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Bardamu en Afrique. Céline, Voyage au bout de la nuit P.137-138 (commentaire)

Publié le 13/03/2011

Extrait du document

bardamu

On les fit entrer aussi, enfants compris et tous, pour qu'ils ne perdent rien du spectacle. 

C’était la première fois qu’ils venaient comme ça tous ensembles de la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s’y mettre depuis bien longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors forcément le résultat les intéressait tous. C’est long à suinter le caoutchouc dans les petits godets qu’on accroche au tronc des arbres. Souvent, on n’en a pas plein un petit verre en deux mois. Pesée faite, notre gratteur entraîna le père, éberlué, derrière son comptoir et avec un crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t'en! Qu’il lui a dit comme ça. C'est ton compte !... « 

bardamu

« ? I.

Une parodie de scène de commerceA.

Une scène de venteB.

Un commerce fausséC.

Une scène de spectacleII.

Une critique du colonialismeA.

Une critique du racismeB.

La colonisation : un volC.

Une critique de la bêtise humaine I.

A.

Une famille noire a récolté pendant de longs mois du caoutchouc et veut vendre sa récolte à un tenancier.

Lechamp lexical du commerce en témoigne (argent, compte, business commis).

En apparence donc, les rapports entreles colons et les colonisés semblent être d'égalité.

Mais ces rapports sont en réalité inégaux et il n'y a pas devéritable échange entre les autochtones et les colons. B.

D'un point de vue étymologique, le commerce implique la notion de communication et la relation avec autrui.

Orici, il n'y a aucune communication entre les deux partis.

On relève l'incompréhension de la famille avec le champlexical de l'étonnement « 1ère fois, penaud, éberlué ».

De cette incompréhension, naît un rapport de force avec unesociété étrangère qui impose son système à une autre sur ses terres.

Ce ne sont pas des négociations mais desordres : les impératifs et les exclamatives utilisées en témoignent : « Va-t'en, donne-le-moi le pognon ».

Unsentiment de supériorité se dégage des blancs.

Ils se sentent supérieurs en raison des vêtements.

L'évocation du «petit caleçon orange » amène l'idée qu'ils sont arriérés (rappel la préhistoire, la nudité et fait un lien direct avecl'histoire d'Adam et Eve).

Le langage crée une différence notamment par la caricature du langage Africain avec desphrases schématiques, c'est du « petit-nègre », langage presque animalier, imitations de sonorités grâce auxonomatopées.

La ville s'oppose à la forêt.

Il y a une réelle différence entre les civilisations dans le commerce, lamonnaie s'oppose au troc.

Les occidentaux se sentent plus développés que les Africains « sauvage, tribu ».

Lesoccidentaux pensent civiliser les Africains en leur apportant leurs connaissances mais cet échange entre deuxcivilisations n'est qu'une illusion : les Blancs et les noirs occidentalisés jouent une comédie à la famille indigène. C.

La scène de commerce devient un spectacle comique, d'ailleurs, le mot est employé dès le début de l'extrait.

Cetexte est en effet très théâtral, on a l'impression que la scène se joue sous nos yeux, passage du romanesque authéâtral.

Le public est constitué par les Blancs et les commis mais aussi la famille.

Cela servira d'exemple aux noirs.Pour les Blancs, c'est un divertissement « tous les petits amis blancs se tordaient de rigolade ».

On a l'impressiond'un spectacle de magie avec l'évocation de l'objet symbolique, le mouchoir.

On a également l'impression d'unthéâtre de marionnette avec le blanc qui referme la main du noir avec autorité.

Cependant, ce spectacle nes'adresse pas aux enfants mais aux blancs.

Le spectacle se termine par un effet classique des numéros de clown le« coup de pieds au derrière », véritable clou du spectacle.

Le commerce est donc une apparence de commerce, unjeu théâtral que les blancs imposent aux noirs.

Cette scène symbolise le mécanisme du colonialisme, qui, sous lesaspects d'une entreprise de civilisation n'est qu'un vol déguisé d'une société par une autre. II.

A.

Le colon est grossier, son langage traduit son sentiment de supériorité, pour lui, le noir est un animale : legorille.

Mais ironie de la situation : on est en Afrique et un Français reproche à un Africain, en Afrique de ne pasparler Français.

On remarque une gradation « mignonne, charogne, boudin ».

Les noirs ne sont même plus deshumains mais des déjections d'humains.

Cette idée de réification est renforcée par la phrase « Le mouchoir quirentre dans la famille ».

Le mouchoir, objet, rentre dans la famille, elle aussi objet.

Le tutoiement participe à cetteinégalité il rabaisse les noirs.

Une répétition en milieu de phrase est une épanalepse.

On peut remarquer la cruautéextrême des occidentaux qui s'en prennent aussi aux enfants, symbole d'innocence.

La violence verbale atteint sonparoxysme avec la violence physique.

L'horreur est ici banalisée, la scène se termine par un apéritif devant les yeuxdes noirs : zoo. B.

Derrière le prétexte de la civilisation se cache une réalité plus triviale et horrible, cachée par des verbes positifsvol : « histoire de l'habiller », le frapper « stimuler ».

Derrière l'apparence du commerce, Céline révèle la réalité ducolonialisme, c'est un vol légalisé.

Opposition entre le travail de toute la famille et l'oisiveté du Blanc.

Il attend queles noirs apportent leur travail.

Le gratteur ne fait rien si ce n'est ironiquement « cueillir finement le mouchoir », ilexploite donc le travail des autres, on pourrait qualifier cela d'esclavagisme.

Il y a un lien entre le commerce et laviolence avec « faire son compte » avec deux oxymores : commerce conquérant et transaction péremptoire.

Celatraduit une illusion d'échange avec la domination d'un des deux partis, la colonisation, plus qu'un commerce estavant tout un esclavage moderne, il y a un lien entre l'argent et la domination : une société capitaliste est unesociété de domination. C.

La vision de Céline n'est pas manichéenne, ce ne sont pas les méchants blancs contre les gentils noirs, le texteest plus ambigu.

Le colonialisme apparait comme le symbole de la pourriture humaine, le gratteur porte ce nom pourdeux raisons : tout d'abord parce qu'il est atteint d'une maladie qui le pourrit de l'intérieur « corocoro » mais aussicar il gratte de l'argent.La critique s'étend non seulement aux blancs mais aussi à tous les noirs qui profitent du capitalisme.

Le bien n'estpas une question de couleur de peau, la pourriture est en chaque homme, en tant que soif du pouvoir et besoind'écraser l'autre.Le commis frappe par derrière, sur les fesses, un père devant ses enfants : humiliation suprême, preuve de lâcheté. »

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