Tristan et Iseut
Publié le 23/02/2013
Extrait du document
Le retentissement de la légende fut si important que " le mythe lui-même a bouleversé l'auditoire médiéval s' il faut en juger par la façon dont les poètes des XIIe et XIIIe siècles se situent par rapport à l'érotique tri stanesque". (C. Payen). Notamment grâce à la version anonyme en prose ( 1230) qui rassemble les divers épisodes de la légende, ce roman va en effet devenir la référence littéraire de l'amour passion bien que très vite (XIIIe siècle), une tendance moralisatrice mette l'accent sur les remords et les scrupules du couple.
«
Bliovéris rencontre
Tristan.
,---------- EXTRAITS
Tristan amène en Cornouaille I seut la
Blonde qui doit épouser
le roi Marc.
Sur le bateau , ils boivent par erreur le
philtre destiné aux futur s époux
"Belle Iseut, buvez ce breuvage." Iseut
boit une gorgée et tend
le hanap à Tristan
qui l'épuise à son
tour d'un trait .
Tout
aussitôt il
regarde Iseut d'un
air égaré, et l'émoi
et
la frayeur se pei
gnent sur
la figure
d' Iseut.
Qu'ont-ils
fait ? Hélas ! ce
n'est pas
le vin de
dépense
qu'ils ont
bu, ce n'est cer
voise ni goulade,
mais le boire en
chanté que
la reine
d'Irlande a brassé
pour les noces du
roi Marc !
Bran
gien est saisie d'un
terrible doute ; ell e s'enfuit éperd ue.
Dieu ! si ell e s'était trompée ! Elle se hâte
de descendre dans
la soute : elle voit le
baril au boire herbé à moitié vide :
"Malheur, malheur à moi ! s' écrie -t-elle.
Tristan, hélas ! H élas ! Iseut !
Vous avez
bu votre destruction et votre
mort!"
Cependant le poison d'amour se répandait
dans les veines
du valet et de la pucelle.
Hier ennemis, les
voici aujourd'hui dru et
drue.
Mais le lien qui les
enlace leur
entrera profond ément dans la chair, et
jamais ils
ne pourront s'en guérir.
Vénus,
la redoutable véneresse, les a pris dans ses
réseaux ;
le dieu d' Amour leur a décoché
sa flèche mortelle ; il a planté son éten
dard dans leur cœur ; il les tient pour tou
jours en sa baillie.
Chacun se sent vain et
las , comme étourdi
par le breuvage.
Ils
n'osent encore échanger leurs pensées ;
mais quand leurs yeux qui se fuient se
ren-
contrent dans un éclair, c'est un périlleux
regard qui attise
le feu qui déjà les consu
me .
Chacun se débat en lui-même ; la
Raison livre avec
le Désir une très c ruelle
bataille ;
la pucelle a pour écu la honte
naturelle ;
la foi et l'honneur soutiennent
et tourmentent le jeune homme .
La jalousie d'l seut aux Blanches Mains
entraîne la mort de Tristan.
Iseut la
Blonde
se lamente
"Ami Tristan, dit-elle, quand je vous vois
mort, je n'ai plus
de raisons de vivre.
Vous
êtes mort pour mon amour, et je meurs
de tendresse et du regret de
n'avoir pu
vous secou rir.
Ami,
ami, je n'aurai
plus jamais soulas,
confort, joie et
santé.
Maudite soit
cette tempête qui
me fit demeurer en
mer ! Si je fusse
venue à temps, je
vous eusse rendu la
vie, et vous eusse
parlé longuement,
doucement de nos
amours ; je vous
eusse rappelé nos
aventures , nos joies
et nos peines, tout
ce
qui fut notre , d · , / 1 etrange estinee.
~
Puisque je n'ai pu vous rappeler à la vie,
qu'au moins je vous rejoigne dans
la mort,
que j'aie confort avec vous, comme autre
fois, du même breuvage ." Alors elle
l'accole, lui baise la face et les lèvres,
l'embrasse étroitement, s'enlace à lui
corps à corps, bouche à bouche, et à ce
moment jette un long soupir ; son cœur lui
manque et l'âme s'envole : Iseut est morte
pour son ami.
Mort de.Tristan
et
d'lseut.
NOTES DE L'ÉDITEUR
Vers 1140, la légende celtique pénètre en
France grâce
à Breri, un jong leur gallois.
Après les premier s romans en vers de Béroul
et de Thomas, Marie de France, qui a sans
doute connu Thomas à la cour d' Aliénor
d'Aquitaine, compose le Lai du chèvre
feuille.
Les deux
Folie Tristan de Berne et
d 'Oxford , ainsi que les versions d'Eilhart
d 'Oberg et de Gottfried de Strasbourg ont apporté
de nombreu ses précisions.
En
1230, un roman unique en prose ras
semb le les divers épisodes de la lége nde.
La pérennité du mythe est telle que le thème
de Tristan et Ise ut est à la source d'œuvres
aussi différentes que l'opéra de Wagner de
1865 ou le scénar io, en 1943, de Jean
Cocteau pour le film
L'Éternel R etour.
caractère illégal et amoral par rapport aux
normes de l'Église posent le problème fon
damental de la nature de l'amour.
A ce pro
pos, un troubadour
s'écrie: "Ce n'est pas
amour qui tourne à la
réalité.
"
Photos (c.
d) VlP / Sip a lco n o; (a, b, e, f) Lauro s-Giraudon
L'ambiguïté de cette passion amoureu se, son
inadéquation aux réalités présentes, son
«Tristan et Iseut ne s'aime nt pas, ils l'ont
dit et tout le confirme.
Ce qu'ils aiment,
c'est l'amour, c'est le fait même d'aimer.
»
Deni s de Rougemont
ANONYMEOI.
»
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