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LE MACCARTHYSME

Publié le 10/12/2018

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LE MACCARTHYSME. Si l’anticommunisme des dirigeants américains trouve ses limites en politique étrangère, en raison du respect tacite des zones d’influence et de la division du monde libre, il en va différemment à l’intérieur du pays. Comme dans les autres démocraties occidentales, le choc de la guerre froide met un terme à la poussée à gauche de l’immédiat après-guerre. Le 9 février 1950, Joseph MacCarthy accuse le département d’État d’être infiltré par deux cent cinq communistes. Le déclenchement de la guerre de Corée fait bientôt du sénateur un héros national. Par le recours systématique à des méthodes inquisitoriales, MacCarthy donne un ton nouveau à une campagne anticommuniste commencée quelques années auparavant. Plus de douze millions d’Américains sont soumis à des enquêtes qui ne prendront fin que lorsque MacCarthy commettra l’erreur de s’attaquer aux chefs de l’armée. Alors, seulement, les dirigeants politiques trouveront le courage de s’opposer à une campagne de délation qui, pendant plus de quatre ans, n’aura guère trouvé plus d’adversaires chez les démocrates que chez les républicains.

« trahi par les responsables du pays. Le " maccarthysme " est-il mort , comme celui qui lui donna son nom ? N'est-il pas plutôt en sommeil, attendant une atmosphère de crise pour se manifester avec une nouvelle vigueur ? Trois instances organisent la chasse aux sorcières: la commission sur les activités anti-américaines (House Un-AmericanActivities Committee, connue par son sigle HUAC), crée en 1938 par la Chambre des représentants, et qui sévit particulièrementà Hollywood; la commission sénatoriale sur la sécurité intérieure; la sous-commission permanente d'enquête du sénateurMcCarthy. Le rôle des commissions du Congrès est d'interroger des témoins dont les dépositions leur permettront d'élaborer des loisefficaces, et ensuite de vérifier l'application de ces lois par l'exécutif. En fait, les commissions sont devenues de véritables tribunaux qui défèrent au pouvoir judiciaire, sous inculpation d'offense auCongrès, les témoins réticents qui ne répondent pas à certaines questions. Cette procédure a été favorisée par la loi de 1954, qui ne permet plus au témoin d'invoquer le 5 e amendement pour justifier son silence. (1)Il est vrai qu'auparavant un tel témoin était ipso facto considéré non pas comme coupable mais comme suspect, ce qui suffisait presque toujours à lui faire perdre son emploi. Tels sont, dans leur simplicité, les fondements juridiques de la " chasse aux sorcières ", à laquelle la surenchère républicaine et latension internationale ont donné une exceptionnelle ampleur au cours des dernières années.

Les républicains étant au pouvoir, etla tension internationale se relâchant, la chasse se ralentit.

Mais ses bases juridiques demeurent: la loi Smith, la loi McCarran de1950, dite loi de sécurité intérieure, renforcée et aggravée en 1954 à la demande de l'attorney général Herbert Brownell. Cette législation, qui a soumis les Etats-Unis à une incroyable hystérie, a-t-elle été efficace? " Pas une seule organisationcommuniste, pas un seul membre du parti, n'est venu se faire connaître au gouvernement fédéral, ainsi que l'exige la loi ", écrit lebulletin Informations et Documents, publié par les services américains d'information.

Et il ajoute un peu plus loin: " C'estexactement la réaction à laquelle on s'attendait...

" Cependant, cette législation a permis à M.

McCarthy, à ses amis et à leurssuccesseurs de traîner dans la boue des dizaines de milliers de professeurs, de diplomates, de militaires, de citoyens de tousrangs, d'accuser sans preuve des dactylos, des savants, les Eglises protestantes, des ministres et même le président Truman...

Detoute évidence, il n'y a aucune commune mesure entre l'efficacité directe de la loi et les ravages commis par le " maccarthysme ",qui n'existerait pas sans elle: réputations détruites, travailleurs perdant leur emploi, familles déchirées, etc. Plus de douze millions de personnes sont ainsi soumises aux investigations des enquêteurs.

A côté de cela, quel est le bilaneffectif de la chasse aux communistes ? M.

Edgar Hoover, directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), l'a présenté le 17juillet 1955: au total cent trente et un leaders communistes arrêtés, parmi lesquels quatre-vingt-dix ont été déclarés coupables parles tribunaux.

Encore deux d'entre eux ont-ils obtenu un nouveau procès. Mais ce que le FBI ne mentionne pas, car ces affaires ne sont pas de son ressort, ce sont les innombrables personnes dont lavie a été brisée par les enquêteurs des commissions du Congrès.

(2) Le déséquilibre apparaît clairement entre ce maigre tableau de chasse et les désordres politiques provoqués par des démagogues qui ont su utiliser la loi à des fins que le législateur, semble-t-il, n'avait pas souhaitées. CLAUDE JULIEN Le Monde du 4 mai 1957 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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