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BOSSUET: L'HISTORIEN

Publié le 27/06/2011

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bossuet

Bossuet n'est pas un historien au sens strict que l'on donne aujourd'hui à ce mot. Homme d'action, il n'aurait jamais songé à employer son esprit à recueillir des faits, à les trier, à les cataloguer, à les classer en les rapportant à leurs causes apparentes, travail de collectionneur, « amusement « d'un esprit vacant, qui n'a pas de buts plus pressants à assigner à son activité. Pour lui, les faits sont des signes à interpréter, des matériaux de construction à employer pour édifier une démonstration ; il est moraliste, controversiste, philosophe, théologien. Mais pour que son architecture soit solide, il est tenu d'employer des matériaux de bon aloi ; si les faits sur lesquels il appuie sa démonstration sont démontrés faux, ou apparaissent simplement douteux, sa démonstration croule, et le théologien, le controversiste a perdu plus que son temps, il a perdu son prestige. Précisément parce qu'il n'est pas simplement un historien. Bossuet doit manier avec plus de rigueur les méthodes de l'histoire : recherche des documents de première main et aux bonnes sources; critique de ces sources ; interprétation exacte des documents ; utilisation des témoignages sans en dépasser la portée. Il y faut de la science, de l'esprit Critique, de l'intelligence, de la probité. Mais dès que ces qualités se rencontrent chez le chercheur, quel que soit le but dernier qu'il se propose, son œuvre est bien de l'histoire authentique et il mérite indiscutablement le titre d'historien. Toute la question est donc de savoir si Bossuet a fait preuve de ces qualités dans le Discours sur L'Histoire Universelle, dans l'Histoire 

bossuet

« successivement trois formes.

Il fut d'abord un livre d'enseignement, qui se composait d'une sorte de résuméchronologique de l'histoire universelle ; quand le prince aborda la philosophie, Bossuet lui fit des leçons sur l'histoirede la religion et sur son développement ; enfin il compléta cet enseignement par un cours de philosophie del'histoire, qui explique par les lois et par les institutions l'accroissement et la décadence des empires, à peu prèscomme le fera plus tard, pour Rome, Montesquieu.

Ces enseignements, Bossuet les reprend, les étoffe, les rédigeavec soin, et il en fait le Discours qu'il donne au public en 1681.

On dirait que Bossuet, voyant son livre achevé etpublié, en a découvert l'importance ; l'idée lui vint alors de s'en servir pour son travail apologétique.

Laissant intactela première partie, qui n'est qu'une chronologie, il reprend la seconde, la suite de la religion, il la remanie,en fait une réponse à Spinoza, qui niait le caractère inspiré de la Bible.

Il remanie également par places lesconsidérations sur la décadence des empires, pour répondre aux libertins qui tiraient des spectacles de l'histoire unargument contre la Providence.

Ainsi refondu et rajeuni, l'ouvrage parut en 1700.

Persuadé qu'il n'en avait pasencore tiré tout ce qu'il pouvait donner, Bossuet le remaniait et en préparait une édition nouvelle quand il mourut.Le discours se divise donc en trois parties : les Epoques, la Suite de la Religion, les Empires.

Dans les premièrespages, adressées au Prince, Bossuet explique ce plan qui peut sembler bizarre à première vue : « Il faut i° que jeparcoure avec vous les époques que je vous propose, et que vous marquant en peu de mots les principauxévénements qui doivent être attachés à chacun d'elles, j'accoutume votre esprit à mettre ces événements dansleur place, sans y regarder autre chose que l'ordre des temps.

Mais comme mon intention principale est de vousfaire observer dans cette suite des temps celle de la religion et celle des grands empires, après avoir fait allerensemble, selon le cours des années, les faits qui regardent ces deux choses, je reprendrai en particulier avec lesréflexions nécessaires premièrement ceux qui nous font entendre la durée perpétuelle de la religion, et ensuite ceuxqui nous découvrent les causes des grands changements arrivés dans les empires.

»C'est un plan inspiré par l'enseignement et que Bossuet a conservé dans le livre, sans lui attribuer une valeur autreque pédagogique.Il va de soi que la première partie n'a plus d'intérêt pour nous : Bossuet établit sa chronologie suivant les habitudesde son temps, que les modernes ont bousculées, donnant à l'histoire d'autres perspectives.

La seconde partie,surtout dans le texte de 1700, a un intérêt apologétique, bien que les questions ne se posent plus aujourd'huicomme au temps de Spinoza.

Si on la lit d'un trait, en laissant tomber tout ce qui touche de trop près à la polémiquedu temps, elle frappe par son éloquence, comme le ferait un beau sermon.

Bossuet voit la suite de la religion ; il estpénétré par la grandeur du spectacle que lui donne une religion restant debout au milieu de la ruine des empires; ilen éprouve une sorte de frisson sacré qui passe dans les raccourcis et dans la sobriété voulue du style.

Le chapitrexiii, en particulier, est d'un orateur dont l'émotion émeut, d'autant plus qu'elle se contient.

« Cette Église toujoursattaquée et jamais vaincue est un miracle perpétuel et un témoignage éclatant de l'immutabilité des conseils deDieu..

».La troisième partie est restée pour nous la plus vivante.

Nous n'allons pas y chercher, pas plus que dans lesConsidérations de Montesquieu, une suite de faits.

C'est une explication des 1 évolutions des empires.

Elle part desfaits, assurément mais elle reste solide, même si telle circonstance des faits est inexactement rapportée, même s'il ya erreur sur certaines dates.

Bossuet savait de l'antiquité ce que savait un bon humaniste de son temps.

Il avait lude près les auteurs anciens, même ceux que nous ne lisons pas ; il leur attribuait une autorité que nous avonsappris à limiter, et il n'avait pas pour les contrôler, les recherches que l'on commençait à faire de son temps, qu'on acontinuées depuis, et qui ont renouvelé notre vision du passé.

Aussi, ce qu'il dit des Scythes, des Ethiopiens, desEgyptiens, des Assyriens, des Mèdes et des Perses, emprunté à Hérodote; à Xénophon, à des recueils de moindrevaleur, ne compte pas, bien que des réflexions pertinentes viennent ici et là dissiper le brouillard de la fable.

Sur lesGrecs, Bossuet est déjà mieux informé, et ses vues sont plus sûres.

Quand il arrive à Rome, il se sent chez lui, et il le marque par ce cri de joie : « Nous sommes enfin venu à ce grand empirequi a englouti tous les empires de l'univers, d'où sont sortis les plus grands royaumes du monde que nous habitons,dont nous respectons encore les lois, et que nous devons par conséquent mieux connaître que tous les autresempires.

»Bossuet a lu, la plume à la main, les historiens latins et il voit Rome telle que ces historiens la présentent.

Renanécrit à ce propos : « L'Histoire Universelle de Bossuet n'a plus dans l'état actuel des études historiques aucunepartie qui tienne debout.

» Assurément nous avons sur les institutions de la République Romaine et de l'Empire desvues tout à fait différentes.

Mais à ce compte, on pourrait en dire autant de Tite-Live, de Tacite, de Montesquieuet de Renan.

La science historique se fait et se défait chaque jour; au hasard des découvertes, et à connaissanceque nous avons du passé, toujours fragmentaire et, pour tout dire, toujours erronée, se modifie à chaquegénération.

Des grands historiens du passé nous n'acceptons pas sans contrôle les renseignements qu'ils nousdonnent sur les institutions ou même sur les dates des événements ; nous attendons d'eux autre chose, de cesdocuments humains dont l'intérêt ne diminue pas avec le temps, des vues sur les mœurs et sur les âmes.

A ce pointde vue, tout ce que Bossuet nous dit de Rome est d'un très haut prix.« De tous les peuples du monde, le plus fier et le plus hardi, mais tout ensemble le plus réglé dans ses conseils, leplus constant dans ses maximes, le plus avisé, le plus laborieux et enfin le plus patient, a été le peuple Romain.

» Cesont là les qualités qui entrent dans la composition de cette Virtus qui fut le caractère essentiel des conquérants dumonde.

Recherchant les sources de cette virtus, Bossuet dit avec une grande pénétration : «Le fond du Romain,pour ainsi parler, était l'amour de sa liberté et de sa patrie.

Une de ces choses lui faisait aimer l'autre.

» Par là onexplique qu'il ait accepté, et accepte au point de les aimer, la pauvreté, le travail, la discipline.

Ainsi s'est formée la« milice », l'armée la plus solide et la plus redoutable qu'on ait jamais vue, l'armée qui a conquis l'univers.

Par là aussion explique la sagesse de ce Sénat qui a incarné longtemps dans sa pureté, le véritable esprit Romain.Un peuple qui a ce caractère, cette armée et ce gouvernement, îje s'abandonne jamais, quels que soient ses revers: même vaincu pour un temps, il se relève et fait son destin parce qu'il croit à son destin : on n'a qu'à voir pour s'enrendre compte les péripéties de la lutte de Rome contre Carthage.

Par ce moyen, ils conquirent un Empire immense ;et, par leur équité, ils se montrèrent dignes d'abord de conserver leur conquête.

Mais- cette belle « République » si. »

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