culture doit impliquer une autonomie dans le jugement, un certain sens critique, et ceci nécessite de maîtriser sa propre langue pour être capable de connaître les grandes oeuvres littéraires et artistiques qualifiées de « classiques «. La culture requiert également de s'intéresser à la science, ou encore d'être instruit sur les courants de pensées et les lois qui régissent la société dans laquelle chacun d'entre nous vit. Nietzsche fait la distinction entre la Kultur et la Bildung, et manifeste son rejet de la première des deux. En effet, la Kultur en allemand, désigne le bagage de l'homme instruit, c'est à dire un patrimoine social, artistique, éthique appartenant à un ensemble d'individus disposant d'une identité. Le terme Kultur (patrimoine en allemand), correspondrait plutôt à une des acceptions françaises du mot civilisation. C'est l'opinion publique, elle est dictée par la masse, chacun a les mêmes savoirs et ne s'interroge pas sur le pourquoi de cet apprentissage. La Bildung quant à elle, désigne la culture individuelle, générale, l'éducation et les connaissances de tout un chacun. Celle-ci se crée au fil du temps, s'entretient, suppose de se remettre soi-même en question en premier lieu afin de savoir ce qu'on ne sait pas. La bildung intègre une opinion personnelle sur chacun des savoirs intériorisés, il ne suffit pas comme la kultur de posséder les savoirs qui sont communs au reste de la société et de les accepter comme vrais uniquement pour la raison qu'ils sont connus de la plupart. Toujours à propos de la culture, Nietzsche critique l'illusion qu'ont les Allemands depuis leur victoire contre la France dans la guerre franco-prussienne de 1870, d'avoir obtenu non seulement une victoire militaire mais aussi une victoire culturelle. Ils estiment ainsi que leur culture est supérieure parce que ce sont les tactiques de leurs soldats qui ont triomphé. Cela reflète pour eux d'une supériorité sur tous les plans. Pourtant, Nietzsche soutient le contraire. Pour lui, il est évident que la Franc...