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Justinien Ier

Publié le 27/02/2008

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Justinien Ier a cru restaurer, dans une splendeur qui ne finirait plus, l'Empire d'une Rome devenue chrétienne et byzantine. Et ce dessein a fait de lui un novateur, le premier souverain médiéval, le modèle, pour les siècles suivants, de l'empereur législateur et modérateur du monde chrétien, délégué sur terre du souverain céleste, mais en même temps continuateur de Rome, du seul pouvoir qui, aux yeux du Moyen Age, ait échappé aux accidents et aux contestations de l'histoire pour entrer dans l'absolu des idées et des valeurs. De l'homme, visage inexpressif et secret sur la mosaïque de S. Vital de Ravenne, nous ne savons que de maigres faits. Né, vers 482, d'une humble famille, au village de Tauresium, près de Bederiana, bourg peu éloigné de Scupi (Skoplje), il est originaire d'Illyricum, de ce pays balkanique où court dès le IVe siècle la fêlure selon laquelle se brisera l'empire, la ligne de partage entre les langues latine et grecque, entre les juridictions administrative et religieuse de Rome et de Constantinople ; région à part en fait, reculée et rustique, périodiquement ravagée par les Goths et les Huns aux IVe et Ve siècles, tandis que dès la fin du Ve siècle s'y infiltrent les premiers Slaves, et les premiers Bulgares.

« égards complémentaires, qui ont des problèmes territoriaux et commerciaux communs dans les régions de confins.

Lafin du règne est marquée par la paix de 561, qui durera dix ans.

Dans les Balkans, au contraire, tout dessein suiviest impossible en face d'un adversaire qui manque à cette date de structures politiques, et même d'homogénéitéethnique.

La descente en force des Bulgares dès 540 jusqu'à l'isthme de Corinthe, et jusqu'à Constantinople, etl'assaut général conduit en 559 par les Huns Kotrigours au sud du Danube, et aux abords même de la capitale, sontparmi les épisodes les plus menaçants de cette histoire.

En 561, un peuple apparenté aux Bulgares, les Avares,atteint à son tour le Danube ; il est promis à un avenir éclatant dès la fin du VIe siècle. L'Empire romain que Justinien gouverne et restaure est un Empire chrétien.

L'unité de la foi est en même temps lacondition et le signe de l'unité impériale, et il appartient au souverain de la préserver.

La sévérité à l'égard desdissidents pourra se nuancer, l'intention répressive demeurera constante.

Et pourtant la dissidence est tout autantrégionale, ethnique, linguistique, que strictement religieuse.

C'est ce qui justifie la politique choisie par Justinien,c'est aussi ce qui en fait le danger.

La cohésion de l'Empire était-elle en effet compatible avec tant departicularismes ? Mais ne présagent-ils pas, d'autre part, l'éclatement provincial contemporain de la conquête arabe? Et ils sont d'ailleurs plus anciens que Justinien lui-même : turbulence des Samaritains en Palestine, affinités desJuifs avec les grandes communautés de la Perse voisine, des Manichéens aussi avec les foyers originaux de leursecte, résistance aristocratique, ou au contraire paysanne, des derniers païens, hérésies chrétiennes aux contoursrégionaux accusés, et principalement l'immense Église monophysite, qui fait entendre de la Syrie à l'Égypte, ensyriaque ou en copte, la voix indigène des provinces orientales, mais qui trouve aussi des adeptes dans la capitale,voire des protections impériales, sous les empereurs précédents, Zénon et Anastase, et auprès de Théodora.

En 529et en 555, des révoltes samaritaines, liées à la répression civile et pénale de la secte, ravagent la région deScythopolis et de Césarée, où les Juifs et les Samaritains s'opposent aux chrétiens.

La condition des Juifs reflètel'ambiguïté des conceptions chrétiennes à leur égard.

Frappés d'incapacités civiles, leur culte est cependantlégalement reconnu, et justiciable, par conséquent, de la compétence unificatrice de l'empereur.

Justinien veutlimiter la diffusion du judaïsme ; il interdit aux Juifs de célébrer leur Pâque avant la fête chrétienne, de contracterdes mariages mixtes ou de posséder des esclaves chrétiens, ce qui n'est pas nouveau ; il cherche surtout à diminuerune hétérogénéité grandissante, appuyée sur l'hébreu, et sur la jurisprudence rabbinique de langue araméenne, dontles centres sont alors en Perse ; il autorise la lecture liturgique de la Loi en grec, dans la seule version desSeptante, et proscrit le retour au Talmud.

Les Manichéens subissent dès le début du règne la peine capitale dont lesrendaient passibles déjà les lois antérieures.

La répression du paganisme frappe aux deux extrémités de l'échellesociale les milieux aristocratiques et intellectuels, ces derniers durement atteints par l'interdiction d'enseigner, etdes populations rurales, qui seront évangélisées en masse, notamment dans le diocèse d'Asie.

Au sein duchristianisme, si Justinien écrase les montanistes de Phrygie, il cherchera au contraire longuement une formule decompromis avec les monophysites, adversaires du concile de Chalcédoine.

Et ce faisant, l'autorité impériale deJustinien se heurtera à l'autorité pontificale, à la primauté romaine, dont la théorie se fortifie à Rome depuis le débutdu Ve siècle.

Un premier édit de conciliation est promulgué en 533, et soumis au pape Agapit Ier, que les débuts dela reconquête amènent à Constantinople en 536, et dont l'attitude provoque un renversement de politique envers lemonophysisme, et des mesures de répression.

En 543 ou 544, Justinien fait une nouvelle tentative, et ouvre ainsi lalongue querelle des Trois Chapitres, dans laquelle il arrache sans ménagement le soutien, d'ailleurs ambigu, du papeVigile, et de son successeur Pélage ; en revanche, il dresse contre lui, dans les provinces reconquises, une partie del'épiscopat d'Afrique, de Dalmatie, et d'Italie.

En matière hiérarchique, si Justinien semble rendre à Rome la place quilui revient dans l'Empire rénové, il la réduit en fait, après 554, à n'être que le premier des cinq patriarcats de cetEmpire, unis à la volonté du souverain temporel par une harmonie souvent proche de la docilité.

L'avenir médiéval luidonnera tort sur ce point.

Il faut enfin ajouter à l'œuvre religieuse de Justinien ses aspects diplomatiques ; sur lesrives de la péninsule arabique, la mission chrétienne est en rapport avec les menées de Byzance en vue d'établir uneroute commerciale indépendante du contrôle perse, notamment pour la soie d'Extrême-Orient. L'œuvre législative de Justinien est sans conteste un des fondements de la société médiévale, non seulement sur lesol byzantin, mais en Occident aussi, où le droit Justinien pénètre par l'Italie.

Elle tient en trois titres : le CodeJustinien en 534, après une première édition en 529, le Digeste et les Institutes en 533.

Entre 534 et 565 viennents'ajouter les Novelles, ou lois supplémentaires, qui feront également l'objet de compilations italiennes.

Le Coderecueille les textes du droit en vigueur, provenant des jurisconsultes classiques, et des constitutions impériales ;mais il leur impose l'ordonnance d'une architecture puissante et neuve, en vue de laquelle ils sont remaniés par lesrédacteurs.

Le Digeste rassemble, non sans liberté avec les textes, ce qui est choisi pour survivre dans les sourcesde la jurisprudence classique.

Les Institutes enfin font le point de cette mise en état du droit, à l'usage desétudiants.

Pour l'avenir immédiat, l'aspect le plus important de l'œuvre est l'achèvement de la législationecclésiastique.

L'Église prend sa place définitive dans la société par ses fonctions judiciaires, par un ensemble deprivilèges et de règles qui en font un organisme économique vivant, et qui sont la contrepartie de sa fonctiond'assistance aux pauvres ; contrat fondamental, dont bien des éléments remontent au IVe siècle, et auquel seconformera désormais, en principe, l'Europe chrétienne.

A plus longue échéance, les recueils justiniens assurent lasurvie du droit romain dans cette même Europe, non sans faire place, à bien y regarder, aux tendances nouvelles dela pratique.

Le droit Justinien s'éloigne du droit romain classique en matière de fiançailles et de mariage, de parentéouvrant le droit à l'héritage ; il le supplantera sur plusieurs points.

En matière pénale, il atteste, fût-ce pour leslimiter, les sanctions corporelles d'une brutalité croissante, qui sont également une innovation de la pratique.

Enfin,une sensibilité exacte à l'évolution sociale s'exprime surtout dans les Novelles, de forme plus souple. Évolution qui peut se résumer d'un mot comme la crise quasiment définitive des valeurs de la civilisation urbaineantique, sur lesquelles s'appuyait encore le pouvoir impérial romain.

Justinien s'efforce de sauver ces valeurs.

Fidèleà la vertu politique de la munificence, il restaure les villes détruites par des tremblements de terre, assez fréquents. »

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