Vies des douze Césars
Publié le 30/03/2013
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Suétone (vers 75 - vers 160) engage l'histoire dans la voie de la biographie, suivant en cela l'exemple déjà lointain de Cornelius Nepos et celui, contemporain, du Grec Plutarque. Mais il y ajoute les soucis d'érudition de son temps. Suétone s'adonna avec prédilection au genre biographique, puisque, outre la vie de Jules César et des onze premiers empereurs, il a écrit De viris illustribus (Des Hommes illustres), dont il nous reste la partie consacrée aux grammairiens et aux rhéteurs.
«
Caligula
EXTRAITS ~~~~~~~~
Portrait de Caligula
Il était de haute stature, de teint fort pâle ;
l'énormité
de son corps constrastant avec la
gracilité du cou et des jambes ; les yeux
profonds
et les tempes
caves, le front large et si
nistre ; les cheveux rares,
laissant chauve le derrière
de la tête ; mais les membres
velus.
Voilà pourquoi le
considérer du haut
d'un
point élevé, quand il venait
à passer, ou prononcer à
tout hasard
le mot chèvre à
quelques pas
de lui consti
tuaient un délit passible
de mort.
A sa physiono
mie, déjà naturellement
horrible, il s'évertuait à
donner une expression plus
effrayante encore et, miroir
en main, il étudiait le
moyen de se composer les
masques les plus repous
sants.
Sain ni
de corps nid' esprit, mais affligé dès
l'enfance du
« mal comitial », s'il était
capable, adolescent,
de quelque endurance,
il lui arrivait soudain
de tomber dans des
défaillances telles
qu'il ne pouvait ni
marcher ni se tenir debout, ni du tout se
ressaisir et
se redresser.
Lui-même avait pris
conscience
de ses troubles mentaux et plus
d'une fois avait songé à 's'isoler dans
quelque retraite pour tenter
de se guérir.
Néron, meurtrier de sa mère
Mais, comme il avait tenté vainement de
l'empoisonner et qu'il remarqua qu'elle se
prémunissait au moyen d'antidotes, il
fit
préparer au plafond de sa chambre à
coucher des lambris qui, sous l'effet d'une
machine, devait s'effondrer la nuit sur sa
mère pendant son sommeil.
Mais le secret
ayant été mal gardé
par les personnes complices
du stratagème, il conçut
celui de
faire construire un navire démontable et
dont le naufrage ou tout au moins la
destruction de la cabine entraînerait la
perte
de sa mère.
Et, simulant le désir d'une
réconciliation, il l'invita par une lettre des
plus aimables à venir
le rejoindre à Baïes
pour y célébrer avec lui les solennités des
Quinquatruum ; pendant qu'ils dînaient
ensemble, il chargea les capitaines de la
« Liburnienne », à bord de laquelle elle
avait fait le voyage, de détériorer ce vais
seau
de façon qu'on pût invoquer quelque
avarie fortuite.
Aussi prolongea-t-il
le repas
jusqu'à la nuit, puis, comme Agrippine
manifestait le désir de regagner Bauli, il
lui offrit, à la place du
navire détérioré, celui
qu'il avait machiné et
la conduisit à bord.
( ...
)
Mais, déconcerté d' ap
prendre enfin que toutes
choses s'étaient autre
ment déroulées
et
qu' Agrippine avait réus
si à s'évader à la nage,
lorsqu'il vit venir Lucius
Agerinus, l'affranchi de
sa mère, lui annoncer
tout joyeux qu'elle était
saine et sauve, il laissa
tomber secrètement un
poignard à ses pieds et,
sous le prétexte qu'elle
lui avait envoyé Age
rinus pour l'assassiner,
ordonna de l'arrêter et
de le tenir sous bonne garde ; quant à sa
mère,
il la fit mettre à mort, mais de telle
sorte qu'elle parût s'être suicidée pour
échapper au châtiment de ses intentions
criminelles.
Traduit par Pierre Klossowski,
Paris, 1959
Jules César
NOTES DE L'ÉDITEUR pas, et Suétone nous entraîne souvent dans
les coulisses.
Par ailleurs, comme le note
Pierre Grimal dans
son
Introduction à
procède à une véritable démystification des
empereurs et montre que, dans le passé,
«Et pourtant, ces biographies sont d'une
lecture parfois agréable.
La succession
des anecdotes (dont certaines sont
croustillantes) ménage des surprises.
L'historien, de-ci, de-là, trouve des
indications intéressantes et se félicite
d'avoir en main le livre
d'un érudit.
Et il
est rafraîchissant d'observer la dynastie
impériale par le petit bout de la lorgnette :
de la curiosité au voyeurisme,
il n'y a qu'un
1 Ambassade du Livre 2, 3, 4 Giraudon
l' œuvre de Suétone (Livre de poche, 1973),
"l'auteur des Douze Césars ne se
préoccupe point de pénétrer les
consciences :
il observe ce que font les
empereurs, sans s'interroger sur ce qu'ils
pensent.
L'analyse psychologique
n'intéresse pas Suétone, qui constate des
comportements -souvent contradictoires -
sans chercher à les expliquer.
Ce faisant,
il
le Destin (auquel il croit) a choisi pour
gouverner Rome
des hommes comme les
autres,
en qui se mêlaient le bien et le mal.
Grâce à lui, nous savons qu' Auguste
faisait
la sieste sans ôter ses chaussures,
commettait de grosses fautes d'orthographe
et adorait croquer des dattes.
Ce savoir,
peut-être, en vaut un autre ...
".» R.
Martin
et
J.
Gaillard, Les Genres littéraires
à Rome,
Scodel, Paris, 1981.
SUÉTONE02.
»
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