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Kosovo, dix ans d'affrontements

Publié le 04/03/2012

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23 mars 1999 Elu président de la Serbie en 1989, Slobodan Milosevic s'est employé à tirer un trait sur l'humiliation infligée aux siens par le maréchal Tito. Champion du réveil nationaliste, il a fait du Kosovo la cible de son pouvoir. Vexations, répression, radicalisation, tous les ingrédients de la guerre étaient réunis 1. LA RUPTURE "Personne n'a le droit de battre ce peuple." Ainsi parle, au printemps 1987, le jeune dirigeant serbe Slobodan Milosevic. Il est depuis peu, le chef de la Ligue des communistes de Serbie. En quelques mois, il fait le ménage à la tête du parti, place ses amis dans les médias et se débarrasse des opposants favorables à un dialogue avec les Albanais du Kosovo, qui représentent alors 80 % des quelque deux millions d'habitants de la province. Il mobilise les foules dans des "meeting spontanés" contre le "génocide des Serbes" et sur le thème de la "révolution anti-bureaucratique", du "réveil de la conscience serbe". Celui qui apparaît, à quarante-six ans, comme un "libérateur" veut restructurer la Yougoslavie - en difficulté depuis la mort de Tito, le 4 mai 1980 - dans un système centralisé. Et, surtout, tirer un trait sur l' "humiliation" que le maréchal avait infligée à la Serbie depuis trente ans, en estimant qu'une Yougoslavie équilibrée supposait une Serbie faible. Slobodan Milosevic exige la "réunification de la Serbie ", par le rattachement des provinces autonomes du Kosovo et de Voïvodine, déclenche une vague de nationalisme à travers de gigantesques rassemblements populaires. Il jouit très vite d'un véritable culte de la personnalité. Partout des badges à son effigie, des cartes postales, des calendriers, sont vendus dans les rues. Son portrait s'étale sur les kiosques à journaux, à la vitrine des salons de coiffure, devant les caisses des grands magasins. Son livre, Les Années du dénouement, un recueil de discours, se vend en bonne place dans les librairies de Belgrade. Il est partout, jusque dans les magasins de jouets. Deux ans plus tard, son parti devient le premier en Serbie, et il fait adopter, en mars 1989, une nouvelle Constitution, marquée par la récupération des deux provinces autonomes, la Voïvodine, et, surtout, le Kosovo, auquel Tito avait octroyé, en 1974, une large autonomie. 2. LA "PROVOCATION" Dans la province albanaise, la révolte gronde depuis plusieurs mois. De violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre serbes entraînent la mort de dizaines de personnes. L'administration est épurée de tous les cadres soupçonnés de sympathies à l'égard des "séparatistes", l'armée est déployée. Les meetings de soutien se multiplient. En juin 1989, à l'occasion du sixième centenaire de la bataille de Kosovo Polje, qui a marqué au "champ des Merles" la retentissante défaite des Serbes chrétiens contre les envahisseurs turcs, Slobodan Milosevic apparaît comme le grand maître de la cérémonie, qui a lieu près de Pristina. Il déclare que "la Serbie se trouve devant de nouvelles batailles, non pas armées, bien que celles-ci ne soient pas exclues". Plus d'un million de personnes l'acclament lors de cette énorme "fête", qualifiée alors par le chef de la communauté albanaise, Ibrahim Rugova, de "véritable provocation". Slobodan Milosevic est au faîte de sa gloire, et il est élu président de Serbie en juillet 1989. Cette ascension ne se fait toutefois pas sans heurts. Le comité central de la Ligue des communistes de Yougoslavie l'accuse de vouloir devenir le maître du pays. En Slovénie, l'une des six républiques de la Yougoslavie - avec, outre la Serbie, la Croatie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine -, le Parlement adopte une révision de sa Constitution, prévoyant notamment un droit à l'autodétermination et à la sécession, après consultation de la population par référendum. Au Kosovo, M. Milosevic tente de repeupler la province par cent mille Serbes et Monténégrins, pour contrebalancer le poids de la population albanaise. 3. L'ÉTAT D'URGENCE Après le limogeage de dirigeants albanais jugés trop nationalistes, la multiplication de grèves et de manifestations entraînent la mise en place de l'état d'urgence et d'un couvre-feu au Kosovo. Des blindés prennent place autour des principales entreprises de la région et des unités de police multiplient les patrouilles, les intimidations et les arrestations. Au moment de la suppression de l'autonomie de la province serbe à majorité albanaise, en mars 1989, quarante-quatre dirigeants albanais sont détenus pour "complicité" avec les "nationalistes". Plus de cent personnes sont tuées, et des centaines d'autres blessées, lors des affrontements qui se multiplient jusqu'en 1990. Comme toujours, Slobodan Milosevic souffle le chaud et le froid. Il prend un malin plaisir à multiplier les contre-pieds, à surprendre ses adversaires. Ainsi, après avoir imposé l'état d'urgence au Kosovo un an plus tôt, il le lève, en avril 1990, et annonce la libération d'une centaine de détenus politiques dont le "doyen" des prisonniers yougoslaves, l'écrivain Adem Demaci, incarcéré près de trente ans pour "activités nationalistes". Dans le même temps, il promet aux Serbes de sauvegarder ce qu'il appelle leur "berceau" culturel. Les affrontements ont déjà provoqué la mort de plus de cent personnes au Kosovo, dans une région quadrillée par plusieurs dizaines de milliers de policiers et de miliciens serbes. En décembre 1990, le président serbe, dont le slogan électoral est : "Avec nous, pas d'incertitude", est réélu avec 65 % des voix. A l'automne 1990, un rapport de la CIA, dont fait état l' International Herald Tribune dans son édition du 29 novembre, estime que "l'expérience socialiste a échoué, le pays se disloque, et le démembrement de la Fédération sera accompagné de violences ethniques et d'agitation qui conduiront à la guerre civile". Et, déjà, les auteurs du document accusent Slobodan Milosevic d'être le principal instigateur des troubles en Yougoslavie en raison de la répression au Kosovo, et de l'exacerbation des sentiments nationalistes serbes. Les écoles sont fermées, les grèves et manifestations se poursuivent, alors qu'un apartheid de fait s'installe au Kosovo. Deux cents professeurs ont été exclus de l'université ; journaux, radio et télévision albanophones sont fermés. Au total, selon l'opposition, soixante-quinze mille personnes ont été privées de leur emploi. 4. LA RÉSISTANCE PASSIVE La "République du Kosovo" est autoproclamée en septembre 1990, à la suite d'un référendum clandestin sur l'indépendance de la province. Son principal dirigeant, Ibrahim Rugova, appelle à la résistance passive. Pendant près de deux ans, pratiquement plus aucune manifestation ne se tient au Kosovo, et une société parallèle se met progressivement en place. Les bâtiments officiels sont fermés aux Albanais, mais les "députés", élus au Parlement en mai 1992, siègent de manière empirique à l'Association des écrivains. Parallèlement à cette organisation politique embryonnaire, l'enseignement clandestin s'organise. Dans des maisons privées, des garages ou des hangars précairement installés, professeurs et élèves posent les bases d'un système éducatif pirate, qui ne fera que se développer - des classes élémentaires à l'université. La diaspora finance cet effort - en y consacrant au minimum 3 % de ses revenus -, qui devient progressivement l'emblème de la résistance passive de la province. Des petites entreprises privées, ou agricoles, et des commerces en tout genre se développent, pour faire face à la mainmise croissante de la Serbie sur les sociétés publiques, considérée à Pristina comme "une colonisation économique du Kosovo". La non-violence est toujours considérée, par M. Rugova, comme le "seul choix" possible, l'autre terme de l'alternative - la révolte ouverte - devant immanquablement conduire, selon lui, "au massacre". Malgré ce plaidoyer, la tension est constante. Le régime de Slobodan Milosevic met l'accent sur la "recherche des armes" que les Albanais seraient susceptibles de détenir, avec perquisitions musclées, menaces, mises à sac, vexations et brutalités diverses. Et, dès 1993, Ibrahim Rugova commence à prédire qu' "une absence de solution politique risque de déboucher sur une véritable radicalisation". 5. LA RÉVOLTE Après avoir été quelque peu oubliée pendant la guerre en Croatie et en Bosnie, la province du Kosovo - dont il n'est pas fait mention dans l'accord de Dayton, signé en décembre 1995 à Paris - connaît de nouveaux troubles. Début 1996, les violences se multiplient. Une Armée de libération du Kosovo (UCK) - alors mystérieuse - revendique pour la première fois, en février, une série d'attentats à la bombe. Des heurts opposent des Albanais aux forces de l'ordre et à des civils serbes. Plusieurs personnes sont tuées dans les deux communautés, lors d'attentats et d'agressions diverses. A l'automne 1996, la signature, d'un accord "historique" entre Ibrahim Rugova et Slobodan Milosevic sur le système scolaire fait naître un fragile espoir, mais il ne débouchera finalement sur aucun résultat concret. Le mécontentement monte une fois de plus, et des divisions commencent à apparaître au sein même de la communauté albanaise sur la stratégie à suivre. Au dialogue sans violence, credo d'Ibrahim Rugova depuis dix ans, une frange radicale - dirigée par Adem Demaci - prône la confrontation et la lutte armée. Au même moment, l'UCK multiplie les attaques contre des commissariats serbes, et tue plusieurs policiers, en différents points de la province. Après ces attaques sporadiques mais répétées, les forces de l'ordre serbes lancent une opération d'envergure. Au début du mois de mars 1998, elles investissent plusieurs hameaux, dans des actions qui provoquent la mort de plus d'une centaine de personnes. Depuis, l'escalade de la répression et des combats ne fait que s'amplifier. Environ soixante-dix mille personnes fuient les combats, vers l'Albanie ou le Monténégro voisins, et l'UCK apparaît de plus en plus comme un élément incontrôlable. Alors que la communauté internationale multiplie les pressions et presse les deux parties d'entamer un dialogue, la radicalisation des Albanais comme des Serbes plonge le Kosovo dans la guerre et le chaos. 6. La guerre Belgrade envoie d'importants renforts de police et de militaires dans la province, et s'engage dans une répression féroce alors que l'Armée de libération du Kosovo se structure et passe à l'offensive. En mars 1998, les manifestations de protestation des Albanais à Pristina sont massivement réprimées par les forces de l'ordre serbes. La communauté internationale commence à multiplier les mises en garde à l'adresse de M. Milosevic, et annonce un premier "plan d'action". Au même moment, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) dénonce, dans un rapport, la "barbarie" et le "harcèlement" des forces serbes au Kosovo. Dans les campagnes, les Serbes vivent dans la hantise de la guerre, et les Albanais craignent les représailles. La tension est visible dans tous les villages de la province. La présence policière et militaire ne fait que croître et les contrôles se multiplient sur les routes. Belgrade intensifie sa politique de répression alors que l'UCK contrôle, durant l'été 1998, environ 30 % à 40 % du territoire de la province. Même si le combat entre l'UCK et les forces serbes apparaît bien inégal entre quelques milliers de "combattants" plus ou moins bien armés et les quelque quarante mille policiers et militaires serbes parfaitement entraînés. Les combats sont féroces et provoquent l'exode de plus de deux cent mille personnes. Devant l'accroissement de la tension, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte, en septembre 1998, la résolution 1199 et lance ainsi un avertissement à Belgrade, en menaçant implicitement de recourir à la force. Moins d'un mois plus tard, l'OTAN donne aux militaires "un ordre d'activation" en République fédérale de Yougoslavie, puis suspend son ordre après un début de retrait des forces serbes et la mise en place, au mois de décembre, de près de mille cinq cents "vérificateurs" de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à la suite d'un accord obtenu à l'arraché par l'émissaire américain Richard Holbrooke. Malgré cette présence, les forces serbes s'emparent du village de Racak, en janvier 1999, et quarante-cinq Kosovars sont massacrés dans des conditions qui, si elles restent troubles, apparaîtront comme une provocation supplémentaire de Belgrade. S'ensuivra l'échec des négociations de Rambouillet, en février, avec les nouveaux atermoiements d'un Slobodan Milosevic dont un avocat réputé de Belgrade disait, il y a quelques années : "Il s'est fait sur le Kosovo en attisant la crise, et c'est sur le Kosovo qu'il tombera." DENIS HAUTIN-GUIRAUT Le Monde du 26 mars 1999

« nous, pas d'incertitude", est réélu avec 65 % des voix. A l'automne 1990, un rapport de la CIA, dont fait état l' International Herald Tribune dans son édition du 29 novembre, estimeque "l'expérience socialiste a échoué, le pays se disloque, et le démembrement de la Fédération sera accompagné de violencesethniques et d'agitation qui conduiront à la guerre civile".

Et, déjà, les auteurs du document accusent Slobodan Milosevic d'être leprincipal instigateur des troubles en Yougoslavie en raison de la répression au Kosovo, et de l'exacerbation des sentimentsnationalistes serbes. Les écoles sont fermées, les grèves et manifestations se poursuivent, alors qu'un apartheid de fait s'installe au Kosovo.

Deuxcents professeurs ont été exclus de l'université ; journaux, radio et télévision albanophones sont fermés.

Au total, selonl'opposition, soixante-quinze mille personnes ont été privées de leur emploi. 4.

LA RÉSISTANCE PASSIVE La "République du Kosovo" est autoproclamée en septembre 1990, à la suite d'unréférendum clandestin sur l'indépendance de la province.

Son principal dirigeant, Ibrahim Rugova, appelle à la résistance passive.Pendant près de deux ans, pratiquement plus aucune manifestation ne se tient au Kosovo, et une société parallèle se metprogressivement en place.

Les bâtiments officiels sont fermés aux Albanais, mais les "députés", élus au Parlement en mai 1992,siègent de manière empirique à l'Association des écrivains. Parallèlement à cette organisation politique embryonnaire, l'enseignement clandestin s'organise.

Dans des maisons privées, desgarages ou des hangars précairement installés, professeurs et élèves posent les bases d'un système éducatif pirate, qui ne fera quese développer - des classes élémentaires à l'université.

La diaspora finance cet effort - en y consacrant au minimum 3 % de sesrevenus -, qui devient progressivement l'emblème de la résistance passive de la province.

Des petites entreprises privées, ouagricoles, et des commerces en tout genre se développent, pour faire face à la mainmise croissante de la Serbie sur les sociétéspubliques, considérée à Pristina comme "une colonisation économique du Kosovo". La non-violence est toujours considérée, par M.

Rugova, comme le "seul choix" possible, l'autre terme de l'alternative - larévolte ouverte - devant immanquablement conduire, selon lui, "au massacre".

Malgré ce plaidoyer, la tension est constante.

Lerégime de Slobodan Milosevic met l'accent sur la "recherche des armes" que les Albanais seraient susceptibles de détenir, avecperquisitions musclées, menaces, mises à sac, vexations et brutalités diverses.

Et, dès 1993, Ibrahim Rugova commence à prédirequ' "une absence de solution politique risque de déboucher sur une véritable radicalisation". 5.

LA RÉVOLTE Après avoir été quelque peu oubliée pendant la guerre en Croatie et en Bosnie, la province du Kosovo -dont il n'est pas fait mention dans l'accord de Dayton, signé en décembre 1995 à Paris - connaît de nouveaux troubles.

Début1996, les violences se multiplient.

Une Armée de libération du Kosovo (UCK) - alors mystérieuse - revendique pour la premièrefois, en février, une série d'attentats à la bombe.

Des heurts opposent des Albanais aux forces de l'ordre et à des civils serbes.Plusieurs personnes sont tuées dans les deux communautés, lors d'attentats et d'agressions diverses.

A l'automne 1996, lasignature, d'un accord "historique" entre Ibrahim Rugova et Slobodan Milosevic sur le système scolaire fait naître un fragileespoir, mais il ne débouchera finalement sur aucun résultat concret.

Le mécontentement monte une fois de plus, et des divisionscommencent à apparaître au sein même de la communauté albanaise sur la stratégie à suivre.

Au dialogue sans violence, credod'Ibrahim Rugova depuis dix ans, une frange radicale - dirigée par Adem Demaci - prône la confrontation et la lutte armée.

Aumême moment, l'UCK multiplie les attaques contre des commissariats serbes, et tue plusieurs policiers, en différents points de laprovince. Après ces attaques sporadiques mais répétées, les forces de l'ordre serbes lancent une opération d'envergure.

Au début dumois de mars 1998, elles investissent plusieurs hameaux, dans des actions qui provoquent la mort de plus d'une centaine depersonnes.

Depuis, l'escalade de la répression et des combats ne fait que s'amplifier.

Environ soixante-dix mille personnes fuientles combats, vers l'Albanie ou le Monténégro voisins, et l'UCK apparaît de plus en plus comme un élément incontrôlable.

Alorsque la communauté internationale multiplie les pressions et presse les deux parties d'entamer un dialogue, la radicalisation desAlbanais comme des Serbes plonge le Kosovo dans la guerre et le chaos. 6.

La guerre Belgrade envoie d'importants renforts de police et de militaires dans la province, et s'engage dans une répressionféroce alors que l'Armée de libération du Kosovo se structure et passe à l'offensive.

En mars 1998, les manifestations deprotestation des Albanais à Pristina sont massivement réprimées par les forces de l'ordre serbes.

La communauté internationalecommence à multiplier les mises en garde à l'adresse de M.

Milosevic, et annonce un premier "plan d'action".

Au même moment,la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) dénonce, dans un rapport, la "barbarie" et le "harcèlement" des forcesserbes au Kosovo.. »

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