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Article de presse: L'Anschluss

Publié le 13/03/2012

Extrait du document

13 mars 1938 - C'est un samedi 12 mars 1938. A midi, Joseph Goebbels, ministre de la propagande du Reich, fait passer ce communiqué à la radio : " Depuis ce matin, les soldats de la Wehrmacht allemande passent toutes les frontières de l'Autriche allemande... Appelés par le nouveau gouvernement national-socialiste de Vienne, (ils) seront les garants de ce que le peuple autrichien aura, dans les plus brefs délais et grâce à un véritable référendum, la possibilité de disposer de son avenir et, par là, de son destin "... Les cloches de toutes les églises sonnent à toute volée au long du Danube jusqu'à Saint-Etienne de Vienne, les Autrichiens acclament les colonnes de fantassins, les premiers blindés de la nouvelle armée allemande. " L'Autriche salue son Führer ", proclament les banderoles. Pour la dernière fois, les emblèmes nationaux rouge-blanc-rouge sont hissés auprès des drapeaux à croix gammée. Tous les envoyés spéciaux de la presse internationale, les documentaires filmés, en témoignent, ce sont des retrouvailles, rien d'une entreprise de conquête militaire : pas un coup de feu n'a été tiré, pas une résistance n'a été ébauchée. Ce n'est même pas une annexion, enjolivée par la seule propagande, mais un rattachement (ce que signifie le mot Anschluss)... Sans la moindre réaction des puissances signataire du traité de Versailles. La France n'a pas de gouvernement, l'Angleterre tergiverse. Tout commence à cinq heures du matin, ce 12 mars, avant l'entrée des troupes. A l'aérodrome de Vienne, Himmler, chef des SS et de la police, arrive en compagnie de Heydrich, chef de la police de sûreté, et de Wolf, autre dignitaire SS. En vingt-quatre heures, seize mille hommes de la police d'intervention venus du Reich occupent tous les postes de police et de gendarmerie autrichiens. L'épuration des fonctionnaires de police est immédiate. En trois jours, le gauleiter Burckel, commissaire pour l'incorporation de l'Ostmark (la marche de l'Est), procède à une transfusion générale d'Allemands dans tous les postes publics et privés. Le 14, l'armée autrichienne est intégrée à la Wehrmacht et prête serment avant d'être dispersée dans les garnisons du Reich. Tous les médecins, les juristes, les magistrats juifs sont remplacés. 16 000 révocations sont prononcées. Les actes d'allégeance de la magistrature, des universitaires, du clergé ne sont ni moins précipités ni moins massifs. En fin d'après-midi, le 14 mars, Hitler fait son entrée dans Vienne. 250 000 Viennois l'acclament dans une explosion de passion, une frénésie de joie qui ne se fabrique pas à coups de trique. Ces gens croient sincèrement que l'unité de la nation allemande est faite et qu'elle transforme leur destin. Derrière le chancelier, un von Papen en uniforme d'ambassadeur fier d'avoir été l'architecte d'une opération dont il espère qu'elle renforcera le poids des catholiques dans l'ensemble allemand, et qu'elle amènera Hitler à la modération. Le cardinal-archevêque de Vienne, Innitzer, originaire des Sudètes et qui a toujours été grand-Allemand, sans pour autant se rallier au national-socialisme, est reçu par Hitler sous les huées des militants prêts à " pendre les juifs et les curés. " Ils lui crient : " à Dachau, à Dachau ! " Il rend tout de même son hommage, dans la même illusion que von Papen... En quarante-huit heures, il entraîne les évêques autrichiens à aller beaucoup plus loin dans la voie du ralliement que ne le feront jamais les évêques du Reich. Leur appel du 18 mars, dicte aux catholiques un " devoir national de faire, en tant qu'Allemands, profession de foi en faveur du Reich allemand ". Naïveté, opportunisme, manque de jugement ou de sens politique ? Les pasteurs protestants, aussi, se ruent dans le loyalisme... Des dirigeants socialistes respectés, tel Karl Renner, ancien et futur chancelier, futur président de la Seconde République, font savoir qu'ils voteront oui au plébiscite à venir sur le rattachement. Accompagnant l'enthousiasme, la terreur. En quinze jours, les SA, les SS, les polices, déferlent dans les rues, traquent les suspects les juifs, les socialistes, les modérés de droite connus pour leur fidélité à l'Autriche. 70 000 arrestations sont opérées, le premier convoi pour Dachau part le 1er avril. Un plébiscite a été fixé au 10 avril pour approuver le rattachement. L'alternance de politiques de répression, de mise en confiance ou de séduction grossit la masse prévisible des votes favorables. Le sens tactique joue autant que la conviction, le désespoir d'avoir vu l'Autriche abandonnée pèse autant que la volonté fiévreuse de rejeter les clauses du traité de Versailles. Il n'est plus temps pour les militants de gauche de se manifester comme tels dans les bureaux de vote contrôlés par les sbires du parti. Les plus sceptiques veulent croire que les choses iront mieux qu'avant, et que l'Autriche balancera la Prusse au sein du Reich. L'intimidation physique et morale produit ses effets multiplicateurs. Si bien que le 11 avril, pour 4 270 000 oui, on compte 11 260 non..., hardis, dont les auteurs n'attendent pas longtemps l'arrestation. Le 1er juin, l'Etat autrichien disparaît totalement. Il est divisé en sept Gaue, au lieu de neuf provinces. Le nom d'Autriche lui-même est supprimé. L'erreur sur l'adversaire Dès la fin de 1918, après la défaite des Empires centraux, le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne était voulu comme l'unique salut pour le groupe de provinces autrichiennes de langue allemande dépourvues des moyens de vivre en nation autonome. L'indépendance voulue par les traités de Versailles et Saint-Germain de 1919 était ressentie comme le prix d'une guerre perdue. Tous les partis autrichiens inscrivent donc dans leurs statuts la volonté d'Anschluss. Les plus fervents partisans étaient les sociaux-démocrates, qui rêvaient d'une Grande-Allemagne socialiste avec leurs camarades allemands alors au pouvoir. Les chrétiens sociaux, un peu plus réservés, y trouvaient le cadre fédéral qui pourrait englober un Etat catholique. La droite penchait vers le pangermanisme. Personne pour défendre l'Autriche. Lorsque Hitler arriva au pouvoir, le 30 janvier 1933, son programme, dans l'article premier, réclamait l'Anschluss et l'abolition du traité de Saint-Germain. L'une de ses premières dépêches, le 31 janvier, saluait " le peuple allemand-frère en Autriche ". La réaction politique est immédiate : tous les partis autrichiens rejettent le national-socialisme. Ils suppriment de leurs programmes la référence à l'Anschluss, Hitler devient l'ennemi, sans que l'Allemagne cesse, malgré tout, de constituer une espérance liée à une forme de solidarité qui entretient les équivoques. Le discours que tient, le 1er mai 1933, le chancelier Dollfuss trace explicitement des frontières difficiles à tenir : " Nous professons avec joie notre germanité, mais nous ne pouvons permettre qu'on transforme la communauté ethnique en objet d'idolâtrie... L'objectif auquel nous tendons ne saurait être qu'une relation compréhensive entre la communauté ethnique et la conception chrétienne du monde... La défaite du marxisme est le premier objet de notre combat... Nous ne voulons ni du socialisme international ni du socialisme brun. " Ces propos éclairent l'évolution de 1933 à 1938. Les chanceliers catholiques, Dollfuss puis Schuschnigg, se trompent lourdement d'adversaire. Leur objectif majeur est le " marxisme ", contre lequel ils bâtissent un " Etat corporatif ", ils acculent les socialistes à la guerre civile (février 1934), qui fait plus de trois cents morts et plus de huit cents blessés. Les sociaux-démocrates sont réduits à la clandestinité, mais Dollfuss y perd le concours de milices ouvrières puissantes et bien armées, prêtes à s'opposer aux nazis. Hitler, en un premier temps, veut précipiter les choses : il tente un coup d'Etat en juillet 1934, où Dollfuss est assassiné. Il passe alors à la voie diplomatique, utilisant à cette fin von Papen, personnalité catholique, incarnation de l'ordre moral, prompt à toute besogne. Patiemment, en deux ans à Vienne, il joue des factions les unes contre les autres, facilite l'extension clandestine et pacifique des nationaux-socialistes autrichiens et finit par convaincre Schuschnigg qu'avec Hitler un arrangement n'est pas impossible. C'est l'accord assez vague du 11 juillet 1936, première étape des concessions irrémédiables. Diktat Au nom de la " communauté culturelle ", le chancelier Schuschnigg introduit les nationaux-socialistes dans l'Etat. Il n'a d'ailleurs aucun doute sur les vraies intentions de Hitler. En proie à une résignation fascinée devant la catastrophe, il s'obstine à maintenir dans l'illégalité les organisations de gauche, politiques ou syndicales. Mussolini l'avertit en vain, en août 1936 : " L'Autriche doit vouloir son indépendance ", puis, seul à le soutenir encore, il le lâche. Car la France et l'Angleterre redoutent Hitler, mais pour leur propre compte, en fermant les yeux sur les violations successives du traité de Versailles. En novembre 1937, Hitler fixe à son état-major l'échéance pour le printemps 1938. Les Anglais en sont informés. Ils font avertir Schuschnigg, dont la police trouve des documents qui confirment. Commence alors l'ultime manoeuvre de von Papen. En Autriche, les forces illégales du Parti nazi sont prêtes à l'insurrection. A la frontière, les divisions allemandes se massent. Alors, le 12 février 1938, Papen emmène Schuschnigg à Berchtesgaden pour " dissiper les malentendus " de l'application de l'accord de 1936. Hitler lui présente un diktat pur et simple, aux termes duquel l'Autriche doit désormais soutenir la politique du Reich. Les nationaux-socialistes autrichiens sortent de l'illégalité, sont amnistiés, ne font plus l'objet de discriminations, et leur principal représentant, l'avocat Arthur Seyss-Inquart, nommé conseiller d'Etat deux ans avant, devient ministre de l'intérieur et de la sécurité. Pendant trois semaines, la pression s'accentue. Schuschnigg, au dernier instant, tente un référendum sur l'indépendance, qui détermine Hitler à précipiter le chantage. Par téléphone, Seyss-Inquart transmet les messages jusqu'à l'aube du 12 mars, où la nouvelle Wehrmacht entreprend le premier essai de ses capacités manoeuvrières, assez décevant d'ailleurs, diront les techniciens. L'Anschluss n'est pas survenu sur un coup de tête il était explicable que l'Autriche du traité de Saint-Germain en eût nourri l'idéal. Beaucoup d'Autrichiens furent de bons Allemands, non seulement dans l'occupation de l'Europe, mais aussi dans la pratique politique SS. Mais il fut clair dès 1945 que c'est l'expérience même de sept ans de cet Anschluss, le prix payé en commun avec le IIIe Reich d'une colonisation par le national-socialisme et d'une guerre, qui a permis de liquider cette nostalgie. L'identité de l'Autriche indépendante de langue allemande s'est forgée dans cette épreuve et dans la naissance d'une résistance autrichienne au nazisme. La conscience en a pris forme dans les quelques jours de février-mars 1938, où, au dernier moment et trop tard, les chrétiens-sociaux entrent enfin en conversation avec les socialistes avant de se retrouver dans les camps ou en émigration. JACQUES NOBECOURT Le Monde du 14 mars 1988

« même est supprimé. L'erreur sur l'adversaire Dès la fin de 1918, après la défaite des Empires centraux, le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne était voulu commel'unique salut pour le groupe de provinces autrichiennes de langue allemande dépourvues des moyens de vivre en nationautonome.

L'indépendance voulue par les traités de Versailles et Saint-Germain de 1919 était ressentie comme le prix d'uneguerre perdue.

Tous les partis autrichiens inscrivent donc dans leurs statuts la volonté d'Anschluss.

Les plus fervents partisansétaient les sociaux-démocrates, qui rêvaient d'une Grande-Allemagne socialiste avec leurs camarades allemands alors au pouvoir.Les chrétiens sociaux, un peu plus réservés, y trouvaient le cadre fédéral qui pourrait englober un Etat catholique.

La droitepenchait vers le pangermanisme.

Personne pour défendre l'Autriche. Lorsque Hitler arriva au pouvoir, le 30 janvier 1933, son programme, dans l'article premier, réclamait l'Anschluss et l'abolitiondu traité de Saint-Germain.

L'une de ses premières dépêches, le 31 janvier, saluait " le peuple allemand-frère en Autriche ". La réaction politique est immédiate : tous les partis autrichiens rejettent le national-socialisme.

Ils suppriment de leursprogrammes la référence à l'Anschluss, Hitler devient l'ennemi, sans que l'Allemagne cesse, malgré tout, de constituer uneespérance liée à une forme de solidarité qui entretient les équivoques. Le discours que tient, le 1 er mai 1933, le chancelier Dollfuss trace explicitement des frontières difficiles à tenir : " Nous professons avec joie notre germanité, mais nous ne pouvons permettre qu'on transforme la communauté ethnique en objetd'idolâtrie...

L'objectif auquel nous tendons ne saurait être qu'une relation compréhensive entre la communauté ethnique et laconception chrétienne du monde...

La défaite du marxisme est le premier objet de notre combat...

Nous ne voulons ni dusocialisme international ni du socialisme brun.

" Ces propos éclairent l'évolution de 1933 à 1938.

Les chanceliers catholiques,Dollfuss puis Schuschnigg, se trompent lourdement d'adversaire.

Leur objectif majeur est le " marxisme ", contre lequel ilsbâtissent un " Etat corporatif ", ils acculent les socialistes à la guerre civile (février 1934), qui fait plus de trois cents morts et plusde huit cents blessés. Les sociaux-démocrates sont réduits à la clandestinité, mais Dollfuss y perd le concours de milices ouvrières puissantes et bienarmées, prêtes à s'opposer aux nazis. Hitler, en un premier temps, veut précipiter les choses : il tente un coup d'Etat en juillet 1934, où Dollfuss est assassiné.

Il passealors à la voie diplomatique, utilisant à cette fin von Papen, personnalité catholique, incarnation de l'ordre moral, prompt à toutebesogne.

Patiemment, en deux ans à Vienne, il joue des factions les unes contre les autres, facilite l'extension clandestine etpacifique des nationaux-socialistes autrichiens et finit par convaincre Schuschnigg qu'avec Hitler un arrangement n'est pasimpossible.

C'est l'accord assez vague du 11 juillet 1936, première étape des concessions irrémédiables. Diktat Au nom de la " communauté culturelle ", le chancelier Schuschnigg introduit les nationaux-socialistes dans l'Etat.

Il n'ad'ailleurs aucun doute sur les vraies intentions de Hitler. En proie à une résignation fascinée devant la catastrophe, il s'obstine à maintenir dans l'illégalité les organisations de gauche,politiques ou syndicales.

Mussolini l'avertit en vain, en août 1936 : " L'Autriche doit vouloir son indépendance ", puis, seul à lesoutenir encore, il le lâche.

Car la France et l'Angleterre redoutent Hitler, mais pour leur propre compte, en fermant les yeux surles violations successives du traité de Versailles. En novembre 1937, Hitler fixe à son état-major l'échéance pour le printemps 1938.

Les Anglais en sont informés.

Ils fontavertir Schuschnigg, dont la police trouve des documents qui confirment.

Commence alors l'ultime manoeuvre de von Papen. En Autriche, les forces illégales du Parti nazi sont prêtes à l'insurrection.

A la frontière, les divisions allemandes se massent.Alors, le 12 février 1938, Papen emmène Schuschnigg à Berchtesgaden pour " dissiper les malentendus " de l'application del'accord de 1936.

Hitler lui présente un diktat pur et simple, aux termes duquel l'Autriche doit désormais soutenir la politique duReich.

Les nationaux-socialistes autrichiens sortent de l'illégalité, sont amnistiés, ne font plus l'objet de discriminations, et leurprincipal représentant, l'avocat Arthur Seyss-Inquart, nommé conseiller d'Etat deux ans avant, devient ministre de l'intérieur et dela sécurité. Pendant trois semaines, la pression s'accentue.

Schuschnigg, au dernier instant, tente un référendum sur l'indépendance, quidétermine Hitler à précipiter le chantage.

Par téléphone, Seyss-Inquart transmet les messages jusqu'à l'aube du 12 mars, où lanouvelle Wehrmacht entreprend le premier essai de ses capacités manoeuvrières, assez décevant d'ailleurs, diront les techniciens.. »

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