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Booz ENDORMI (v. I - 24) (V. Hugo, Légende des Siècles.)

Publié le 17/02/2011

Extrait du document

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Booz s'était couché de fatigue accablé; Il avait tout le jour travaillé dans son aire; Puis avait fait son lit à sa place ordinaire; Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé. 5 Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge; Il était, quoique riche, à la justice enclin; Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin; Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge. Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril. 10 Sa gerbe n'était point avare ni haineuse; Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse : « Laissez tomber exprès des épis «, disait-il. Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques, Vêtu de probité candide et de lin blanc; 15 Et, toujours du côté des pauvres ruisselant, Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques. Booz était bon maître et fidèle parent; Il était généreux, quoiqu'il fût économe; Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme, 20 Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand. Le vieillard, qui revient vers la source première, Entre aux jours éternels et sort des jours changeants; Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens, Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.

INTRODUCTION

Booz endormi est un des premiers poèmes de la Légende des Siècles. Il est le sixième de la partie intitulée « D'Ève à Jésus « qui commençait par Le sacre de la femme. Il est suivi de près par Première rencontre du Christ avec le Tombeau. Il y a donc une analogie entre les poèmes essentiels de ce début. Ce portrait de Booz se rattache au dessein général de la Légende qui était de montrer « des empreintes successives du profil humain depuis Ève, mère des hommes, jusqu'à la Révolution, mère des peuples « (Préface, 1859).

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« spontanément cette vision populaire.

Dans cette strophe il ne cherche point à éviter les répétitions (« il n'avait pas») pour mieux suggérer le dépouillement intérieur du personnage. III.

- LA GÉNÉROSITÉ D'UN PATRIARCHE (V.

9-18) Dans les trois strophes suivantes, le poète insiste sur la générosité, vertu rare chez un riche propriétaire.

Mais leplan n'a aucune rigidité. Pour mieux imiter la naïveté biblique, Hugo se permet un savant désordre.

Tantôt une vision poétique (v.

9 et 14)interrompt l'énumération des us, ou plutôt rehausse le portrait, tantôt d'autres vertus se mêlent à de générosité (v.13, 17).Au vers 9, la barbe est le symbole de la sagesse, de la force et de la bonté.

mois d'avril, en Orient, les ruisseauxsont encore abondants et blancs d'écume quand fondent les neiges sur les monts du Liban.A la beauté de la barbe correspond la bonté des actes concrets : les manifestations d'avarice et de haine, sifréquentes parfois chez les paysans, se manifestent par la gerbe donnée ou refusée.

Cette image est encore plusexpressive que celles des vers 7 et 8.

Le geste mentionné aux vers 11 et 12 est directement tiré de la Bible (Ruth,3) : « Ruth recueillait les épis derrière les moissonneurs ...

Or Booz donna cet ordre : Vous jetterez même exprèsdes épis de vos javelles, et vous en laisserez sur le champ.

»On voit par là que Booz savait donner avec délicatesse.

Dans le vers 12, le mot « exprès » est mis en relief àl'hémistiche.De strophe en strophe le personnage grandit, apparaît plus rayonnant.

Après avoir montré l'absence de défauts, lepoète insiste sur les vertus qui sont inépuisables.Le vers 13, comme le vers 9, est un tableau où la césure (après « pur ») sépare le bien du mal.

L'image de la viecomparée à une marche est typiquement orientale et biblique : ainsi le psaume 118 commence par le verset : «Bienheureux ceux qui sont parfaitement purs dans leur voie, ceux qui marchent dans la loi de Yaweh.

» Les «sentiers obliques » sont les voies tortueuses des méchants.Le vers 14 contient une alliance célèbre de l'abstrait (probité candide) et du concret (lin blanc).

V.

Hugo a utiliséplusieurs fois cette figure : ...

Sur cet homme de fer et de fatalité(L'Aigle du casque.) Dans la Bible le vêtement blanc est symbole de pureté.

Les élus de Dieu sont vêtus de robes blanches (Apocalypse,VII, 11).

Le mot « candide » ajoute une nuance à la pureté et à la bonté.

En latin candidus désigne un blancéclatant.

En français « candide » implique un refus inconscient de croire au mal, un parti pris de bonté rayonnante.Le langage simple de la Bible ignore la rhétorique.

Pour mieux insister sur une idée, il use d'images, de répétitions quiélargissent la vision : c'est ce que V.

Hugo a imité aux vers 15 et 16.

Ce n'est plus une gerbe, ce sont des fontainespubliques.

Le patriarche atteint les dimensions épiques.

Comme il le fera dans la fin du poème, V.

Hugo exprime uneidée par un tableau.

(On a dit qu'il pensait par images.) L'absence de césure : l'hémistiche du vers 15 montre lacontinuité du ruissellement.

Au vers 16, le lecteur ne doit pas marquer d'arrêt au 6e pied; le deuxième hémistichesert à présenter cette image extraordinaire d'une générosité inépuisables « fontaines publiques » annoncent lamultiplication des pains.

D'aille les patriarches et les prophètes sont tous plus ou moins des préfigurations du Christ.Le vers 18 précise les qualités privées et familiales : parce qu'il est fidèle parent, il aidera et épousera Ruth.

Cesmêmes vertus domestiques se manifestent dans l'économie : son caractère est une synthèse harmonieuse dequalités opposées. IV.

- GRANDEUR DU VIEILLARD Les femmes subissent son ascendant parce qu'il est pleinement homme: il n'a pas seulement l'apparence séduisantedu jeune homme, mais possède la force, l'autorité, l'amour véritables.

L'antithèse du vers oppose la beauté physiqueà la grandeur morale.

Le vieillard revient ver Dieu, la source première; l'approche de la mort le grandit : Tel qu'en Lui-même enfin l'éternité le change.

(Mallarmé) L'instabilité des « jours changeants » a moins de prise sur lui.

Au vers 23 la flamme représente les passionsardentes, inconstantes, les désirs charnels de la jeunesse.

Moins ardente mais plus durable que la flamme, la lumièredésigne la sagesse, la vertu, la connaissance de Dieu.

Dans l'Évangile de saint Jean, le Christ est appelé la lumière.Le portrait de ce vieillard est pleinement conforme à l'idée que la Bible nous donne d'un patriarche.

Avec beaucoupd'intuition et de probité artistique, V.

Hugo a trouvé le ton et la couleur exactes.

Il ne lui a point donné, commeVigny à son Moïse, des sentiments romantiques.. »

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