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La guerre d'indépendance grecque

Publié le 10/11/2018

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RENAISSANCE D'UNE NATION

 

En 1821, après presque quatre siècles de soumission, les Grecs se soulèvent contre les Ottomans. Commence alors une guerre de libération, considérée par les patriotes grecs comme une révolution nationale, qui aboutit une décennie plus tard à l'indépendance du pays au prix d'une résistance héroïque et de massacres sanglants. Indépendance relative car, s'il s’est affranchi de la tutelle turque, le nouvel État reste sous la protection, pour ne pas dire la surveillance, des puissances occidentales. Poussées par une opinion publique largement acquise à la cause hellène, la Grande-Bretagne, la France et la Russie ont été amenées à soutenir ce combat à contrecœur. La lutte des Grecs perturbe en effet l'équilibre européen dont la Sainte-Alliance se voulait la garante à l'issue du congrès de Vienne (1814-1815).

 

Déjà en pleine décadence, la puissance turque sort encore plus affaiblie de la guerre. S'amorce le lent démembrement de l'Empire ottoman, qui devient l'« homme malade de l'Europe», objet de toutes les convoitises.

LA GRÈCE À LA VEILLE DE LA GUERRE

Une province de l'Empire ottoman

 

Depuis la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 et la chute de l'Empire byzantin, la Grèce est une province ottomane. Pendant près de trois siècles, cette présence est plutôt bien acceptée par le monde hellénique, qui bénéficie d'une certaine autonomie politique et d'une grande tolérance à l'égard de la religion orthodoxe. Les riches bourgeois grecs installés dans le quartier du Phanar d'Istanbul (d'où leur nom de phanariotes) jouent même un rôle important au sein de l'empire: ils contrôlent une partie du commerce et sont parfois associés au gouvernement du sultan.

 

Ce relatif équilibre se détériore à partir de la seconde moitié du xviiie siècle. Le recul de la puissance ottomane en Europe et surtout la montée en puissance de la Russie en sont les raisons principales. Plus encore qu'à défendre leurs frères orthodoxes, les tsars cherchent à étendre leur influence dans les Balkans et à s'ouvrir la route des détroits de la mer Noire en déstabilisant la Sublime Porte (surnom du gouvernement ottoman). En 1770 a lieu la première grande révolte grecque, lorsque la population du Péloponnèse, instrumentalisée par les Russes, se révolte contre ses maîtres. En réaction, des troupes albanaises envoyées par Istanbul dévastent la région pendant plusieurs années. En 1786, une nouvelle insurrection, toujours soutenue en sous-main par la Russie, est durement réprimée dans la région de l'Épire. Cet état de guerre endémique contribue au déclin économique du pays et favorise le ressentiment à l'égard des Turcs.

Une autre cause importante est la déliquescence du pouvoir central du sultan : des gouverneurs provinciaux en profitent pour s'ériger en potentats locaux, et de grands propriétaires fonciers musulmans accentuent leur emprise sur une population grecque de plus en plus exploitée.

L'éveil d'une conscience nationale La fin du xviiie siècle est marquée par l'émergence du sentiment national grec en même temps que par la décadence de l'Empire ottoman. En contact permanent avec l'Occident, la bourgeoisie commerçante est profondément influencée par les idéaux de la Révolution française, mais aussi par le succès des mouvements d'indépendance des colonies anglaises et espagnoles d'Amérique.

Cette prise de conscience est véhiculée par des intellectuels, pour la plupart réfugiés dans les grandes capitales européennes, qui appliquent à la situation de leur pays les principes de la libération nationale et, redécouvrant le passé,

25 mars 1821 12 janvier 1822 Avril 1822 1825 Juillet 1827 20 octobre 1827 1828-1829 14 septembre 1829 3 février 1830 Août 1832

Début Proclamation Massacres Intervention Protocole Bataille Offensive Traité d'Andrinople Traité de Londres,

 de l'insurrection de l'indépendance de Chio égyptienne de Londres de Navarin russe indépendance

de la Grèce

Au cours des premiers mois, les insurgés remportent plusieurs victoires militaires, sur terre comme sur mer, face à l'armée ottomane. Au moment du déclenchement des hostilités, celle-ci est en effet mobilisée en Épire, dans le nord-ouest du pays, où elle tente de mater le gouverneur rebelle Ali Pacha de Tebelen qui s'est allié aux indépendantistes grecs. À Istanbul, cependant les phanariotes sont victimes de la répression ottomane. Le patriarche grec Grégoire V est pendu à la porte de son église par les janissaires.

 

Proclamation de l’indépendance Encouragés par leurs succès, les révolutionnaires se réunissent en congrès à Épidaure, dans le nord-ouest du Péloponnèse, en janvier 1822. Une Assemblée constituante est formée, présidée par le phanariote Alexandre Mavrokordhàtos (1791-1865). Celui-ci proclame aussitôt l'indépendance de la Grèce. Dans la foulée, une Constitution d’inspiration libérale est adoptée.

« BYRON.

DELACROIX.

HUGO ET lES AUTRES ...

C'est peu dire que le soulévement du peuple grec contre les Ottomans a exercé une trouble fascination sur le mouvement du romantisme européen.

Pour cette génération rongée par la mélancolie et l'ennui , en butte aux normes et aux conventions de son temps , la résistance acharnée et jusqu'au-bouliste des Hellènes devant des forces bien supé rieures incarne cette soif de liberté , d 'exaltation et de révoke qu'elle n'a de cesse d'assouvir.

t:image du patriote grec luttant envers et contre tout renvoie à celle du héros romantique , pour lequel la passion prim e sur la raison .

Face à leurs gouvernements r éactionnaires et calculateu rs, nombre d'artistes et d'intell ectuels participent a insi à la fondation des comités philhellènes et de surcroît , n 'hésitent pas à mettre leur talent au service de la cause afin de mobilise r l'opin ion.

Un des exemples les plus fame ux est celui du peintre Eugène Delacroix, qui illustre en 18241 'horreur de la répression ottomane dans sa célèbre toile Scènes des massacres de Scio, au retentissement international.

Le même thème est évoqué par Victor Hugo dans son recueil de poésies Les Orientales , publié en 1829 : «Les Turcs ont passé là.

Tout est ruine et deuil 1 Chio, l'ile des vins , n ' est plus qu'un sombre écueil ...

» (L 'Enfant ) Mais la figure la plus emblématique de l'engagement des romantiques demeure incontestablement celle de l'illustre poéte anglais lord Byron, qui en 1824 se rend en Grèce pour part iciper à la défense d e M issolon ghi assiég ée par les T ures.

Victime de fiévres, il y décède peu aprè s.

Sa mort a un retentissement international et contribue à la prise de conscience occidentale du sort du peuple g rec.

o u en core le général fra nçais Charl es Fabvier, qui prendra une pa rt prépondé rante à la d éfense d'Athè nes assiégée en 1826 .

L'IMMOBILISME DE LA SAINTE·ALLIANCE La sympathie de l'opinion publique pour la révolte hellè n e cont raste avec les réticences des gouverne ments européens .

Dep uis 1815, les affaires européennes sont régies par l'ordr e réactionnaire de la Sain te-Alliance (Russie, Prusse, Autriche , France et Grande -Bretagne ) et la diplomatie prudente de Metternich .

Celle-ci s'est donné pour but d e préserver l'équilibre européen né au lendemain de l a chute de l 'empire napoléonien et de se prémunir contre toute entreprise libérale ou révolutionnaire .

Dans cette optique , les gouvernements ne se montrent guèr e disposés à soutenir une révol te q u i, circo nsta n ce aggravante, s' est p lacée idéo logiquement dans la f iliation de la Révolution française .

1-------------...------------- -1 Certes , l'Empire ottoman décli n a nt et de 60 navires de guerre, débarq u e après avoir noyé dans le sang la révo lte en Crète .

Il est commandé par Ibrahim Pacha , le prop re fils du vice-roi .

Malgré leur courage, les Grecs sont débordés .

Misso lo nghi, siège du gouvernement révo lutionnaire, est repr ise, puis, e n 1 827, Athènes tombe à son tour .

À cette date, plus de 200 000 Grecs ont déjà pér i dans le combat pour l'indépendance.

L'EUIOPE ET LA • QUESTION D'-ENT a, ENliE SYMPATHIE ET UnCENCES LE MOUVEMENT PHILHELLÈNE En Europe, les milieu x libéraux se sont t r ès tôt mobil isés pour la cause des patriotes grecs , perçue comme la lutte d 'émancipatio n nationa le de l a « petite Grèce >> contre le « géant ottoman ».

Dès sa fondation , l'H ét airie a trouvé de nombreux app uis sur le continent.

En 1822 , l ' annonce des terribles massacres de Chio décle n ch e une vague d 'indignatio n sans précédent au sein de l'opinion p ubl ique écla irée.

Nombre d 'intellectue ls, pétris de culture grecque classique, décide nt de se mobiliser pour soutenir l'héroïque résistance , de Hugo à Pouchkine e n passa nt par Goethe .

Des comités philhellènes se créent ainsi dans toutes les grandes capitales européennes , mais aussi aux États-Unis .

Ils s'attachent à récolter des fonds et des armes en fave ur des indépendantistes et font pression auprès des gouvernements pour obtenir une intervention militaire .

À Paris , outre Hugo, le comité réunit des figures aussi p restigieuses et dive rses qu e L amartine , Delacroix , Berlioz et Chat eau briand.

C e vaste mouvement ne se conte nte pas d'un soutien indirect et déborde bientôt le seul milieu des artistes .

Préfi gurant les Brigades internationales de la guerre d'Espagne de 1936 , des volontaires de tous pays décident d 'aller com battre les a rmes à la main contre les Turcs .

Encadrés par leurs propres officiers, souvent des militaires de carrière aguerris , des contingents se forment ainsi e t s' embarquent en direction de la Grèce .

Devant l' inaction des pays européens , cette aide informe lle mais efficace ser a d'un grand seco urs pour des insurgés en passe d'être débordés.

Nombre d'étrangers s'illustreront tout au long des durs combats pour l 'indépendance et deviendront des héros aux yeux d u peuple grec: le capitaine de marine anglais Hastings , le général _ _ ....

_..,.,,.

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écossais Gordon attise les convoitises .

Les p rétention s des Russes sur les Balkans inquiè t e nt l ' Autr ich e, leurs visées sur les D étroits indis posent l'Ang le te r re, maîtresse de la Méditer ranée .

La F rance, elle, est favorable à l 'émancipatio n de l'Égypte .

En un mot , l'équilibre géopolitique de l' Europe et de la Méditerranée relègue le cas de la Grèce a u second plan.

MÉDIATION DIPLOMATIQUE Cependant, la détermination des patriotes grecs , les massacres perpétrés par les Turcs , la sympathie grandissante de la fraction éclairée des opinions pub liques , l'action des comités philhellènes et l'interventio n de contin gents étrangers contraig n e nt les chancelleries européennes à entr er dans le jeu et à offri r leur médiation .

En juillet 1827, après bien des atermoiements , la Grande -B re t agne , la France et la Russie p ubl ient le protoco le de Londres , qui préco nise « l'autonomie de la Grèce dans le cadre de la suzeraineté turque >>.

De manière prévisible, la Sublime Porte oppose une fin de non-recevoir .

UN TOURNAN T : LA BATAIUI DE NAVARIN Devant le refus de tout compromis , les trois puissances signata ires du protocole de Lon d res décident d 'envoyer une flotte de guerre patroui ller au large de la Grèce .

Il s 'agit non pas de combattre , mais simplement de faire pression sur le sultan pour favoriser u n règlement du conflit.

Mais, le 20 octobre 1827, dans la rade du port de Navari n, l'escadre t ripartite détruit la flotte turco ­ égyptienne sans déclaration de guerre préalable .

Les c irconstances du déclenchement des hostilités demeurent mystérieuse s.

Le commandant de la flotte frança ise, l'amira l de Rigny , qui ne fait pas mystère de s a sympa thie pour les insurgés , prétextera un coup de canon tiré par un navire turc.

Provoca tio n ou f a ute, la bataille navale de Navarin fait entrer la guerre d'indépendance grecque dans une phase nouvelle .

Les trois alliés prése ntent certes le urs excuses au x O tt omans.

Mais, dans les faits, les voilà désormais engagés milit a irem en t dans le conflit , d 'autant que le sultan , en dépit de la destruction de sa flotte , refuse toujours toute solution négoc iée.

L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT L a France est la premiè re à interveni r.

E n août 1828, un corps exp éd i tionnaire commandé par le général Maison débarqu e en Morée .

A idé par les rebelles grecs , il prend rapidement le dessus sur l 'armée d'Ibrahim Pacha et le contraint à retourner e n Égypte .

D ans le même temps , la Russie , profitant des déboires turcs , passe à l'offensive à partir de l'Arm én ie et du Danube .

L a guerre tourne rapidement à l 'avantage du tsar.

En août 1829, la ville d 'Andrinople est prise : les Russes sont aux portes d'Istanbul.

LE TRAIT É D'ANDRINOPLE Sa capi ta le menacée , Mahmud Il n 'a d'au tre alterna tive que de négocier .

Les pourpar lers aboutissent au traité d 'And rinople, le 14 septe mbre 1829 , qui accorde une très large autonomie à la Grèce dans l e cadre fixé par le protoco le de Londres de 1827 .

L'INDÉPENDANCE INACHEVÉE LE TRAITÉ DE LONDRES Dans les faits , le traité d 'Andrinople ouvre la voie à l 'indépe ndance de la Grèce à plus ou moin s court terme.

Celle-ci intervient le 3 févrie r 1830 avec la signat ure du t raité d e Londres entre la France , la Gra nde­ Bretagn e et la Russie , qui proclame la souverai n eté d'u n État hellè ne sous la p rotect io n d es trois puissa nces alliées.

La Turqui e la reconnaîtra o fficiell e m e nt lo rs d u traité de C onstantinop l e de 1832 .

Cette indép endance est cependant incompl è te .

L es frontières du nouvel État sont rédui tes, exclua n t d e nombreuses provi nces : la Thessa lie, l'Épire, la Macédoi ne, la Thrace o u la Crète.

De f a it, la majorit é des Grecs continu ent à vivre dan s l'Empire ottoma n.

DES LENDEMAINS QUI D ÉCHAN TENT loanni s Kapodistrias (Jean Capo d 'lstria) prend l a tête de l'État.

A ncien m inistre des Affai res étrangè res d u tsar A lexandre 1~.

ce natif de Corfou est une figure emblé m atiq ue d e la ré vo lution g recque.

En 1 827, l'Assem blée natio nale réunie à Tezerin l'a nommé à la tête du gouve rnement provisoi re dans l'espoir que s a légit imité mette un terme défin itif aux conflits internes à la résistance .

Mais sa gestion autocratiq u e du po uvoir ravive les tensio n s.

E n 1 831, il est assassiné par un de ses rivau x.

Sa mort p lo n ge le pays dans une profonde instab ilité polit ique, qui le mène au bord d 'une nouvelle guerre civile.

UN PAYS SOUS INFLUENCE ÉTRANGÈRE La crise est résol ue par les Europée ns.

Sans se soucier de l'avis du peuple , dont elle n e fait pas grand cas, la Sainte-Alliance impose son propre candidat , l e prin ce alle m a nd onan de Bavière , à peine agé de 17 ans.

Il est intronisé à Naupli e en août 1832 sous le nom d 'Otton 1~.

C ette nom in a tio n permet aux puissances protectrices d 'exercer leur influence sur la politique intérieure du pays , entravant de facto sa souve raineté chèrement acquise .

L a guerr e d'indépendance s'achève su r un goût amer pour les G recs.

Portée au départ par des idéaux répub lica in s et libéraux, la révo lution conduit finalement à l 'instauration d'une m onarchie absolue ayant à sa t ê te un souverain étranger .

L' • HOMME MALA DE DE rEU ROPE • La perte de la Grèce marque la première grande étape du processus de démantèlement de 1 'Empire ottoman .

V ictime de sa propre faiblesse , des mouvements d'émancipation nationale et des ambitions expansionnistes des puissances européennes , il va devenir 1'« homme malade de l'Europe >>, selon la célèbre e xpression forgée par le d iplomate russe Alexandre Gorchako v e n 1 878.

Tout au long du x1x< siècle et jusqu 'à sa désagrégation finale au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Subl i m e Porte verra ses posses sions dans les Balkans , sur le pourto ur méditerranéen et en mer Noire accéder à l'Indépendance ou entrer dans l'orbite des États europé ens.

C'est la lente agonie de cet empire et sa dépendance financière à l'égard des capitau x étrangers qui expliqu ent ce qualificatif d' • homme malade >> pour le dési gner.. »

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