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LA ROUTE DES ÉPICES: Une voie commerciale multiséculaire entre l'Orient et l'Occident

Publié le 08/11/2018

Extrait du document

MARCHANDS ET COMPAGNIES

 

Plantes et graines originaires d'Extrême-Orient, les épices ont depuis toujours excité la convoitise des Européens. Pour s'en procurer, il leur a d'abord fallu les acheter aux commerçants perses et arabes qui contrôlaient les voies terrestres et maritimes menant en Chine. Ils ont bientôt songé à contourner ces intermédiaires. La quête des épices a suscité pour une bonne part l'exploration du monde.

LA PASSION DES ÉPICES

Des plantes aux mille vertus

• Plantes médicinales, aromates,

aphrodisiaques, parfums, poudres magiques : les épices recouvrent de nombreux aspects. En font partie le poivre, la cannelle, la muscade.

le girofle ainsi que le gingembre et le safran. À cette première liste, l'usage associe d'autres produits très divers, parmi lesquels l'encens,

le santal, le musc - pourtant d'origine animale -, le camphre, la cardamome et le cumin.

Les épices sont employées en cuisine pour modifier le goût des plats, ainsi que dans la préparation de certains vins comme le vermouth. Avant l'apparition des techniques de réfrigération, les épices étaient utilisées pour la conservation des viandes.

Toutefois leur usage est bien plus large. Au Moyen Âge, elles servaient autant à parfumer qu'à éloigner les maladies. Peste, typhus ou choléra étaient ainsi combattus avec des vapeurs purificatrices. La médecine quotidienne faisait grand cas de ces plantes mystérieuses. Jusqu'au xviiie siècle, épiciers et pharmaciens ne forment qu'une seule et même corporation.

Une route commerciale

La plupart des épices proviennent d’Asie. Les tentatives d'acclimater ces plantes en Europe sont des échecs. Le climat tropical leur fait défaut.

Or l’océan Indien n'est pas accessible aux Européens. Les épices arrivent dans le bassin méditerranéen après un long et difficile voyage. La voie terrestre est la plus longue. La voie maritime, qui borde les côtes du sous-continent indien, n'empêche pas l’acheminement des précieuses poudres jusqu'aux côtes méditerranéennes à dos de chameau, à travers l'Asie Mineure.

Les Européens s’approvisionnent dans les villes marchandes situées sur les côtes moyen-orientales de la Méditerranée. Du fait des nombreux intermédiaires, le prix des épices est multiplié au cours du voyage.

À la veille des Grandes Découvertes, le kilo de poivre, qui s'achète un ou deux grammes d'argent en Inde, se revend dix à quatorze grammes à Alexandrie, quatorze à dix-huit grammes à Venise et jusqu'à vingt à trente grammes dans le nord de l'Europe.

Le rêve de l'approvisionnement direct

• Jusqu'à ce que Vasco de Gama contourne l'Afrique pour rejoindre l'Inde par une voie exclusivement maritime, les acheteurs européens n'ont aucun contact direct avec les producteurs d'épices asiatiques. Pendant des siècles, l'Occident est tributaire de puissances intermédiaires pour son ravitaillement en produits exotiques venant d'Extrême-Orient

• L'approvisionnement direct est un rêve commercial qui ne s'accomplira qu'au prix d'une révolution mentale : il faudra repenser la forme et les dimensions du monde. Il faudra aussi de l'audace pour affronter des mers inconnues.

Premières descriptions des relations entre l'Europe et l'Orient Alexandre atteint l'Indus Primauté des Byzantins sur le commerce avec l'Extrême-Orient Début du contrôle arabe sur le commerce extrême-oriental Apogée du développement de Venise Vasco de Gama à Calicut Magellan aux Philippines Monopole accordé à l'East India Company Contrôle de la route des Indes par les Hollandais

« !:ÉGYPTE • les épices achetées dans les ports proche-orientaux y sont toujours vendues par les marchands arabes.

À cela les croisades n'ont rien changé.

Seulles Arabes contrôlent les accès au golfe Persique et à la mer Rouge.

• la concurrence est vive entre les puissances proche-orientales pour offrir aux acheteurs occidentaux les comptoirs les mieux fournis.

À partir du Xlii' siècle, l'Égypte des Mamelouks s'impose comme le plus grand centre de commerce avec l'océan Indien.

Cela reste vrai jusqu'au début du XVI' siècle.

le sultan d'Égypte engrange durant cette période un maximum de profits.

VENISE • Au début du Xlii' siècle, Pisans et Génois des colonies d'Acre se livrent une ~pre bataille commerciale.

les premiers l'emportent; les seconds boycottent le port .

·Quelque s années plus tard , c'est au tour des Vénitiens et des Génois d'Acre de se disputer la suprématie du commerce transméditerranéen.

leur dispute dégénère en une véritable guerre qui s'étend à toute la Syrie et dure deux ans.

• la rivalité des trois républiques italiennes se conclut à la fin du XIV' siècle par la victoire de Venise qui devient alors le plus grand fournisseur d'épices en Europe.

·Toutefois , dès le milieu du 'IN' siècle, alors que sa gloire et sa richesse sont à leur comble , Venise est confrontée à la menace ottomane .

Maîtres de Constantinople depuis 1453, les Ottomans la privent de ses comptoirs, suscitant un regain de vitalité de la part de ses rivales italiennes.

lANOUVEW ROUTE DES ÉPICES LES PROGRÈS DE LA CARTOGRAPHIE • Jusqu'à l'époque des Grandes Découvertes , à la fin du 'IN' siècle, la géographie se fonde sur la science antique de Pfolémée.

les écrits de celui-ci sont étudiés dès le IX' siècle par les géographes arabe s.

Au début du 'IN' siècle , ils sont traduits en latin et servent de référence à tous les cartographes occidentaux .

• la science de Ptolémée présente deux grandes erreurs.

la première porte sur la circonférence , très sous­ estimée, de la Terre ; la seconde réside dans la croyance en l'existence d 'une terre reliant l'Afrique à l'Asie au sud de l'océan Indien.

Cette représentation laisse croire que l'océan Indien est impénétrable par la mer depuis l'océan Atlantique .

• la vision ptoléméenne du monde est à l'origine de cartes imprécise s, voire fantaisistes , que les navigateurs adapteront à la réalité au gré de leurs explorations .

Chaque étape de la découverte du monde s'accompagne donc d'une nouvelle représentation de celui-ci.

LES PORTUGAIS • Au début du 'IN' siècle, les Portugais entreprennent de grands voyages f-------------_, d'exp loration en direction des côtes au service du khan, le souverain mongol, voyageant pour le compte de celui-ci de Pékin à Ceylan et de la Mongolie à la Malaisie.

Marco Polo et ses parents rentrent à Venise en 1293 .

Peu aprés , les hasards des guerres entre les républiques italiennes amènent Marco Polo dans une prison génoise.

Son compagnon de cellule est écrivain.

Il écoute les récits de Marco Polo et entreprend de les retranscrire.

Ce faisant , il les embellit et en fait une saga fabuleuse.

Cet ouvrage sera l'un des plus lus et des plus traduits au Moyen Âge.

Toutefois, au Xlii' siècle, Marco Polo n'était ni le premier, ni le seul Européen à voyager en Chine.

africaines.

À cette époque, personne ne s'est aventuré au-de l à des îles Canaries.

• De 1424 à 1434 , quinze expéditions échouent ou abandonnent.

À partir de 1434, les Portugais progressent à chaque voyage, découvrant que des peuples habitent les rives de ces terres inconnues.

Vers 1440, les navires portugais atteignent le cap Blanc.

Tandis que les explorations se poursuivent , le commerce d'épices africaines et d'esclaves se met en place .

Quarante ans plus tard, les Portugais explorent l'estuaire du fleuve Congo .

• En 1487, le capitaine Diaz franchit le cap de Bonne-Espérance .

Il est toutefois contraint à rebrousser chemin sous la pression de ses marins qui menacent de se mutiner.

la preuve est faite que l'océan Indien n'est pas une mer fermée .

• Soucieux à présent d 'ouvrir la voie maritim e vers l'Inde, le roi du Portugal , Manuell ", charge Vasco de Gama de conduire une nouvelle expédition.

En juillet 1497 , celui-ci appareille pour Calicut.

• En cette fin de 'IN' siècle, la côte de Malabar , sur les rivages occidentaux de l'Inde, abrite de nombreuses principautés marchandes .

la plus importante est celle de Calicut , qui appartient à une dense réseau commercial reliant la Chine et l'Indon ésie au monde arabe .

Arrivés à Calicut en mai 1498, les Portugais , qui pensaient être accueillis avec les honneurs, ne font l'objet d'aucune considération particulière .

Déçus, ils s 'en retournent et atteignent lisbonne en septembre 1499.

Deux tiers des hommes ont péri durant le voyage.

l'accueil au Portugal est triomphal.

l:ESTADO DE IND/AS • Conscient des profits qu'il peut tirer du commerce des épices, le roi du Portugal entend affirmer au plus vite ses droits sur la nouvelle route.

Quelques jours à peine après le retour de Vasco de Gama , il envoie une lettre au pape en vue d'officialiser ses droits sur le commerce avec •• l'Éthiopie, l 'Arabie et l'Inde ».

Il dresse ainsi le premier acte de ce que les Portugais nommeront l'« Estado de lndias » -• l'État des Inde s ».

• Cet« État » n'est pas un empire colonial.

Il prend la forme d 'une série de comptoirs fortifiés b~tis tout au long de la route des Indes , qui constituent des relais indispensables au ravitaillement des bateaux , notamment en denrées alimentaires .

Ce réseau s'étend à son apogée depuis l'embouchure du fleuve Zambèze (auj.

Mozambique ) jusqu'à Macao (Chine ) et à Naga saki (Japon).

lA FIN DU TRAFIC MÉDITERRANÉEN • Au début du XVI' siècle, la première factorerie -ou bureau de commerce d'une compagnie étrangère- aux Indes est étab lie à Cochin.

Elle est contrôlée par les Portugais .

le royaume portugais se réserve le monopole des épices, mais autorise les particuliers à faire le commerce d'autre s produits moyennant l'achat de licences.

les affaires prennent rapidement de l'essor .

• Bientôt , le prix du poivre s'affiche cinq fois moins cher à lisbonne qu'à Venise.

les Vénitiens , qui doivent payer des taxes aux sultans musulmans, ne peuvent plus faire face à la concurrence portugaise .

le montant des échanges effectués par la cité italienne diminue alors rapidement.

Pour l 'Égypte aussi , la découverte de la route africaine est synonyme de déclin .

• Sur leurs lancée, les Portugais ne se contentent pas de la clientèle des pays méditerranéens .

Ils infiltrent les marchés du Nord de l'Europe, celui d 'Anvers notamment, où se trouvent de riches acheteurs .

• Une partie de l'activité commerciale de l'Égypte et de Venise se maintient toutefois , grâce au trafic qui subsiste via la mer Rouge .

MAGELLAN ET LA ROUTE ESPAGNOLE • Magellan ambitionne de rejoindre les pays des épices par l 'ouest.

Devant le refus de la Couronne portugaise de financer son projet, le navigateur s'adresse à Charles 1 " d'Espagne , futur Charles Quint , qui lui offre son soutien.

l'expédition quitte l'Europe en août 1519 .

En avril1521, Magellan atteint les Philippines , où il meurt .

le s deux dernières caravelles atteignent enfin les Moluques -les " îles aux épices ».

la Trinidad est interceptée par la flotte portugaise, mais la Vidoria, commandée par Elcano , rapporte sa cargaison de girofle en Espagne .

• En septembre 1522, les dix-huit survivants sont de retour à Séville.

l'expédition , qui a apporté la preuve de la sphéricité de la Terre , offre à l'Espagne un accès vers les îles aux épices .

En 1529 , l'Espagne vend les établissements des îles Moluques au Portugal, mais reste implantée aux Philippines d'où elle établit un relais vers le Mexique .

Plus tard , Madrid mettra en place une route maritime entre les Philippines et la Chine qui lui permettra d'accé der au marché de l 'Asie continentale .

LES GRANDES COMMGNIES 1: ANGLETERRE • En Angleterre, l'idée d'atteindre l'Orient par le nord du continent américain excite les imaginations .

Si la Couronne britannique encourage ces projets, elle ne s'en satisfait pas.

londre s ne se résout pas à accepter que le monde soit partagé entre les deux royaumes ibériques et encore moins que ce partage tire sa légitimité d 'une décision papale.

• Dans un premier temps , l'Angleterre charge des corsaires d'attaquer les bateau x portugais et espagnols.

Francis Drake, notamment, s'acquitte brillamment de cette t~che.

Dans le même temps, il conclut un accord de commerce avec le roi de Ternate , en Indon ésie, et revient en Angleterre , chargé d'épices.

l'Angleterre entreprend alors de s'emparer d 'une partie du commerce oriental.

De là avec l'Orient en 1600.

LA HOLLANDE naît l'idée de la création de l'East lndia Company à qui la Couronne accorde le monopole du commerce • A la même époque, la Hollande apparaît à son tour sur la scène commerciale internationale .

En 1594, neufs marchands hollandais financent une expédition commerciale qui emprunte la route du cap de Bonne­ Espérance -la route des Portugais .

Dans cette intention, ils créent la Compagnie des Pays loint ains .

Il s'agit de la première des compagnies qui, en 1602, se fédéreront pour former la Compagnie unifiée des Indes orientales.

• Cette dernière est permanente : on ne la dissout pas après une expédition.

Son capital de six millions de florin s est réparti en actions - c 'est une première .

la Compagnie engendre de gros profits et devient très vite un organisme extrêmement puissant.

• En un quart de siècle, la Hollande parviend ra à ruiner I'Estado de lndias et à remplacer le monopole portugais par le sien .

Dès 1605 , les Hollandais établissent des comptoirs aux Moluques puis , en 1609, aux Célèbes .

En 1616 , ils chassent les Portugais de Malacca et fondent Batavia (auj.

Djakarta ), dans 111e de Java .

• En 1629, ils prennent pied au Japon où ils expulsent les Portugais et les autres étrangers de Nagasaki .

les conquêtes de Ceylan , en 1658 , et de Cochin , en 1663 , prennent un peu plus de temps.

les Hollandais se rendent ainsi maîtres de la route des Indes .

Parallèlement , le pouvoir économique se déplace vers l'Europe du Nord, et Amsterdam en devient la capita le.

LE GRAND COMMERCE • Une nouvelle époque débute alors : celle des grandes compagnies .

Après la Hollande et l 'Angleterre, la France , la Suède ou encore le Danemark créent leur propre compagnie des Indes .

• l'idée n'est plus d 'acheminer des produits asiatiques rares et chers vers l'Europe en établissant des comptoirs .

Il s'agit à présent de s'ap proprier des terres , de les exploiter pour en tirer des profits et de contrôler la circulation de toutes les marchandises .

• P e u à peu, les Européens se partagent le monde , transformant leurs comptoirs en colonies où les épices sont acclimatées.

Ainsi à 111e Bourbon (Réu nion ), l'administrateur {1767-1773) Pierre Poivre introduit la culture du giroflier, du muscadier , du cannelier et.

..

du poivrier .

Parallèlemen ~ d'autres produits viennent les remplacer dans un certain nombre d'usages .

• Au débu t du XIX' siècle, leur consommation en Europe aura considérablement chuté et leur commerce se sera sensiblement réduit.. »

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