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Blaise CENDRARS : TU ES PLUS BELLE QUE LE CIEL ET LA MER (COMMENTAIRE)

Publié le 30/06/2012

Extrait du document

Quand tu aimes il faut partir

Quitte ta femme quitte ton enfant

Quitte ton ami quitte ton amie

Quitte ton amante quitte ton amant

Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses

Des femmes des hommes des hommes des femmes

Regarde ces beaux magasins

Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre

Et toutes les belles marchandises

Il y a l'air il y a le vent

Les montagnes l'eau le ciel la terre

Les enfants les animaux

Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre

Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir

Chanter courir manger boire

Siffler

Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir

Ne larmoie pas en souriant

Ne te niche pas entre deux seins

Respire marche pars va-t'en

Je prends mon bain et je regarde

Je vois la bouche que je connais

La main la jambe l'oeil

Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là

La vie pleine de choses surprenantes

Je sors de la pharmacie

Je descends juste de la bascule

Je pèse mes quatre-vingts kilos

Je t'aime Feuilles de route

« Commentaire du texte --------------- Blaise Cendrars est réputé avoir fait totalement corps avec son époque, lui qui fut un voyageur impénitent :ses titres en témoignent, des Pâques à New York aux Contes Nègres en passant par La Prose du Transsibérien ...

Celui qu'on désigne comme "le bourlingueur" avait de mul­ tiples cordes à son arc :il fut, outre le très grand poète qu'on connaît, éga­ lement homme de radio et cinéaste.

Toutefois, il se produisit une cassure définitive dans son existence avec la guerre de 14-18.

Cette expérience décisivement douloureuse, qui l'a sans doute incité à mieux profiter de la vie, explique le sentiment d'urgence qu'on perçoit dès la première lec­ ture de ce poème.

Une philosophie de la vie Le poème semble surplombé par le précepte :"Quand tu aimes il faut partir"; répété à trois reprises, celui-ci produit un effet de refrain.

L'identité de l'interlocuteur interpellé reste floue :ce "tu" s'adresse-t-il à une person­ ne déterminée ? à un lecteur emblématique ? à lui-même, selon la modali­ té du dialogue philosophique? Quoi qu'il en soit, la force assertive du pro­ pos, qui tient à la formule d'obligation, est renforcée par le présent de vé­ rité générale.

On a l'impression qu'il dicte une nécessité incontournable énoncée sur un ton laconique mais sans réplique.

Découle de ce précepte une série de règles.

Le poème est émaillé d'ordres,signalés par des tournures d'obligation ("il faut savoir") et surtout par une multitude d'impératifs :"quitte" (et ici l'énumération de termes ap­ partenant au registre affectif renforce le côté définitif de la séparation), "apprends/donne /prends" et"va-t'en" ...

De cette succession d'impératifs se dégagent avec encore plus de force les interdits :"ne larmoie pas", "ne te niche pas": on aura noté qu'il s'agit de verbes aux connotations péjoratives qui produisent un effet de réduction, comme pour évoquer une certaine régression dans l'enfance.

Se profile ainsi l'intuition que c'est le refuge de la vie quotidienne qui fait l'objet d'un rejet radical.

Le mot "niche" évoque un univers limité, étriqué et clos, en tous points opposé à la suggestion du terme"respire"; et l'on comprend que ce mot"niche"renvoie l'image même de la vie que refuse le poète.

Or, celui-ci ne cesse de proclamer dans ce poème l'amour de la vie, entendez par là: d'une vie ouverte ...

Comme en témoigne le rythme alerte du poème, dont l'effet sautillant tient à l'irrégularité des vers ; cet appétit de vivre est restitué par toutes les accumulations et répétitions.

Et par le 183. »

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