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Caractérisez l'art de chacun de ces deux poèmes, comparez-les et dites celui qui correspond le mieux à votre sensibilité : Soleil couchant (Heredia, Les Trophées), Soleils couchants (Verlaine, Poèmes Saturniens).

Publié le 09/02/2011

Extrait du document

verlaine

Soleil couchant Les ajoncs éclatants, parure du granit, Dorent l'âpre sommet que le couchant allume; Au loin, brillante encor par sa barre d'écume, La mer sans fin commence où la terre finit. A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume ; Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume, A la vaste rumeur de l'Océan s'unit. Alors comme du fond d'un abîme, des traînes, Des landes, des ravins, montent des voix lointaines De pâtres attardés ramenant le bétail. L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre, Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre, Ferme les branches d'or de son rouge éventail. Heredia Soleils couchants Une aube affaiblie Verse par les champs La mélancolie Des soleils couchants La mélancolie Berce de doux chants Mon cœur qui s'oublie Aux soleils couchants Et d'étranges rêves Comme des soleils Couchants sur les grèves Fantômes vermeils Défilent sans trêves Défilent pareils A des grands soleils Couchants sur les grèves. Verlaine

1. Félicitons-nous de sujets semblables qui nous font sortir de l'ornière et des prudentes généralités cent fois rebattues. De même qu'on philosophe à jeun, lorsqu'on n'a pas d'exemples à se mettre sous la dent, de même en littérature et en art, il n'y a rien de plus nocif que la théorie, l'abstraction, le lieu commun. Rien ne saurait remplacer le contact direct avec le texte, l'expérience immédiate et vécue. Cependant on ne saurait se contenter de cette jouissance qui serait superficielle et éphémère, si on ne lui demandait de « rendre raison «.    2. Qu'exige notre sujet? Il fait appel à trois qualités de l'esprit dont la réunion peut paraître précieuse :   

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« Donc analyse et synthèse : la recherche les sépare; mais l'exposé peut les réunir sans inconvénient, puisque l'uneest le fruit de l'autre.

Dans la comparaison qui les a déjà groupés se révéleront les éléments de l'analyse. c) la sensibilité: on ne demandera pas, nous l'espérons, au correcteur de prendre parti, de se prononcer.

On faitappel ici à une sensibilité non encore émoussée : celle de l'élève.

Celle de l'adulte est trop pénétrée d'élémentsrationnels, élaborés.

Néanmoins il nous semble que les couleurs vives et les contours nets du sonnet de Herediadéfinissent le paysage méridional; celui de Verlaine est d'inspiration plutôt nordique.

Le choix est ici fonction, non decritères poétiques, mais nous dirions presque, du tempérament (et sous ce rapport, il n'y a pas de compromis) ou dela latitude, comme disait Gide.

Nous nous en tiendrons donc à ces considérations.

Mais encore une fois : des sujetspareils semblent souhaitables.

Qui ne s'est senti sollicité tantôt par la beauté du monde, tantôt par les profondeursinsondables de l'âme : deux pôles extrêmes de notre sensibilité? La synthèse fut-elle jamais possible? Peut-êtreValéry...

Mais ne nous égarons point. II.

— Développement Introduction : Heredia: « Chacun de ses sonnets est un poème d'une composition si serrée et si savante qu'on ne se lasse point deles relire pour en pénétrer de plus en plus le sens, et d'un style à la fois si plein et si éclatant, d'un rythme siimpératif, que c'est une joie pour l'œil et pour l'oreille.

» (Ch.

M.

des Granges) Verlaine: « Pour la première fois en France, un poète ne comptait plus les syllabes, n'égrenait plus les vers; laphrase poétique formait un tout, se déroulant de vers en vers, de mesure en mesure, insinuante et fluide, cherchantla courbe du chant intérieur pour se modeler sur elle.

» (M.

Guy Michaud) I.

— La composition 1° Les titres. a) « Soleil couchant » : singulier; c'est un paysage type, généralisé, d'où tout élément accidentel est exclu; il est lerésultat d'une puissante stylisation.

S'il se reproduit, c'est toujours identique à lui-même.

Il est éternel dans ce sensque le temps n'a pas de prise sur lui.

La nature y est représentée sous une forme schématique, simplifiée qui endégage l'essence. Le concret y acquiert la valeur du symbole. b) « Soleils couchants » : pluriel; c'est la durée psychologique indéfinie et, partant, l'abolition du temps physique, auprofit d'une fusion intemporelle de l'être avec les choses qui inspire le poème de Verlaine.

Si le paysage est lui aussiéternel, ce n'est pas par sa répétition virtuelle, mais par sa durée ininterrompue. Ainsi les deux titres, l'un au singulier, l'autre au pluriel, comportent un élément de pérennité, indispensable à l'art,érigent la réalité en vérité : mais pour le premier poème, c'est la réalité extérieure, physique, pénétrée par le Tempséternel, pour le deuxième, c'est la réalité intérieure, psychologique, pénétrée par la durée irréversible; pour l'un c'estl'identité dans la répétition, pour l'autre la continuité dans le changement. 2° Les deux poèmes. Ces deux poèmes s'opposent comme la facture analytique à la facture synthétique ou comme le principe deconstruction (matière) au principe d'organisation (vie).

. a) La première forme de création procède par juxtaposition de détails : ce principe est d'ailleurs inhérent au sonnetet par quelque biais qu'on aborde celui-ci, on peut en retrouver les modes. — la progression: il y a deux phases successives du coucher du soleil : l'une statique (dominée par des verbesd'état : dorent, c'est, fume); l'autre évolutive (marquée par des verbes de mouvement : montent, s'enveloppe,mourant, ferme). — l'opposition: au centre, le deuxième quatrain et le premier tercet : les sons et la musique (antithèse avec lesilence); aux extrêmes (premier quatrain et deuxième tercet) : la vision.

On sait que ce procédé classique est cheraux poètes anciens. — la disposition: (plans successifs); à l'arrière-plan, la mer et l'horizon (correspondance sonore : rumeur) ; au milieu,les collines, sommets, traînes, landes, ravins (correspondance sonore : les voix lointaines); au premier plan, le nid, le. »

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