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Argumentation et persuasion dans Confessions de Rousseau

Publié le 23/06/2015

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rousseau

somme que l'on commet un vol ? La distinction de Rousseau paraît fragile. D'autant qu'il n'explique pas pourquoi, par la suite, il considère que le vol de « l'emploi « de l'argent n'est pas un vol à proprement parler, mais seulement « une infamie « (L. I, p. 72). La démonstration n'est pas très rigoureuse.

Autre faiblesse de l'argumentation : Rousseau peut entrer en contradiction avec lui-même. Quand M. Ducommun surprend ses apprentis en train de graver des médailles et les accuse de fabriquer de la fausse monnaie, Jean-Jacques proteste : « Je puis bien jurer que je n'avais nulle idée de la fausse monnaie, et très peu de la véritable « (ibid., p. 63). Il s'abrite derrière cet argument : « Je savais mieux comment se faisaient les as romains que nos pièces de trois sols « (ibid.). La phrase contredit ce que nous lisons, à la même page, quelques lignes plus haut : « Mon latin, mes antiquités [...1, tout fut pour longtemps oublié; je ne me sou­venais pas même qu'il y eût eu des Romains au monde « (ibid.). Il s'agissait alors d'expliquer pourquoi Jean-Jacques n'était jamais retourné voir M. et Mlle Lambercier. Les deux fois, le narrateur se disculpe avec adresse. Mais les deux arguments qu'il donne entrent en contradiction l'un avec l'autre.

L'appel à l'émotion

Renonçant à prouver sa bonne foi, Rousseau se place par­fois sur le terrain de l'émotion. Il attendrit son lecteur en décri­vant la longue chaîne de ses souffrances. La venue au monde tient ici la première place : « ma naissance fut le premier de mes malheurs « (L. I, p. 35). Rousseau réduit toute sa vie à un mar­tyre : « peu d'hommes ont autant gémi que moi, peu ont autant versé de pleurs dans leur vie « (L. III, p. 147). Cette position de victime plaide évidemment pour son innocence. D'autant que Rousseau adopte, en même temps qu'il se plaint, l'attitude réser­vée et pudique de celui qui craint d'ennuyer son auditoire : « Ah ! n'anticipons point sur les misères de ma vie; je n'occuperai que trop mes lecteurs de ce triste sujet « (L. I, p. 78).

 

Chaque fois qu'il évoque un moment heureux, le narrateur insiste sur le fait qu'il s'agit là d'un des derniers bonheurs de sa vie. Ce trait apparaît dès les premiers Livres. La correction de Bossey compromet définitivement le bonheur de l'enfance : « Là fut le terme de la sérénité de ma vie enfantine « (ibid., p. 51). Ce thème du bonheur perdu domine toutes Les Confessions.

rousseau

« ans)) (L.

Il, p.

124).

Nous imaginons le pire.

Puis, au moment où nous découvrons la réalité, nous sommes enclins à l'indul­ gence.

Par l'annonce d'un acte impardonnable, Jean-Jacques s'est déjà fait excuser.

Le narrateur relate plus brièvement la manière dont il aban­ donna Le Maître à Lyon.

Pris d'une crise d'épilepsie, celui-ci« fut délaissé du seul ami sur lequel il eût dû compter)) (L.

Ill, p.

177).

Jean-Jacques s'éclipse en une seconde:« Je pris l'instant où personne ne songeait à moi; je tournai le coin de la rue, et je dis­ parus )) (ibid.).

Avant même que Rousseau entreprenne de se justifier, le lecteur a compris son rn ode de défense : sa faute n'est due qu'à l'affolement et à la précipitation.

La récit de l'événement est déjà une plaidoirie.

--· LES PROCÉDÉS DE L'ARGUMENTATION Le narrateur achève de s'innocenter par la manière dont il exa­ mine sa culpabilité.

Nous avons noté que Rousseau s'attachait moins à l'aveu de ses fautes qu'à la justification de sa conduite: ses Confessions ressemblent en fait à un plaidoyer bien argu­ menté1.

Nous avons également relevé son art de distinguer l'action et l'intention, en soulignant que les gestes les plus condam­ nables peuvent être le fruit de « bons sentiments mal dirigés )) (L.

1, p.

65) 2 .

Insistons ici sur trois autres procédés: 1.

Rousseau avoue rarement une action blâmable sans rap­ peler qu'elle se situe au cœur d'une vie entièrement consacrée au bien.

Jean-Jacques a pris une fois, lors d'une fessée, un plai­ sir qu'il juge coupable.

Mais ce goût lui a « conservé des senti­ ments purs et des mœurs honnêtes)) (ibid., p.

48).

N'est-ce pas là le principal? L'accusation portée contre l'innocente Marion est injuste.

Mais elle est compensée par « quarante ans de droi­ ture et d'honneur dans des occasions difficiles )) (L.

Il, p.

128).

Oui refuserait d'excuser un instant d'égarement lorsqu'il est racheté par toute une vie de vertu? 2.

Rousseau montre également qu'il n'est pas le seul responsable des fautes qu'il a commises.

Celles-ci lui ont été 1.

Voir p.

27.

2.

Voir p.

84-85.

94. »

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