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Bougainville

Publié le 09/06/2013

Extrait du document

Diderot Le Supplément au voyage de Bougainville : incipit ; le préambule (p23-27) I) Jugement du voyage de Bougainville I) De la conversation au dialogue philosophique 1. une conversation entre deux intellectuels du XVIII è siècle La situation d'énonciation. Il s'agit d'un dialogue entre deux personnages désignés seulement par les lettres A et B. L'espace où se tient la discussion reste imprécis : les personnages se trouvent sans doute à l'extérieur (ou ont une vue sur l'extérieur) « sous la voûte étoilée «, assis près d'une table. Seule l'époque est assez marquée puisque A et B devisent du voyage de Bougainville et du récit de voyage qu'il a publié en 1771 mais la date de la rencontre et ses circonstances restent floues. Difficile enfin de préciser le moment de la journée où situer le dialogue : on suppose cependant qu'il a lieu le matin comme l'indique la mention de la présence d'un brouillard qui risque de se lever au début de la conversation. Les personnages et leurs relations Des personnages anonymes sans épaisseur romanesque Les deux personnages encadrent et conduisent l'ensemble du Supplément ; ils ne sont pourtant que désignés par les deux premières lettres de l'alphabet, A et B. Nous pouvons juste déduire quelques caractérisations à partir de leur situation d'énonciation : ils sont européens, ont la curiosité d'esprit, les connaissances et les lectures des Philosophes. Leur état civil réduit à une lettre, A et B semblent être les représentants-type d'un milieu comme si leur discours n'avait pas forcément valeur universelle. Cet anonymat limite aussi leur identification à des personnages de fiction dotés d'une certaine épaisseur psychologique. Ils permettent essentiellement à Diderot de faire passer ses thèses. Des représentants des intellectuels du XVIIIè siècle A et B entretiennent des rapports qui renvoient à la bonne société du XVIIIè siècle. A évoque dans la première phrase une promenade faite la veille avec B : on pense à ces séjours à la campagne entre gens de bonne compagnie, invités dans un château provincial par un hôte de marque pour jouir des bienfaits de la nature et de l'agréable conversation de personnes cultivées. Mais il s'agit ici plus qu'une simple conversation, immédiate, fortuite et l'impression de naturel ne résiste pas à une analyse plus approfondie car elle présente des enjeux argumentatifs importants : il s'agit davantage d'une discussion. 2. Une discussion à visée dialectique et didactique La dialectique A et B apparaissent d'emblée comme ayant des points de vue divergents : l'opposition liminaire sur l'atmosphère climatique est en ce sens significative. Dans le premier sujet abordé, la prévision du temps de la journée, A soutient que le brouillard matinal annonce un journée couverte même si le ciel dégagé de la veille laissait pr&ea...

« Mais la relation n’est pas aussi déséquilibrée car d’une part A commente les informations apportées pa r B, l’un renchérissant sur l’autre dans un échange égalitair e, d’autre part A montre un sens critique qui aigui se les raisonnements de B.

Il y a donc bien dialectique puisque que les deux p ersonnages ont un niveau de connaissance équivalent ; le dialogue est basée sur une relative égalité, un déb at d’idées entre deux thèses opposées mais il ne de vient jamais polémique (absence de rapports de force)  Le didactique On peut aussi considérer que leur couple mime le co uple Diderot / lecteur.

B serait alors le représentant du philosophe qui gloserait le Voyage de Bougainville pour A c’est-à-dire pour les lecteurs potentiels de l’ouvrage.

Diderot a d’ailleurs rédigé un compte rendu de lect ure pour La Correspondance littéraire , il y parle à la première personne et apostrophe Bougainville.

L’article n’es t pas publié mais devient la matière première de l’ ouvrage Supplément au voyage de Bougainville .

Pour autant, si A et B apparaissent comme les por te-paroles d’idées de Diderot, aucun indice ne permet au lecteur de consi dérer l’un ou l’autre comme le représentant de Dide rot.

En outre, en tant que futurs (re)lecteurs / commentateurs du Supplément (p38), A et B incarnent tous les deux la figure du lecteur lui-même qui est invité à leur suite à exer cer son regard critique.

Voilà le lecteur qui devient la tierce personne, le C en quête d’un D énigmatique qui se d érobe mais qui l’invite à travers la dialectique serrée entre A et B à réfléchir et à se forger sa propre opinion ! Cet incipit introduit donc l’ouvrage dans le genre du dialogue philosophique : il implique le débat, la diversité des points de vue, or les philosophes ne veulent pas as séner leurs idées mais permettre au lecteur de se forger les siennes.

D’autre part, le dialogue est l’imitation d’une conversation, pratique sociale et culturelle très développée au XVIII° siècle puisque l’élite lisante se presse dans les cafés, nouveaux hauts-lieux de rencontres, et les salons tenus par diverses personnalités, pour échanger les opinions (voir le document complémentaire « salons littéraires et philosophes »).

Le dialogue est donc la retransc ription écrite d’une parole en action ; il introduit de la vie et une pluralité de points de vue.

Diderot, lui-même grand bavard, affectionne particulièrement cette forme qu’il utilise dans des textes brefs ou dans ses œuvres majeures.

II) Un manifeste de l’esprit des Lumières ?  Des domaines de connaissance représentatifs des Lum ières  Le débat métérologique A et B paraissent bien informés et utilisent un voc abulaire assez technique : « partie inférieure de l’atmosphère » ; « chargée d’humidité » ; « il traverse l’éponge » ; « région supérieure » ; « air moins dense … saturé ».

A signale explicitement qu’il utilise le langag e des chimistes « comme disent les chimistes ».

Cette connaissance témoigne du goût et de la curiosité au siècle des Lumières pour les Sciences de la Nature.

Mais en même temps a et B ne sont pas d’accord sur les prév isions météorologiques : les indices d’observation sont insuffisants pour trancher.

Le « il faut attendre » est représentatif de la prudence des penseurs de s Lumières qui se fondent sur la raison et sur l’observation des fait s mais préfèrent suspendre leur jugement au lieu de tirer des conclusions hasardeuses.

 L’évocation d’autres domaines scientifiques : A et B s’intéressent à différentes sciences, les Mathématiques (A sait que Bougainville est aute ur d’un Traité de calcul différentiel et intégral) et la géographie (B signale que lors de son exploration, Bougainville a amélioré les cartes de géographie).

 Portrait de Bougainville en philosophe des lumières Bougainville est l’auteur réel qui a relaté son tou r du monde en 1771 : lettré, savant, sociable et au dacieux, Bougainville incarne l’explorateur-philosophe ou l’ officier-philosophe, · Il est le personnage de la contradiction, du moins apparente, entre deux périodes de sa vie et entre deux façons de se conduire : le nomade et le sédentaire ; le mondain et le rustre.

Cette opposition exprimée par A, interne à Bougainville, se retrouve dans le système des personnages mais elle apparaît ici comme une alternance naturelle : B la souligne par l’inte rmédiaire d’un chiasme jouant sur les verbes appliquer / dissiper « il se dissipe après s’être appliqué, et s’applique après s’être dissipé ».

Pour lui, il est illusoire de croire à la constance du caractère humain : « il fait comme tout le monde ».

Les premières observations de A sont marquées par des préjugés même si implicitement l’emploi de la métaphore filée du « tourbillon du monde » mis en relation avec la mer « élément sur lequel il a été ballotté » inscrit déjà l’image de l’inconstance de l’être et du monde.

B va battre en brèche les préjugés de son interlocuteur.

Faire le portrait de quelqu’un en voulant le figer dans une. »

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