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AVANT LE MISANTHROPE: La jeunesse de Molière

Publié le 08/03/2011

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   Le vendredi 4 juin 1666, le Misanthrope, comédie nouvelle de M. de Molière, était représenté, pour la première fois, sur le théâtre du Palais-Royal, par la troupe du Roi.    Molière était dans sa quarante-cinquième année. C'était la seizième de ses pièces. Sa réputation était dans tout son éclat : à l'admiration des connaisseurs, à la faveur du public s'ajoutait la protection déclarée du Roi. Le moment était venu pour lui de réaliser, sous sa forme la plus haute, l'idéal qu'il avait conçu de la grande comédie. Ampleur croissante de son génie, conscience de plus en plus nette de ce qu'il voulait faire, connaissance chaque jour plus complète des ressources et de la portée de son art, avènement d'une littérature parvenue à son point de maturité, attente des lettrés, tout se réunissait pour créer le milieu favorable à l'éclosion de la comédie qui serait, dans toute la force du terme, le chef-d'œuvre d'un auteur et le chef-d'œuvre d'un genre. Toute sa vie, toute son œuvre s'acheminaient vers cette suprême réussite. En jetant sur l'une et sur l'autre un rapide regard, nous nous attacherons uniquement à souligner les traits qui préparaient Molière à devenir l'auteur du Misanthrope.

« jour, la vie de société. Les Poquelin sont une vieille famille de bourgeoisie marchande, originaire de Beauvais, dont une branche vint au XVIesiècle s'établir à Paris.

Jean Poquelin est marchand tapissier comme l'était son père, comme l'est le bonhommeCressé dont il épouse la fille.

Ainsi, par toutes ses hérédités Molière appartient à la bourgeoisie.

Ni cette grandebourgeoisie que ses richesses et son élévation guindent en rivale de la noblesse ; ni cette petite bourgeoisie, queles difficultés d'une existence étroite font de goûts mesquins et d'âme timide ; mais une bonne bourgeoisie, aisée,cossue, contente et sûre d'elle-même.

Il tient de cette origine ce bon sens, ce goût de l'ordre et de l'activitélaborieuse, ce respect du lien familial qui sont qualités bourgeoises, et qu'il conservera parmi les habitudes plus libresde la vie de théâtre.

Ajoutez ce tour d'esprit réaliste, qui va d'instinct au simple et au vrai.

Pour peindre labourgeoisie Molière n'aura à faire nul effort, ayant dès l'enfance été formé à ses façons de penser et de sentir, etrespiré son air.

Or, nous sommes dans un temps et sous un règne, où l'importance de la bourgeoisie croît chaquejour.

Les écrivains qui témoignent pour le siècle sont, à bien peu d'exceptions près, des bourgeois : un Corneille, unRacine, un La Fontaine, un Boileau, un Bossuet, un La Bruyère.

Les grands commis dont le roi faisait ses ministres etqui le servaient si bien, sont presque tous des bourgeois.

C'est avec dépit, mais ce n'est pas sans raison, qu'unSaint-Simon qualifiera le dix-septième siècle d'avoir été un « règne de vile bourgeoisie ».

Pour sentir à l'unisson dece siècle et pour être en accord avec l'esprit profond qui l'anime, il fallait être un bourgeois. D'autre part, les Poquelin, par leur service auprès du Roi, ont vue sur la Cour.

Molière avait neuf ans quand son pèredevint tapissier ordinaire de la maison du Roi, charge à laquelle était attaché le titre de valet de chambre du Roi,avec survivance pour le fils aîné.

Je n'ai garde d'exagérer, pour l'objet qui nous occupe, l'importance réelle d'unetelle charge ; notons toutefois que, sous l'ancien régime, la séparation entre les classes était loin d'être aussi rigidequ'elle l'est devenue dans notre société démocratique.

C'est de nos jours qu'un homme de lettres, même parvenuaux premiers rangs, célèbre, recherché dans les salons et fêté, peut tout ignorer d'un certain monde fermé,retranché sur ses préjugés héréditaires et qui ne laisse apercevoir de lui que la surface sous laquelle il se dérobe ets'abrite.

Au dix-septième siècle, il y a plus de bonhomie dans les rapports sociaux : noblesse et bourgeoisie secoudoient, et s'observent.

Vienne le jour où protégé par le Roi, qui, pour ses divertissements ne saurait plus sepasser de ce fournisseur ingénieux et toujours prêt, Molière sans cesse appelé à Versailles, à Saint-Germain, àFontainebleau, à Chambord, sera mêlé à la vie de cour : aux regards pénétrants de ce bourgeois rien n'échappera dela comédie aristocratique. Il perdit sa mère quand il avait dix ans.

Il est à remarquer que les mères ont peu de place dans son théâtre.

Le plussouvent, elles en sont absentes ; d'autres fois, elles sont peintes sous des traits qui ne sont pas pour les faire aimer: qu'on se souvienne de Philaminte.

Quant à la tendresse maternelle, c'est une note que, pour autant dire, on n'yentend jamais.

Toutefois, plus d'un trait que nous observons chez Molière lui vient de sa mère.

Nous ne savons, deMarie Cressé, rien qui ne soit à son éloge.

L'inventaire fait après son décès révèle une maison parfaitement tenue.C'est à elle que Molière devrait son goût de l'ordre et, sans doute aussi ces goûts artistiques, cette libéralité etcette sensibilité qui n'étaient certes pas vertus paternelles.

D'elle encore, hélas ! morte à trente-quatre ans, ilaurait reçu le premier germe de cette maladie chronique qui l'a fait tant souffrir et qui devait l'emporter. Jean Poquelin se remaria : un an après son veuvage, il épousa Catherine Fleurette, fille d'Eustache Fleurette, luiaussi bourgeois et marchand.

Celle-ci mourait au bout de trois ans, lui laissant deux filles : Molière est l'aîné de sixenfants.

La belle-mère de Molière, pour l'avoir été trois ans, a-t-elle laissé trace dans son théâtre ? Il est vrai que laBéline du Malade imaginaire n'est qu'une intrigante ; mais l'Elmire de Tartuffe, qui prend si bien les intérêts d'unefamille où elle est nouvelle venue et d'enfants qui ne sont pas les siens, est un des plus agréables types de femmequ'ait peints Molière et tout à fait selon son cœur.

Laquelle choisir? Pour ce qui est des pères, ils ont le plus souvent dans son théâtre le rôle de barbons quinteux et avares.

Maisc'était la tradition établie depuis le temps de la comédie antique : on n'en peut tirer aucun argument contre JeanPoquelin.

A juger celui-ci d'après ce que nous en savons par ailleurs, il semble bien établi que dans les affairesd'argent il ne fut pas très scrupuleux : il ne témoigna nul empressement à rendre à ses enfants ses comptes detutelle, et l'étude de ses papiers donne fortement à soupçonner que, comme le dit M.

Maurice Donnay, « il prêtaitde petites sommes, à de petites gens, à la petite semaine ».

Quand même, il nous répugne de croire que Molière aitpris sur lui modèle de son Harpagon. Du moins n'usa-t-il pas de son autorité d'une façon que nous ayons à déplorer.

Il ne fit qu'une faible résistancequand son fils décida de se faire comédien ; et c'était un temps où sévissait dans toute sa rigueur le préjugé contreune profession qui ne s'était pas encore embourgeoisée.

Les Lettres n'ont pas à lui reprocher d'avoir fait un réelobstacle à la vocation de Molière. Et elles ne sauraient lui avoir trop de reconnaissance pour l'excellente éducation qu'il fit donner à son fils.

Mis aucollège de Clermont, Molière fut formé aux humanités par les meilleurs maîtres qu'il y eût alors.

A la manière dont lesjésuites enseignaient l'antiquité grecque et latine, l'esprit en était pénétré, imprégné, s'en assimilait la substantifiquemoelle, sans être, comme au siècle précédent, appesanti par un bagage érudit.

Toute notre littérature classique estune littérature d'humanistes, à qui l'antiquité est familière.

C'est dans un cadre fourni par Plaute et Térence, quenotre farce gauloise s'élargira aux nobles proportions de la comédie de caractère. Au collège de Clermont, vers le même temps, se trouvait un élève princier.

Le frère du grand Condé ne pouvait être. »

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