BEAUMARCHAIS
Publié le 02/09/2013
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1732 -1799
LE fils Caron vint au monde, rue Saint-Denis, le 24 février 1732. Son père était horloger, son parrain maître chandelier.
A vingt-trois ans, il vit dans l'intimité des quatre filles du roi et le dauphin dont l'austérité est connue dit de cet astucieux garçon : « C'est le seul homme qui me parle avec vérité. « Un jour, le roi pressé de l'entendre jouer d'un nouvel instrument, la harpe, lui passe son propre fauteuil et l'invite à s'y asseoir. Il devient l'associé du plus riche financier de l'époque, et à trente ans, en 1762, écuyer, conseiller du roi, premier officier du duc de La Vallière, ayant sous lui deux comtes. Messire Caron de Beaumarchais, chaque semaine, juge, en robe longue, au Château du Louvre, condamnant à l'amende et à la prison. Ses réussites commerciales et financières l'emportent bientôt à travers le monde. Il nourrit les troupes d'Espagne ; s'offre pour fournir de nègres toutes les colonies espagnoles ; achète la forêt de Chinon, l'exploite, construit des routes, des ponts, des bateaux; pour imprimer les oeuvres de Voltaire et de Rousseau, achète en Angleterre I50.000 livres de caractères d'imprimerie, fabrique son papier en Hollande, organise à Kehl, en terrain neutre, un vaste établissement de typographie, invente une loterie pour vendre ses éditions, perd un million dans l'affaire; est envoyé par le roi à Londres pour sauver la Dubarry, revient sa mission accomplie et est envoyé par le nouveau roi à Vienne pour sauver Marie-Antoinette. Il finance personnellement La Fayette, convainc le roi et ses ministres que la France doit soutenir les insurgés d'Amérique, arme une flotte de transports, possède des bateaux de guerre battant son pavillon lors de batailles navales, s'intéresse au « canal de Panama «, à l'aérostation, finance une com¬pagnie qui portera à domicile l'eau aux Parisiens; ayant été volé par les Comédiens, il découvre le droit d'auteur et parvient à réunir chez lui, verre en main, tous les auteurs du temps qui alors ne s'aimaient pas beaucoup les uns les autres et à les mettre d'accord. Entre temps est poursuivi injustement comme faussaire, échappe par six voix de majorité aux galères et à la marque, est condamné au blâme et doit recevoir la sentence à genoux devant la Cour tandis que le Président dit : « La Cour te blâme et te déclare infâme. « Mais Beaumarchais a tant d'esprit que le Parle¬ment ne peut exécuter la sentence. En 1788, fait construire devant la Bastille la plus somptueuse maison de Paris, — et riche, heureux, noble, il subit avec agacement et inquiétude la Révolution. Le 22 juin 1790 il écrit à sa femme, la troisième, (ayant été accusé d'avoir empoisonné les deux autres) : « Qu'allons-nous devenir, ma chère, voilà que nous perdons toutes nos dignités. Réduits à nos noms de famille, sans armoiries et sans livrées. « Arrêté, il est libéré fin août, la veille des massacres de septembre; pendant la Terreur — égaré dans un jeu de cache-cache burlesque —sans le savoir, il sauve sa tête qu'il ne peut pas croire en péril. Enfin il essaie de réunir les débris de sa fortune et il mourra chez lui, le 18 mai 1799, après avoir écrit la veille un petit poème à la gloire de Bonaparte et une dernière lettre de réclamation au Congrès des Etats-Unis qui refusera, jusqu'en 1835, de payer même une partie des cinq ou six millions que les insurgés devaient encore à leur fournisseur de guerre.

«
PERSONNAGE qui eût été à l'aise au x1xe siècle, il enrage à la cour de Louis XV d'être le fils d'un
horloger; il voulait être homme d'Etat.
Bien né, pense-t-il, il eût été ministre, et avec une autre
naissance quel roi il eût fait! S'il compose des petits vers, des parades et des comédies, ce n'est pas
pour fuir de mystérieux complexes, ce n'est pas pour construire une œuvre d'art à laquelle on
sacrifie une vie (bien que ses écrits aient cinq ou six versions), c'est d'abord pour ajouter un nouvel
amusement à tous les amusements de sa vie.
S'il écrit, c'est aussi parce qu'on l'attaque et qu'il
doit se défendre.
Il écrit encore pour faire entendre les répliques de Figaro, répliques dont il a
besoin
pour justifier ses prétentions politiques (qui ne regardent que son avancement personnel).
Ses couplets sur la calomnie? c'est qu'il est calomnié.
Ses ennemis disent qu'il sue le crime.
Mais,
se demande Voltaire, comment croire aux crimes d'un écervelé si drôle? Car il est gai : c'est la
source de son charme, une des explications de ses réussites financières.
Il a le génie de la gaieté.
Le 28 janvier 1765, d'Espagne, il écrit un soir à son père : « Cependant je ris, mon intarissable
bonne humeur ne me quitte pas un seul instant.
En vérité, je ris sur l'oreiller quand je pense
comme les choses de ce monde s'engrènent, comme les chemins de la fortune sont en grand nom
bre.
» Ce qu'il aime? Plaire aux femmes, cultiver la musique, écrire des comédies.
Ce qu'il aime
chez les femmes? il le dit à Mme de Godeville : « L'amour est le commerce des corps ...
Et ma peau
de satin n'est-elle donc pas un beau sentiment? Et ta tendre profusion n'en est-elle pas un autre? »
Et il aime écrire des comédies, et aussi réfléchir sur cet art.
Il en eût écrit davantage, dit-il, si le
théâtre avait été d'un meilleur rapport.
Il écrit Eugénie pour élever sa famille et les gens de son
milieu
à la dignité de héros de théâtre; les Deux amis pour montrer la grandeur et la noblesse de
ses échéances commerciales.
Plus tard, il écrit un opéra et quelle est la conclusion de Tarare?
Homme, ta grandeur sur la Terre
n'appartient pas à ton état :
Elle
est toute à ton caractère.
En vérité, je crois que l'on comprend imparfaitement Beaumarchais et son Figaro (dont
on a prétendu que le nom était le transp,arent de « Fils Caron ») si l'on ignore cette lettre que
notre personnage écrivit au duc de Noailles en 1768 :
Ce n'est qu'à la dérobée, Monsieur le Duc, que j'ose me livrer au goût de la
littérature.
Quand Je cesse un moment de gratter la terre et de cultiver le Jardin de mon
avancement, à l'instant tous mes défrichements se couvrent de ronces, et c'est toujours à
recommencer.
Une autre de mes folies à laquelle j'ai encore été forcé de m'arracher, c'est
l'étude de la politique, épineuse et rebutante pour tout autre, mais aussi attrayante
qu'inutile pour moi.
Je l'aimais à la folie : lectures, travaux, voyages, observations,
j'ai tout fait pour elle : les droits respectifs des puissances, les prétentions des princes
par qui la masse des hommes est toujours ébranlée, l'action et la réaction des gouverne
ments les 1 uns sur les autres, étaient des intérêts faits pour mon âme.
Il n'y a peut-être
personne qui ait autant éprouvé que moi la contrariété de ne pouvoir rien voir qu'en grand,
lorsque Je suis le plus petit des hommes : quelquefois même j'ai été Jusqu'à murmurer,
dans mon humeur injuste, de ce que le sort ne m'avait pas placé plus avantageusement
pour les choses auxquelles je me croyais propre ...
Car à la veille du Romantisme, Beaumarchais ne semble pas avoir d'autres soucis ni d'autres
sujets de plainte.
Pas un frémissement annonçant le prochain mal du siècle; aucune inquiétude
sur la condition humaine.
Dans toute son œuvre, parmi toutes ses lettres, ses comédies et mémoires,
on ne peut relever que deux phrases « métaphysiques ».
Les voici : Etre des Etres, je te dois tout :
le bonheur d'exister, de penser et de sentir.
Et: Forcé de parcourir la route où Je suis entré sans le savoir, comme
j'en sortirai sans le vouloir, Je l'ai Jonchée d'autant de.fleurs que ma gaieté me l'a permis ...
ARMAND SALACROU
de l'Académie Goncourt
211.
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