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RENART (Roman de) (résumé & analyse)

Publié le 01/12/2018

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RENART (Roman de). Protéiforme, assimilé tour à tour à Panurge, à Gil Blas, à Figaro, à Robert Macaire (Sainte-Beuve), à Don Juan et à Gavroche (P. Jonin, 1951), à Valmont et à Sade (B. Beck, 1962), Renart a fini par revêtir une personnalité complexe et ambiguë : goupil, jongleur, clerc vagant, vassal rebelle, petit seigneur croisé de bandit, incarnation du diable, personnification de la fourberie et de la perversité. C’est le produit d’une longue histoire à travers des textes latins et français du Moyen Age.

 

La constitution du Roman de Renart

 

Peut-être le succès des romans antiques qui, entre 1150 et 1165, acclimatèrent à des mœurs féodales les héros légendaires de l'Antiquité gréco-latine jusqu’alors connus par des textes latins donna-t-il, en 1174, à Pierre de Saint-Cloud l’idée de poursuivre, avec d’autres sujets, la tâche d’adaptation créatrice ainsi amorcée. En effet, Renart ne sortit pas d’un terrier mais, pour une large part, d’œuvres latines comme l’Ec&am captivi (xe siècle), la Disciplina clericalis (XIIe siècle) et surtout l’Ysengrimus du moine Nivard (v. 1150). Dans cette dernière œuvre, le goupil Reinardus, fragile et rusé, était le neveu du centenaire Ysengrimus, loup glouton, cynique et sot. A travers leurs aventures, Nivard manifestait deux soucis que méditèrent plusieurs auteurs du Roman de Renart : celui de révéler la vérité d’une époque; celui de forger un style élaboré où pastiches et parodies étaient moins des procédés comiques que des moyens d’explorer le réel.

 

Après Pierre de Saint-Cloud, et jusqu’en 1250 environ, une vingtaine d’auteurs, aux préoccupations et aux talents fort divers mais d’un même esprit plaisant et irrévérencieux, ajoutèrent, en des « branches » (contes ou ensembles de plusieurs contes) de quelques centaines à plusieurs milliers de vers, de nouveaux épisodes aux exploits du goupil. Les revirements, les surenchères dans la narration pourraient faire songer à quelque roman-feuilleton collectif, si le héros Renart n’avait ces mille visages dans lesquels Rutebeuf vit le comble de la métamorphose et le symbole de l’hypocrisie, et si le plaisir des variations sur un même motif — celui du messager, celui de l’entrée du goupil dans un lieu clos, par exemple — ne l’avait emporté sur les recherches narratives. Pourtant, les contemporains furent plus sensibles aux constantes qu’aux contradictions du héros puisque, dès le xiiie siècle, des branches éparses on fit des collections qui, selon les habitudes médiévales, ne furent pas seulement des copies mais des re-créations. Les scribes coupèrent, déplacèrent, relièrent, modifièrent les fragments existants, composant ce qu’ils nommèrent le Roman de Renart, titre unificateur d’une œuvre restée malgré tout disparate. Il existe au moins trois collections, dont nous pouvons nous faire une idée grâce à plusieurs éditions. Les éditions d’E. Martin (3 vol., 1882-1887) et de J. Dufournet (1 vol., 1970) reproduisent, pour l’essentiel, le manuscrit A (B.N., fr. 20043). Celle de M. Roques (6 vol. parus, 1948-1963) a été établie sur le manuscrit de Cangé, B (B.N., fr. 371). Quant à Méon (4 volumes, 1825) et aux savants japonais N. Harano et N. Fukumoto, ils ont utilisé les manuscrits C et M. Ainsi s’explique-t-on que la même histoire de Renart puisse avoir des numéros différents correspondant à l’ordre — ni logique ni chronologique — qu’elle occupe dans ces collections. Nous adopterons ici la numérotation de la famille A.

 

Les structures du roman

 

Dès les premières branches furent expérimentés les trois types de structures utilisés dans l’agencement des récits. La construction en enfilage — la moins employée —joue avec le hasard des rencontres que l’on peut multiplier à loisir. Ces branches, proches de la fable animale, opposent souvent Renart à de petits animaux : coq, mésange, corbeau (ii), grillon (v), milan, moineau (xi). Dans ce cas, le goupil peut être vaincu, tant il est vrai que Nature semble avoir compensé par la ruse l’inégalité en force de ses créatures et que les victimes peuvent retourner contre leur agresseur le piège qui les avait trompées. On songe à Chantecler (ii), d’abord victime de sa vanité, puis s’échappant finalement en jouant avec celle de Renart.

« opposent souvent Renart à de petits animaux : coq, mésange, corbeau (rr), grillon (v), milan, moineau (xt).

Dans ce cas, le goupil peut être vaincu, tant il est vrai que Nature semble avoir compensé par la ruse l'inégalité en force de ses créatures et que les victimes peuvent retourner contre leur agresseur Je piège qui les avait trompées.

On songe à Chantecler (II), d'abord victime de sa vanité, puis s'échappant finalement en jouant avec celle de Renart.

Plus fréquente est la construction en diptyque, aux combinaisons variées.

Tantôt, dans le premier volet, Renart s'aventure parmi les hommes -poissonniers (m) ou fermiers (xvi) -avant de rencontrer dans le second volet -animal -Isengrin aspirant au moniage par goût des anguilles (m) ou Noble le roi et son connétable le loup pour une bonne leçon de partage (XVI).

Tantôt, la seconde partie enchérit sur l'habileté du goupil : comme il a su vaincre pour le compte du paysan Liétart l'effrayant ours Brun, il saura punir le vilain de son ingratitude par une ruineuse domination (tx).

Tantôt, la seconde partie peut constituer une revanche : mis à mal au cours d'une chasse avec le chat Tibert, Renart mène le jeu avec virtuosité pendant son expédition en compa­ gnie du loup Primant (XIV).

Enfin, les branches féodales (va - r- vt - Ia) sont centrées sur le jugement de Renart, accusé, entre autres méfaits, du viol de la louve.

Elles s'ouvrent sur la convo­ cation de la cour royale et se ferment sur la fuite ou le retour du goupil à Maupertuis sa forteresse, tandis que plaidoiries, messagers, procédures, sentences permettent mille variations.

Aidé du fidèle Grimbert, bénéficiant parfois de la compréhension amusée du roi, Je héros apparaît alors comme un petit vassal frondeur, inquiet (vt) ou indifférent (I) devant les courtisans sots ou cruels ligués contre lui, porte-parole des humbles à qui les ser­ viteurs jettent les restes (1), ces humbles oubliés du roi, qui leur préfère la compagnie des puissants (xvi).

Renart le maudit Au cours de sa vie littéraire, Renart s'est peu à peu enflé aux dimensions d'un mythe.

Du goupil rusé, «vezie beste », qui tant sait de «lobe», de « ganche », d'« abet », de •< gui le», de « males arz » ...

, i 1 est devenu, empirant sans cesse par le biais sans doute des confes­ sions nombreuses comptabilisant ses forfaits, une aberra­ tion de la Nature, une créature diabolique capable par deux fois de devenir le suzerain de deux riches paysans, Bertold li Meres (xvi) et Liétart (IX).

Même, enivré par sa puissance et sa réputation, il viole la reine sous les yeux de la Cour rassemblée, après avoir pris soin d'atta­ cher chacun par la queue (ta), et devient empereur, le temps d'une croisade, en usurpant le trône (xt)! Pourtant, alors qu'ils multipliaient les litanies diffamatoires (tv), les auteurs ont composé un personnage qui, selon les branches, attire la sympathie de telle ou telle partie de leur public.

Le goupil a une silhouette familière aux paysans, « colc)iant >>, tendant le cou le long des palissa­ des, en quête de proies.

Il est recherché pour sa fourrure, que sait apprécier Brunmatin à 6 ou 7 sous parce qu'elle est «de saison» (Ix), ou qu'un des prêtres allant au synode voit déjà, arrangée en coiffure, la queue pendant. »

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