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VÉNUS D'ILLE (la). Nouvelle de Prosper Mérimée

Publié le 07/11/2018

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VÉNUS D'ILLE (la). Nouvelle de Prosper Mérimée (1803-1870), publiée à Paris dans la Revue des Deux Mondes le 15 mai 1837, et en volume chez Magen et Camon en 1841.

« Histoire de revenants », dit Mérimée dans sa correspondance, cette nouvelle a une place à part dans son œuvre : « C'est, suivant moi, mon chef-d'œuvre.» La grande érudition de l'auteur permet de lui supposer une multiplicité de sources, depuis les « infolios latins» ou L'homme qui aime les mensonges de Lucien, comme il l'indique lui-même, jusqu'à l'Histoire de Grégoire VII (1834) de Villemain. En fait, l'intrigue est issue d'une légende souvent attestée, très ancienne, et assez connue à l'époque. Mérimée utilisera également les souvenirs récents de son voyage dans le midi de la France (1834) pour choisir le décor de son récit, brosser quelques portraits et fixer les traits de sa statue, qui doit probablement à une Vénus observée à Vienne et remarquée pour son réalisme bien éloigné de l'impassibilité grecque habituelle. Mêlant érudition et observation à son expérience d'inspecteur des Monuments historiques, Mérimée construit ainsi la plus célèbre de ses nouvelles fantastiques.

Attendu par M. de Peyrehorade, le narrateur apprend de son guide la découverte d'une statue maléfique, dont l'érection a causé la blessure d'un ouvrier. Bien reçu par son hôte, « antiquaire » disert et imaginatif qui vient de faire un mémoire sur la découverte de cette Vénus, il apprend en outre qu'il devra assister au mariage d'Alphonse, le fils de celui-ci. Avant de se mettre au lit, il voit avec amusement un galopin lancer une pierre sur la statue puis gémir de l'avoir reçue en retour, par ricochet Le lendemain, il peut contempler la statue, « d'une merveilleuse beauté » mais douée d'une « expression d'ironie infernale ». M. de Pey rehorade brode de façon fantaisiste sur l'inscrip tion ambiguë que porte la statue : cave amantem. Lors du repas qui met fin à la joumée, deux nou veaux personnages apparaissent : Alphonse, jeune homme vulgaire intéressé par l'argent, et sa belle et douce fiancée, Mlle de Puygarrig. Le lendemain, avant de se rendre à la noce, et pour venir en aide à son équipe de jeu de paume mise en dan ger par des Aragonais très adroits, Alphonse ôte son habit ainsi que la bague promise à sa fian cée -et à l'intérieur de laquelle est gravée la formule : sempr' ab ti [toujours avec toi] - qu'il met à l'annulaire de la statue. Vainqueur, il affiche un mépris triomphant et l'Aragonais promet de se venger. Lors du repas de noces, le fiancé, très troublé, demande au narrateur d'aller rechercher la bague qu'il n'a pu retirer du doigt étrangement replié de la statue. Mais l'haleine avinée d'Alphonse et la pluie battante font renoncer l'hôte de sortir. Ponctuée de bruits de pas lourds, la nuit s'achève par une scène d'horreur : Alphonse, assassiné, semble avoir été broyé, et sa jeune épousée est devenue fo lle. Elle déclare que la statue, entrée dans la chambre avant le marié, s'est couchée dans le lit et l'a enlacée de ses bras de bronze avant de disparaître à l'aube. Le joueur aragonais, d'abord soupçonné, est interrogé mais relâché avec des excuses. Le narrateur s'en va ; il apprendra bientôt la mort de M. de Peyrehorade, la fonte de la statue transformée en cloche et le gel des vignes depuis lors...

« dominés par une religiosité craintive, pour qui la statue est une et d'un pédant devenu la proie de son délire interprétatif -Mérimée prend ici des modèles dans la réalité -, on peut discerner un pôle parodiq ue.

Celui-ci part de M.

de Peyrehorade et de ses élu­ cubrations innocentes -après tout, il lui suffit de tout compliquer pour croire avoir tout compris -et irradie autour de lui ; le narrateur parisien se moque alors des mœurs provinciales, du dandysme raté d'Alph onse et de ses rêves naïfs, de ces longs repas trop copieux que le personna ge officiel qu'il était a dû souvent subir, de ces plaisan- ( ) teries balourdes et prétendument spiri­ tuelles sur les femmes.

L'ironie, d'ail­ leurs bienveillante, est tempérée par un humour léger puisque le narrateur sait se moquer de lui-même, par exemple de son statut vaguement ridicule de célibataire immergé dans une noce.

Il consent parfois à se mettre à l'unisson des facéties de son hôte, même s'il garde un regard plus lucide que lui.

Car si la Vénu s d' Ille est l'objet d'une véné­ ration de la part de 1' >, elle n'e st pas vue par lui : elle lui sert d'a bord à se valoriser lui-même avec jubilation ; plus que la statue, c'est le socle qui intéresse le faux savant.

Aussi le regard du spécialiste en > rej oint-il le regard indifférent, voire hostile des ignorants ; face à la statue, ils sont restés aveugles.

Ils n'ont rien perçu de cette beauté singulière ; ou plutôt les Illois ont interprété une puis­ sance maléfiq ue sans la relier à la valeur esthétique, et M.

de Peyre ho­ rade a vu une beauté pour archéologue sans deviner sa fondamentale étran­ ge té.

Seul le narrateur possède un vrai regard qui tient du spécialiste et de l'es thète ; on remarq uera qu'il ne lui est permis de décou vrir la statue qu 'assez tard.

Un art du suspense se profile alors qu'il faut relier au carac­ tère policier d'une enquête : le voya­ geur décèle cette ) -que des mots et des signes, qui trace à travers le texte un réseau de corres pondances installant la Vénus au rang de suspecte sans jamais en faire une accusée.

Ainsi le meurtre n'a-t-il d'autre explication que ...

sémantique : car, s'il est vrai que l'inscri ption du. »

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