Devoir de Philosophie

Le Théâtre dans les années 1980 (Histoire)

Publié le 30/11/2018

Extrait du document

histoire

Dans les années soixante et soixante-dix, les mouvements théâtraux ont été si forts, si novateurs, si multiples que la décennie suivante, de 1980 à 1989, peut sembler en retrait, ou du moins d’un relief moindre. On observe en effet dans le monde du théâtre des phénomènes communs aux différentes disciplines artistiques: repli sur des valeurs sûres, intérêt du public porté vers les classiques plus que vers les contemporains, appauvrissement du débat d'idées.

 

Mais, en même temps, les moyens donnés au théâtre s’accroissent. Sous le ministère de Jack Lang, les crédits de la Culture sont doublés: en 1982, les établissements subventionnés entrent dans un âge d’or, qui ne sera pas suivi d’augmentations équivalentes les années suivantes et auquel succéderont un coup de frein et des coupes claires pendant le ministère de François Léotard (1985-1986). En 1986, avec le changement de gouvernement et le retour de Lang à la Culture est à nouveau budgétée une amélioration sensible, mais moins spectaculaire, des subventions. D’où, sur ces dix ans, une vitalité, au moins financière, du secteur aidé par l’État.

 

L avant-garde institutionnalisée

 

Une particularité de la politique culturelle de la décennie consiste à nommer à la tête des institutions les novateurs, les personnalités de l'avant-garde et des courants précurseurs des années précédentes. Ainsi les mouvements qui ont incarné l’après-1968 se trouvent-ils encouragés, ou prolongés, dans les théâtres nationaux et les centres dramatiques nationaux des années quatre-vingt.

 

A Paris, Antoine Vitez, le metteur en scène des «re-lec-tures», auteur de la formule «un théâtre élitaire pour tous», est nommé à la direction du Théâtre national de Chaillot en 1981; qu’il quittera en 1988 pour succéder à Jean Le Poulain au poste d’administrateur général de la Comédie-Française. Jean-Pierre Vincent, dont le regard socio-politique avait fait merveille au Théâtre national de Strasbourg, prend en main cette Comédie-Française de 1983 à 1985. En 1983, Patrice Chéreau s’installe au théâtre des Amandiers de Nanterre, où il reste fidèle à son style de grand magicien du plateau, aux visions claires-obscures.

 

Jérôme Savary, le trublion, inventeur du Grand Magic Cir-cus, après avoir pris en charge deux grandes structures de province (centre dramatique de Montpellier, théâtre du vme à Lyon), est nommé à Chaillot en 1988. L’Argentin Alfredo Rodriguez Arias, illusionniste de la féerie théâtrale, poursuit les aventures de sa troupe, le TSE, à l’intérieur du centre dramatique d'Aubervilliers, dont il prend la responsabilité en 1985. Au théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, Daniel Mcsguish exerce un mandat de trois ans, de 1986 à 1988.

 

Marcel Maréchal, qui illustra l’aventure poétique des Au-diberti et des Jean Vauthier, prend en main la destinée du Théâtre national de la Criée, à Marseille, en 1980. Au Théâtre national de Strasbourg, Jacques Lassalle, apôtre d’un «théâtre minimal» et d’une re-visite méthodique des classiques, est le successeur de Jean-Pierre Vincent, à partir de 1983. Georges Lavaudant, qui puise son inspiration dans les films et les musiques de sa génération, quitte Grenoble en 1986 pour partager, avec Roger Planchon et Roger Gilbert, la direction du TNP de Villeurbanne.

 

En 1986, un dernier irréductible, Jorge Lavelli, autre Argentin, qui concocte des fêtes baroques avec une minutie de meneur de revue, renonce à son indépendance et accepte la charge du Théâtre national de la Colline, construit à l’emplacement du théâtre de l’Est parisien.

 

Trois grandes personnalités restent cependant à l’écart de l’institutionnalisation: Ariane Mnouchkine dont le Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes, monte un spectacle tous les deux ans; Peter Brook qui, aux Bouffcs-du-Nord, renouvelle les activités de son Centre international de créations théâtrales, et Armand Gatti qui, sous la bannière de la Parole errante, crée ici et là des spectacles avec des «loubards» ou des détenus.

 

Parce qu’elles ne se sont pas affirmées de façon spectaculaire, les nouvelles générations n’ont pas de place dans ce partage

histoire

« THÉÂTRE ...

Claude Régy met en scène la Trilogie du revoir de l'écrivain allemand Bot ho Strauss.

Ci-dessus: Laurence Bourdic, Jean-Paul Roussillon et Raymond Jourdan.

© Agence de presse Bernand des pouvoirs, à quelques exceptions près.

Même Jacques Nichet, nom­ mé à Montpellier en 1986, et dont le style volontiers truculent fait de lui l'un des metteurs en scène les plus intéressants parmi les nouveaux promus, a déjà quinze ans de pratique derrière lui quand il succède à Jérôme Savary.

U N THÉATRE EN QUÊTE DE MYTHES Élaborée par les mêmes hommes, l'histoire du théâtre fran­ çais ne va toutefois pas se répéter: d'une part, elle s'assagit sous l'effet du conformisme ambiant; d'autre part, les plus exigeants d'entre eux entreprennent l'exploration des grandes œuvres du passé non plus de manière provocatrice, mais pour interroger des mythes, affronter de grands thèmes que, souvent, les pièces de leurs contemporains ne leur offrent pas.

Leur nostalgie d'un théâtre philosophique ou cosmique passe volontiers par la découverte du répertoire d'autres pays ou d'autres civilisations.

Dans ce domaine, l'un des premiers événements est le Peer Gym d'Ibsen monté par Patrice Chéreau et magistralement interprété par Gérard Desarthe en 1981: Chéreau confère une puissance presque inconnue à l'odyssée du Norvégien errant, au cours de son spectacle de plus de sept heures.

Tout aussi considérable est le Miihabhiirata, adapté du livre sacré des Indiens par Jean-Claude Carrière et mis en scène par Peter Brook en 1985; cette immense fresque, où deux dynasties divines s'affrontent pendant des décennies, triomphe à Avi­ gnon et aux Bouffes-du-Nord puis, dans une version anglaise, trouve son langage de fable.

limpide et épuré, et a un retentissement inter­ national.

Enfin, en 1987, prenant appui cette fois sur une œuvre française, Antoine Vitez fait de la scène un lieu divin et cosmique en présentant le Soulier de satin de Claudel; pour la première fois, la pièce, créée autrefois par Jean-Louis Barrault, est donnée dans son intégralité, et l'interprétation (Ludmilla Mikaël, Didier Sandre) comme la scénographie (Yannis Kokkos) sont à la mesure de ce drame démesuré.

Non loin de là se situe le double cycle «asiatique>> d'Ariane Mnouchkine.

En adaptant et en mettant en scène trois Shakespeare - Richard II et la Nuit des rois en 1982, Henry IV {l" partie) en 1984 - dans un style de jeu inspiré des traditions orientales, celle-ci conjugue un répertoire et une interprétation à caractère mythique, prenant plus que jamais le contrepied du jeu neutre répandu par le cinéma.

Puis, passant à la réalité contemporaine et à l'histoire immé­ diate, Ariane Mnouchkine ne quitte ni le continent asiatique ni la stylisation orientale en montant deux pièces d'Hélène Cixous, l'His­ toire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge THÉÂTRE ...

Le Mahâbhârata, livre sacré des Indiens, est adapté par Jean-Claude Carrière et mis en scène par Peter Brook, à Avignon, en juillet 1985.

Ci-dessus (de gauche à droite): Maurice Bénichou, Alain Maratrat et Ken Higelin.

© Agence de presse Bemand (1985) et 1'/ndiade ( 1988).

Cinq spectacles magnifiques où le jeu de Georges Bigot traduit à la perfection le parti pris théâtralisé du met­ teur en scène.

Une telle «tentation de l'Orient>> reste particulière.

C'est plutôt du côté de l'Allemagne éternelle {Kleist, Lessing) et des au­ teurs contemporains de langue allemande {l'Autrichien Thomas Bern­ hard, l'Allemand de l'Est Heiner Müller) que les hommes de théâtre français vont chercher une part de leur inspiration.

Une certaine manière allemande est le style de référence pour Patrice Chéreau ou Bernard Sobel, tandis que des collaborations heureuses s'effectuent avec de grands metteurs en scène d'outre-Rhin, Klaus Michael Grü­ ber, Peter Stein, Hans Peter Cloos, Matthias Langhoff ou avec le Suisse Luc Bondy.

Du MANIÉRISME À LA DISPARITION DU LANGAGE On a dit des mises en scène sous influence allemande, où l'éclairage et le travail des plasticiens (comme Arroyo, Aillaud, Kok­ kos, Peduzzi) tiennent une part prépondérante, qu'elles inventaient un nouveau maniérisme.

Mais si la technique, de plus en plus élaborée et coûteuse, permet à Vitez ou à Chéreau de cultiver un maniérisme esthétique, le maniérisme, chez d'autres, est davantage une mise en question du langage théâtral.

C'est le cas des réalisations du tandem Jean-François Peyret et Jean Jourdheuil: que ces réalisations partent d'œuvres classiques ou modernes (Vermeer et Spinoza écrit par le peintre Gilles Aillaud, 1984; Paysage sous surveillance de Heiner Mül­ ler, 1987), elles mettent en cause la logique et opèrent un sabordage savant -et joyeux -des conventions.

À l'opposé, le maniérisme de Claude Régy consiste à rendre possibles des paris impossibles.

D'abord metteur en scène de Duras et de Pinter, Régy tend de plus en plus vers l'indicible en montant les pièces de Bot ho Strauss (la Trilogie du revoir, en 1981, est un bel événement) et de Peter Handke.

Mais il prend le risque de s'enfermer dans un jeu minimaliste, proche de sa propre négation.

,Son Criminel d'après Leslie Kaplan (1988) paraît avoir atteint la limite indépassable du degré zéro de l'action scénique.

D'autres artistes refusent aussi le langage et les mots, au nom d'autres influences.

L'une d'elles est celle de l'Américain Bob Wilson qui continue à favoriser l'image et travaille beaucoup en France (Hamlet-Machine de Heiner Müller, en 1987) et en Europe.

Une autre est celle de la chorégraphe allemande Pina Bausch.

En supprimant les barrières entre théâtre et danse, elle fait prendre au spectacle contemporain un virage historique à partir duquel les. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles