Devoir de Philosophie

Bénédiction de Baudelaire

Publié le 07/09/2013

Extrait du document

baudelaire

 

La parodie de l'Annonciation

Confronté au «mythe romantique«, Baudelaire, au lieu de

contourner l'obstacle, de l'ignorer ou de le détruire, le prend

à bras-le-corps. Son romantisme ne sera pas un romantisme

honteux, dominé ou «rajeuni«, mais un ultra-romantisme. II

dépassera le romantisme en l'épuisant. Cette identification

sera en même temps une désacralisation. La figure du poète

que, dans «Bénédiction«, premier poème des Fleurs du Mal,

il dresse à l'entrée de son oeuvre comme un «gardien du

seuil« n'est pas le calque attardé d'une image stéréotypée;

elle tire sa force de la douleur, toujours vive et inépuisable,

infligée au seuil de la vie, une douleur indissociable de l'être

même.

D'emblée, Baudelaire affirme la fonction d'exorcisme qu'il

assigne à la poésie en assimilant son drame intime à un

«topo« littéraire, c'est-à-dire à un thème sacralisé par la

tradition, celui du poète élu par Dieu, et au dogme qui

sanctifie l'image de la mère, celui de !'Annonciation. Par

l'usage de la parodie, il déconstruira l'un et l'autre de manière

à laisser le champ libre à sa propre voix :

" Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,

Le poète apparaît en ce monde ennuyé,

Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes

Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié:

- "Ah! que n'ai-je mis bas tout un noeud de vipères,

Plutôt que de nourrir cette dérision !

Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères

Où mon ventre a conçu mon expiation !

Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmes

Pour être le dégoût de mon triste mari,

Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes

Comme un billet d'amour, ce monstre rabougri,

Je ferai rejaillir ta haine qui m'accable

Sur l'instrument maudit de tes méchancetés,

Et je tordrai si bien cet arbre misérable,

Qu'il ne pourra pousser ses boutons empestés!"

Elle ravale ainsi l'écume de sa haine,

Et, ne comprenant pas les desseins éternels,

Elle-même prépare au fond de la Géhenne

Les bûchers consacrés aux crimes maternels. "

Comment ne pas voir dans ces vers une sorte de redoublement

de la dédicace, une deuxième dédicace qui vient

compléter celle du poème introductif à !'«hypocrite lecteur,

mon semblable, mon frère«. Par celle-ci, Baudelaire entendait

impliquer le lecteur dans la confession qui allait suivre, il

souhaitait montrer que son propos s'étendait au genre humain

tout entier. Il est significatif qu'il ait commencé son

livre par une provocation exprimant sa volonté de démystification

et de scandale. D'emblée, la poésie de Baudelaire se

place sous le signe du péché originel et de la volonté de

dévoilement: tous coupables. Tous les efforts de la société

dans laquelle il vit et les prétendus progrès de la civilisation

n'ont pour but que de cacher cette affreuse vérité: l'homme

est voué au Mal, il est l'esclave des passions.

baudelaire

« " Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, Le poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié: - "Ah! que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères, Plutôt que de nourrir cette dérision ! Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères Où mon ventre a conçu mon expiation ! Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmes Pour être le dégoût de mon triste mari, Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes Comme un billet d'amour, ce monstre rabougri, Je ferai rejaillir ta haine qui m'accable Sur l'instrument maudit de tes méchancetés, Et je tordrai si bien cet arbre misérable, Qu'il ne pourra pousser ses boutons empestés!" Elle ravale ainsi l'écume de sa haine, Et, ne comprenant pas les desseins éternels, Elle-même prépare au fond de la Géhenne Les bûchers consacrés aux crimes maternels.

" Comment ne pas voir dans ces vers une sorte de redouble­ ment de la dédicace, une deuxième dédicace qui vient compléter celle du poème introductif à !'«hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère».

Par celle-ci, Baudelaire enten­ dait impliquer le lecteur dans la confession qui allait suivre, il souhaitait montrer que son propos s'étendait au genre hu­ main tout entier.

Il est significatif qu'il ait commencé son livre par une provocation exprimant sa volonté de démystifi­ cation et de scandale.

D'emblée, la poésie de Baudelaire se place sous le signe du péché originel et de la volonté de dévoilement: tous coupables.

Tous les efforts de la société dans laquelle il vit et les prétendus progrès de la civilisation n'ont pour but que de cacher cette affreuse vérité: l'homme est voué au Mal, il est l'esclave des passions.

Le poète prend donc la parole non seulement en son nom, mais au nom de tous.

Si le destin du poète est exceptionnel, s'il est rejeté par sa mère dès sa naissance, ce n'est pas parce qu'il échappe au sort commun, c'est parce qu'il ose proclamer une vérité honteuse, que le monde cherche à oublier.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles