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Comment le théâtre permet-il une représentation du pouvoir et dans quel but ?

Publié le 08/01/2013

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Représenter le pouvoir, c’est, comme nous l’avons vu, d’abord critiquer son abus. Le pouvoir juste

n’étant pas un sujet principal en soi, tant il est vrai que les institutions heureuses, comme les gens

heureux, n’ont pas d’histoire. Représenter le pouvoir, c’est aussi le plus souvent s’attaquer à l’autorité

politique, même si les autres formes d’autorité sont aussi contestées et l’on s’aperçoit le plus souvent

qu’elles sont alliées au pouvoir en place. Pour mettre en scène la tyrannie, le dramaturge dispose de bien

des moyens d’écriture théâtrale : les genres et registres comique, tragique, lyrique, polémique et les

formes de discours du dialogue et du monologue argumentatifs. Bien des auteurs se sont préoccupés de

la mise en scène, en montant eux-mêmes leurs pièces ou en suivant de près les metteurs en scène. Mais

qu’on joue en costumes d’époque ou en jeans, en salle ou dans la cour du palais des papes, avec un

micro ou en utilisant l’acoustique des lieux, l’important c’est de capter l’attention du spectateur. Le faire

rire, le terrifier ou susciter sa pitié, cela fonctionne toujours très bien. Mais concernant la représentation

du pouvoir abusif, le dramaturge

« Caligula dans la pièce de Camus se montre cynique et pervers, forçant Lépidus dont il vient de tuer le fils à répéter qu’il n’est pas de mauvaise humeur, « au contraire » ! Il fait preuve de cruauté morale autant qu’il se livre à des exactions physiques.

Il règne par la terreur que répand sa folie.

Ubu, de Jarry, est aussi un tyran déséquilibré et grotesque.

Aux mauvaises manières partagées avec Caligula, il ajoute la grossièreté dans le langage, ponctuant son discours de « cornegidouille » ou autre « merdre ».

C’est un roi fantoche mais tout aussi redoutable, ne réfrénant pas ses plus bas instincts, à commencer par une cupidité féroce.

Si Egisthe dans les Mouches de Sartre paraît plus pondéré, ce n’est qu’une illusion car il s’en prend à sa propre famille, méprisant son épouse, sa complice dans le meurtre, et punissant sa belle-fille Electre.

Le roi mourant de Ionesco, s’il est dépossédé de son pouvoir et par là-même pitoyable, n’en demeure pas moins inquiétant dans sa mégalomanie et son autoritarisme absurde. Les dramaturges ont donc à leur disposition toute une série de moyens pour représenter les tyrans que ce soient les genres théâtraux, les registres et les variétés de mise en scène.

Dans la tragédie, le genre noble s’il en est, le roi ou la reine se doivent d’être grands jusque dans le crime et la démesure.

Ainsi Cléopâtre dans Rodogune de Corneille n’hésite -t-elle pas à envisager le meurtre de ses deux fils pour conserver le pouvoir mais elle le fait dans un monologue en alexandrins, dans un style irréprochable et avec une maîtrise de soi qui terrifie mais qui a du panache, c’est un monstre qui a de l’allure ! En revanche, Molière dans ses comédies tourne en dérision bien des détenteurs abusifs de pouvoir, ainsi Arnolphe, le barbon qui veut épouser de force un tendron, est-il ridiculisé par Agnès elle-même dans L’école des femmes.

Même Dom Juan, le « grand seigneur, méchant homme » et beau parleur, est décontenancé devant la rectitude morale du pauvre et ne conserve la face qu’en lui jetant en aumône un louis d’or.

Dans ses comédies de mœurs, Marivaux inverse les rôles de maîtres et valets pour bien montrer la possible réversibilité des situations nées des hasards de la naissance.

Beaumarchais, à la veille de la Révolution, ira plus loin avec son Figaro qui harangue dans son monologue les aristocrates nantis : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus.

Du reste, homme assez ordinaire».

Il est d’ailleurs significatif de noter que la pièce fut encore interdite pendant l’occupation allemande ! Cet esprit de revendication est, après tout ancien, et appartient bien à la tradition française car on trouve le pouvoir moqué sous toutes ses formes dès les farces du Moyen Age, que ce soit l’avocat véreux à son tour floué dans La farce de maître Pathelin, ou les curés paillards, ou les médecins ignorants, ce dont se souviendra Molière.

Dans les drames romantiques, les roturiers, voire les gueux vont se mesurer aux reines pour les aimer, tel « le vers de terre amoureux d’une étoile » dans Ruy Blas de Hugo.

Avec la montée des dictatures au milieu du XXe siècle, le théâtre se fait ouvertement politique comme dans la pièce du dramaturge allemand Bertold Brecht, La résistible ascension d’Arturo Ui, qui portraiture Hitler en gangster du Bronx et dont est extraite la phrase d’avertissement : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde.

» Les genres sont donc tous sollicités pour représenter le pouvoir abusif mais aussi tous les registres, le burlesque avec la farce, le comique avec la comédie, le tragique avec la tragédie classique, le lyrique et le pathétique avec le drame bourgeois ou le drame romantique, l’absurde avec les pièces d’après guerre à la manière de Ionesco ou de Beckett ou encore le théâtre à thèse comme celui de Sartre ou de Camus. Bien sûr, les mises en scènes sont variées, et vont du respect le plus absolu au climat de l’époque où les pièces ont été créées, avec perruques, canons et talons rouges pour les costumes du XVIIe siècle jusqu’aux audaces contemporaines où le décor est dépouillé à l’extrême et où les jeux de lumière et les bruitages les plus modernes remplacent la toile de fond et le rideau rouge des théâtres à l’italienne.

Cela. »

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