Acte IV, scène 6 de Phèdre de Jean Racine (résumé et commentaire)
Publié le 13/09/2018
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À Œnone qui survient, tremblante à l'idée que sa maîtresse ait pu s'accuser elle-même, Phèdre, encore hébétée, annonce la cruelle nouvelle : elle a une rivale, Aricie est aimée d'Hippolyte. Et, sans guère laisser à la nourrice stupéfaite le temps de réagir, la reine s'abandonne à tous ses démons intérieurs: « Ils s'aiment» ! Où, quand se voyaient-ils? Ils étaient heureux, eux, libres, innocents, tandis qu'elle-même se cachait pour dévorer ses larmes et implorer la mort. «Vaines amours », s'exclame Œnone : les amants ne se verront plus. « Ils s'aimeront toujours », rétorque Phèdre ; et ils bravent la reine ! Il fautles perdre, perdre Aricie surtout en réveillant contre elle la colère de Thésée ! La reine sursaute, semble se réveiller d'un songe : comment ose-t-elle être jalouse? réclamer l'aide de son époux? N'accumule-t-elle pas crime surcrime: l'adultère, l'inceste, la calomnie et maintenant le meurtre ? Phèdre doit fuir ce monde, cet univers rempli de ses aïeux: le soleil, le maître des dieux... Il faut descendre dans la nuit infernale. Mais ce sera pour y comparaître devant le terrible juge des morts, Minos, le propre père de la malheureuse ! La reine frémit en pensant aux retrouvailles du roi et de sa fille coupable, au châtiment infligé. Hélas ! Elle n'aura eu que des tourments et la mort pour fruits de ses crimes !
Œnone s'efforce à nouveau de raisonner sa maîtresse: de quoi est-elle coupable ? Comment lutter contre la destinée ? Les dieux n'ont-ils pas brûlé, eux aussi, de feux illé-
«
gi
times ? La reine alors se dresse, folle de colère : ce sont
les consei ls détes tables de la nou rrice qui l'ont condu ite là
où elle en est ! Jamai s Phèdr e n'aur ait dû espérer, parler,
la isser Œnone calomnier Hippo lyte, qui en mou rra sans
doute ! Et la reine sort, après avo ir maudi t et chassé de sa
vue l'odi euse conseillère.
Œnone s'effondr e : voilà donc le
prix de son service et de sa tendr esse !
«J alouse rage>>
Deuxième sommet de l'acte, la scène constitue l'avant
dernière station du calvaire de Phèdre, avant le suicide final,
en même temps qu'une peinture achevée des ravages de la
jalousie dans une âme.
En cet état, le siècle voyait le pire des
m aux attachés à la passion (v.
1236) , bonheur licite, pro
tégé des dieux (v.
1237-1 239) est comme un insupportable
supplice de Tanta le.
La tirade (v.
1231-1 250) s' organise autour de l'antith èse*,
figure rhétorique propre à opposer le couple heureux ( « Ils
s'a iment >>, v.
1231), uni par la grâce du pluriel (« Comment
se sont-ils vus? [ ...
] Les a-t-on vus souvent [ ...
]? >>), à
l'amante solitaire, emprisonnée dans le singulier (« Et moi
[ ...
]j e me cachais, je fuy ais [ ...
] >> ).
La lumière du jour tan
tôt baigne l'amour permis (v.
1240), tantôt refoule dans
l' ombre l'amour interdit (v.
1242) ; «ils>> se cachaient pour
jouir de leur bonheur (v.
1236) , elle se cachait pour s'abreu
ver de ses larmes (v.
1245).
Aux interrogations furieuses,
presque haletantes (v.
1231-1 236), succèdent les langueurs
de la plainte élégiaque (v.
1241-1 250) .
La tirade semble se
replier sur le moi comme le cœur solitaire.
Mais cet alan
guissement douloureux est prélude au déchaînement de
la folie.
Le point culminant de la scène, il faut le voir dans
le long récitatif qui monte en un crescendo de douleur, de
fureur et de délire (v.
1252 -12 94)..
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