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APOLLINAIRE: La Chanson du Mal-Aimé (Strophes 55 à 59) - EXPLICATION DE TEXTE

Publié le 11/07/2011

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apollinaire

Poésie révolutionnaire. Son premier recueil de poèmes, Bestiaires (1911), illustré par Dufy, fut suivi d'Alcools (1913), où, à l'instar de Mallarmé, il supprima toute ponctuation, tout en maintenant le plus souvent la rime ou l'assonance. A part quelques textes d'inspiration élégiaque, dont le plus connu est Le Pont Mirabeau, et une complainte, La Chanson du Mal-Aimé, qui évoque un amour malheureux, ce recueil comprend de nombreux poèmes où Apollinaire introduit des inventions thématiques qui défient la logique ordinaire et disloquent la réalité apparente; ce qui le fit considérer comme un poète "cubiste".

 

Juin ton soleil ardente lyre Brûle mes doigts endoloris Triste et mélodieux délire J'erre à travers mon beau Paris 5 Sans avoir le cœur d'y mourir Les dimanches s'y éternisent Et les orgues de Barbarie Y sanglotent dans les cours grises Les fleurs aux balcons de Paris 10 Penchent comme la tour de Pise Soirs de Paris ivres du gin Flambant de l'électricité Les tramways feux verts sur l'échiné Musiquent au long des portées 15 De rails leur folie de machines Les cafés gonflés de fumée Crient tout l'amour de leurs tziganes De tous leurs siphons enrhumés De leurs garçons vêtus d'un pagne 20 Vers toi toi que j'ai tant aimée Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes années Des hymnes d'esclave aux murènes La romance du mal aimé 25 Et des chansons pour les sirènes   

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« Dans la mythologie gréco -latine, le dieu Apollon est le dieu de la musique et de la poésie, symbolisées par la lyre.

Par ailleurs, sous le nom de Phébus, il est aussi le dieu de la lumière et le conducteur du char du soleil. Apollinaire (dont le nom dérive de celui du dieu antique) associe ici ses deux emblèmes, le soleil et la lyre, sans mentionner son nom.

Dans les vers suivants, il se réfère tantôt au champ lexical du soleil, tantôt à celui de la lyre, tantôt aux deux à la fois. Le soleil explique donc « brûle » (« Brûle mes doigts endoloris », v.

2) ; la lyre explique les « doigts » ; « endoloris » renvoie à .l'un et à l'autre.

Ainsi apparaît la figure d'un Mal -Aimé joueur de lyre, donc poète ; c'est ce que confirme l'exclamation « mélodieux délire » du vers 3 où « délire » renvoie à l'état d'inspiration de celui qui crée. D'autre part, les « doigts endoloris » évoquent par association d'idées le cœur endolori du jeune homme dont l'immense désespoir amoureux a été chanté dans les cinquante- quatre strophes précédentes. Ainsi s'explique « triste » qui qualifie « délire » (v.

3) : « Triste et mélodieux délire ».

La crise psychologique et morale s'est résolue d'elle -même, la tentation du suicide n'aboutit pas, comme le confirme le vers 5 : « Sans avoir le cœur d'y mourir ».

Ici, « cœur » est synonyme de « courage », mais ce mot a aussi une résonance amoureuse . • Étude de la strophe 56 La strophe 56 développe les images de l'errance et de la tristesse évoquées dans la strophe précédente.

On remarque que le Mal -Aimé ne semble rencontrer aucun être humain dans la ville (à l'inverse de sa démarche ultérieure dans «Zone» ; voir p.6 et 16), ce qui est une façon d'exprimer sa solitude. En revanche, il s'attarde sur la longueur des dimanches : « Les dimanches s'y éternisent » (v.

6), où l'hyperbole traduit son ennui ; et il ne décrit que des choses inanimées (« orgues de Barbarie », « fleurs aux balcons », v.

7 et 9), auxquelles il prête parfois des sentiments humains : les orgues de Barbarie « sanglotent dans les cours grises » (v.

8) comme s'ils prenaient à leur compte la peine du jeune homme.

Dans un registre voisin, les fleurs « Penchent» (v.

10), comme saturées de soleil et prêtes à mourir. Pourtant, la strophe s'achève sur une comparaison insolite : «Penchent comme la tour de Pise» (v.

10), dont l'humour équilibre la tristesse des vers précédents.

Tout se passe comme si le jeune homme avait à présent maîtrisé sa peine et pouvait dès lors renoncer à sa tristesse : les deux strophes suivantes célèbrent la lumière, la musique, la vie. • Étude de la strophe 57 Si les strophes précédentes évoquaient les journées, les strophes 57 et 58 sont consacrées aux « Soirs de Paris » : Soirs de Paris ivres du gin Flambant de l'électricité (v.

11-12). Ces derniers sont d'emblée personnifiés par le groupe épi- thète : « ivres du gin / Flambant ».

De plus, cette personnification s'accompagne d'une métaphore qui assimile à un alcool (le gin) l'électricité qui illumine la ville. On comprend alors les deux registres de l'épithète « Flambant » : brûlant comme le gin dans la gorge, flamboyant comme l'électricité dans les rues et les cafés. Les trois derniers vers témoignent aussi d'une écriture complexe.

Au niveau de la réalité physique, ils évoquent le déplacement, saccadé et sonore sur les « rails» (v.

15), des « tramways » (v.

13) munis, à l'époque, tels les bateaux d'aujourd'hui, de «feux» de route «verts» (v.

13). Mais Apollinaire superpose plusieurs niveaux distincts de métaphore.

D'une part, il assimile ces tramways à des animaux portant le long des flancs («sur l'échiné», v.

13) ces «feux» de route «verts».

D'autre part, il tire de l'oubli le verbe « musiquer » et, s'appuyant sur l'analogie de forme qui unit les rails et les portées sur lesquelles on écrit la musique (cinq lignes horizontales parallèles), il transforme ces mêmes tramways en notes qui : « Musiquent au long des portées / De rails [...] » (v.

14-15). Enfin, et avant de revenir à la réalité (ces tramways sont des «machines», v.

15), il leur prête un attribut humain, la «folie» (v.

15) — peut -être en raison de leurs secousses et de leur bruit déplaisant. Ainsi, Apollinaire peut -il dégager, à leur propos, le thème fondamental de la création lyrique : « Les tramways [...] / Musiquent [...] / [...] leur folie [...]» (v.

13-15), qui fait écho au « mélodieux délire » de la strophe 55. • Étude de la strophe 58 La strophe 58 est consacrée aux bruits divers que l'on entend dans « Les cafés gonflés de fumée » (v.

16).

Il y a les violons des « tziganes » (v.

17) jouant des chansons d'amour.

Il y a le bruit sourd des « siphons » (v. 18) d'eau gazeuse que personnifie (pour l'analogie de sons) l'épithète « enrhumés » (v.

18).

Il y a enfin les cris des «garçons» (v.

19) de café passant leurs commandes, dont seul ressort, sur fond de pantalon noir, le grand tablier blanc qui leur ceint les reins, tel un « pagne» (v.

19) exotique sur la peau noire . L'ensemble de ces bruits qui se mêlent devient un cri indifférencié d'amour - de même qu'à la strophe 57, le bruit des tramways brinquebalants devient de la musique.

Ce cri d'amour (éprouvé par les « tziganes », les « siphons », les «garçons») est en fait lancé par les «cafés» (v.

16) (lieux où se mêlent ces bruits divers) qui se trouvent ainsi personnifiés :. »

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