La Russie au XIXe siècle
Publié le 27/02/2008
                            
                        
Extrait du document
«
                                                                                                                            La Russie, depuis très longtemps, avait fait partie du système d'États de " l'Empire des Steppes ".
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle réussit, sous 	Pierre le Grand	, à entrer dans le	système international des États européens, auxquels elle est pourtant incomparable par la taille et les mœurs.
                                                            
                                                                                
                                                                    Située à la périphérie des centrescivilisateurs, elle apparaît à l'Europe, à la Chine et même à l'Empire ottoman comme une vaste zone de pauvreté matérielle, d'indigence morale, denullité culturelle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce n'est pas ce qui préoccupe au XVIIIe siècle les souverains pétersbourgeois.
                                                            
                                                                                
                                                                    Leur crainte est d'être faibles et ils subordonnenttout à la considération de puissance.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ils comprennent que l'archaïsme social russe peut se combiner avec un rattrapage technique localisé à lachose militaire et soutenir la création et l'entretien d'une armée redoutable.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, la Russie fut capable non seulement d'écraser définitivement levieil adversaire turc, mais encore les trois grands conquérants qui eurent le malheur de se mesurer à elle : 	Charles XII	, Frédéric II le Grand	 et	Napoléon	.
                                                            
                                                                                
                                                                          	       Cette dernière victoire fut en un sens une infortune.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'Autriche et la Prusse avaient su tirer parti de leurs échecs et faire lever une moisson aprèsles labours napoléoniens.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elles avaient fait sauter le verrou qui leur barrait le chemin d'une évolution de type occidental, le servage.
                                                            
                                                                                
                                                                    Au contraire,la Russie  avait vu  dans l'écrasement  de 	la Grande  Armée	 le  succès suprême  de sa propre  recette  de développement,  qui fondait  sur une	aggravation du servage et sur l'assujettissement de toutes les catégories sociales la modernisation de l'État et le développement de la puissancenationale.
                                                            
                                                                                
                                                                                 C'est ainsi qu'au moment même où tout ce qu'il y avait en Russie d'européanisé espérait participer quelque peu aux affaires et continuer dans lapaix  l'œuvre  unanime  de 1812, 	Alexandre  Ier	 revint  au modèle  strict du  développement  bureaucratique et lui  associa  le caractère sacré  de	l'autocratie.
                                                            
                                                                                
                                                                                 Quelques années plus tard, à la mort de l'empereur et à l'occasion d'une succession embrouillée, éclatait l'insurrection décembriste.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce n'était pas,malgré les apparences,  une révolution  de palais  menée  par quelques  régiments  privilégiés,  comme il s'en  était  produit  plusieurs  au siècleprécédent.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le décembrisme se rattache aux idées occidentales, que ces officiers n'ont pas lues mais qui leur parviennent dans le halo du 	Zeitgeist	.	Ils forment  bien la branche  la plus excentrique  de cette  internation du  " romantisme  de gauche " qui  a déjà  ses morts  : 	Riego	P2441	, ses	vainqueurs : 	Bolívar	P037	 et Ypsilanti	P2767	.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ils furent vaincus, mais non pas exterminés ; l'eussent-ils été, comme la tradition russe l'autorisait, le	mouvement eut  laissé moins de traces.
                                                            
                                                                                
                                                                     Souffrant en Sibérie, baignés  des larmes de leurs charmantes épouses, ils nourrissaient  un foyer delégende.
                                                            
                                                                                
                                                                                 Qui étaient-ils ? De très jeunes gens, ce qui explique le caractère adolescent, ludique, voué à l'échec de leur conspiration.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais ils appartenaient àla plus haute noblesse, au produit des meilleures institutions d'éducation.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour le gouvernement, c'était une chose effrayante que ce passage àl'ennemi des futurs cadres de l'Empire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le décembrisme ouvrait un fossé entre la société civile et l'État.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le culte qui l'entoura marquait la distancenouvelle entre " eux " et " nous ", pour reprendre l'expression de 	Herzen	L1444	.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le décembrisme n'est pas une péripétie, mais le premier événement	d'un phénomène séculaire, doué d'unité, la " révolution russe ".
                                                            
                                                                                
                                                                                 Nicolas Ier	P248	 installé, il restait à l'État russe à suivre et, autant qu'il le pouvait, perfectionner la voie bureaucratique.
                                                            
                                                                        
                                                                    Puisqu'il ne pouvait pas	compter sur la société civile, Nicolas voulait au moins faire un 	Rechtsstaat	.
                                                            
                                                                                
                                                                          	       D'où les deux tâches auxquelles il se consacra : une meilleure définition de la loi et, pour l'appliquer, une améliorationde l'administration.
                                                            
                                                                                
                                                                                 A la première est attaché le nom de 	Speranski	P2579	.
                                                            
                                                                                
                                                                    Malgré la difficulté de déterminer ce qui en régime despotique est ou n'est pas loi, il rassembla	en quarante-cinq volumes la plupart des monuments législatifs de l'histoire russe.
                                                            
                                                                                
                                                                    Deux ans plus tard, paraissait (1832) une collection plus brèveoù les lois en vigueur étaient rangées par  ordre systématique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans ce digeste, 	Speranski	P2579	 réussit à introduire des dispositions et des	concepts plus ou moins adaptés de l'exemple occidental.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi les conditions d'une économie de marché, c'est-à-dire la garantie de la propriétéprivée et des contrats, font leur entrée dans le droit russe.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'esprit bureaucratique exige que les droits et les devoirs soient clairement fixés et lescatégories de citoyens peu nombreuses et partout les mêmes.
                                                            
                                                                                
                                                                    Visant à l'uniformité de la loi et de l'administration, le digeste établissait cetteuniformité dans la Russie elle-même.
                                                            
                                                                                
                                                                    Tout imparfait qu'il fut, il joua le rôle d'un code jusqu'à la fin de l'ancien régime et, en cela, il ouvrait unenouvelle époque.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il répondait à une idée générale de légalité, de permanence, de régularité qui se diffusa très vite dans la société russe et marquaune distance entre son gouvernement et les régimes orientaux.
                                                            
                                                                                
                                                                                 L'administration fut resserrée plutôt qu'améliorée.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'innovation la plus sensible fut la fameuse Troisième Section, oupolice d'État.
                                                            
                                                                                
                                                                    Celle-ci était aussi vieille que l'État russe.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans l'esprit de Nicolas, elle répondait au désir de mettre unfrein à la  corruption  et à l'arbitraire  administratif,  au besoin  de suppléer,  par la surveillance  de ses  agents,  àl'absence de liberté et de publicité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le rôle que tient la presse en Occident est fatalement dévolu, dans ce genre derégime, à la police.
                                                            
                                                                                
                                                                    A elle de redresser les torts.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les rapports que nous avons conservés montrent en effet un soucidu bien  public  et l'amour  du petit  peuple.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais cet arbitraire  légal, au lieu  de corriger  l'arbitraire  illégal del'administration, le justifiait et le contaminait.
                                                            
                                                                                
                                                                                 Paresseuse et corrompue, certes, l'administration provinciale l'était au plus haut degré.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le remède fut de centraliser le désordre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les dossierss'empilèrent sur les tables de la capitale.
                                                            
                                                                                
                                                                    La corruption devint alors un moyen de mettre quelque jeu dans les rouages d'une machine que lacentralisation bloquait et le népotisme un moyen d'humaniser les relations entre administration et administrés.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le 	tchinovnik	  commence sous	Nicolas sa carrière littéraire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ne soyons pas dupes pourtant de la satire de 	Gogol	L085	.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les écrivains, en opposant le fonctionnaire idéal, altruiste et	désintéressé,  au fonctionnaire  réel, tombent  dans la même  utopie bureaucratique  que le gouvernement.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dans les conditions  de la Russie,l'administration est sans doute la meilleure possible.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle s'instruit.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour accéder aux échelons supérieurs, il faut être passé par l'université.
                                                            
                                                                                
                                                                    Si chétifet mal dégrossi que soit l'humble clerc de 	Gogol	L085	 et de 	Dostoïevski	L063	, de quelle hauteur domine-t-il son administré ! La grande machine	tourne mieux que jamais.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais pour quoi faire ?              Pour développer le pays selon la ligne pétrovienne, en imitant l'Occident pour le rattraper et le dépasser.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or il y.
                                                                                                                    »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La Russie au XIXe siècle par Alain Besançon Sous-directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études, Paris La Russie, depuis très longtemps, avait fait partie du système d'États de " l'Empire des Steppes ".
 - LA RUSSIE AU XIXe SIÈCLE
 - L'Angleterre, l'Autriche et la Russie au XIXe siècle
 - Méthodologie– La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
 - L'évolution de la poésie au XIXe siècle