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Commentaire composé Aube de Rimbaud

Publié le 17/01/2022

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En rédigeant Illuminations en 1873, Rimbaud est encore un très jeune poète. Néanmoins, il n'écrira presque plus après ce recueil dont le titre ouvre d'emblée divers horizons d'attente pour le lecteur. L'illumination, c'est en effet la fulgurance, le passage, autrement dit un symbole de la modernité, d'autant plus que le terme évoque le XIXe siècle qui connait l'installation de l'éclairage urbain. Néanmoins, Rimbaud précise dans ses lettres que ce titre fait également directement référence au terme anglais désignant les assiettes peintes. Dans cette optique, le recueil se ferait ekphrasis. Cette hypothèse est d'autant plus féconde pour le lecteur qui se trouve au seuil d'un des plus célèbre poème du recueil: Aube. En effet, chez le lecteur éduqué du XIXe siècle, ce terme n'est pas sans faire référence à la tradition poétique de la description du lever ou du coucher de soleil, lui-même finissant par être désigné comme objet poétique. Cependant, ce poème n'aura rien de ce qu'on pourrait appeler une « ekphrasis « de l'Aube.
  

« parnasse, art pour art et beauté glacée ? Car après tout « rien ne bougeait » l 2.

Néanmoins, il s'agit ici d'unebeauté moderne, fuyante comme le montre la course de l'enfant après l'aube.

Et c'est le long de cette course, duchemin emprunté par l'Aube et l'enfant que se révèlent les beautés de la nature.

Néanmoins, Rimbaud ne reprendpas ici la thématique bucolique du locus amoenus.

Ce paysage merveilleux est bien celui d'un conte, il est parcourude la même « inquiétante étrangeté » qu'un conte des frères Grimm.

L 2-3, « l'eau morte » ne laisse rien présager debon, et même produit une dissonance dans la féérie.

En effet, puisque la nature est personnifiée, elle peut êtresecourable comme « la fleur qui me dit son nom » mais également être une menace : « les pierreries regardèrent » l5 //Blanche-neige =une nature imprévisible.

En résumé : une nature merveilleuse et féérique, un travail poétique surle détail lumineux, la touche // impressionnisme mais également une dissonance moderne (par rapport à la traditionbucolique) et qui se souvient du conte : inquiétante étrangeté : donc poète et paysage ne sont plus en totalaccord // romantiques, ou alors si accord il y a, cela signifie que le sujet lyrique est lui-même parcouru par une «inquiétante étrangeté » //crise du lyrisme. Une « chasse » érotique. Le poème se construit sur l'itinéraire d'une poursuite.

La première phrase, un octosyllabe, est un cri claironnant,victorieux qui correspond à la « prise » au sens cynégétique.

« embrassé » par reviviscence étymologique, c'estprendre dans ses bras.

Ainsi le je lyrique a « attrapé » l'aube, une peu comme dans les jeux où les enfants chercheà s'attraper les uns les autres.

Néanmoins, ce jeu comporte une autre dimension.

En effet, si « embrassé » évoquedirectement pour Rimbaud le sens latin, il n'en demeure pas moins coloré de la signification qu'il a au XIXe siècle, etconvoque ainsi un arrière-plan érotique.

Cet érotisme se trouve renforcé par la poursuite que construit le poème.Ainsi la suite du poème semble expliquer comment l'enfant a embrassé l'aube.

L'enfant jusqu'à la fin est presquecontinuellement sujet, l'aube objet, une configuration assez classique de la tension amoureuse.

L 4 : « j'ai marché »: triomphal et inaugural : montre la force, la détermination du je lyrique qui se place en position de démiurge : c'estlui qui marchant, et donc poursuivant l'aube réveille les haleines vives et tièdes (métonymie pour les animaux).

«haleines vives et tièdes » : pourquoi métonymie ? Peut-être parce que permet une lecture érotisée.

Ensuite, lapoursuite procède par étapes : « une fleur qui me dit son nom » l 8 : une profanation // aube personnifiée, et «déesse »l10 : si on se souvient du tabou judéo-chrétien quant au nom du dieu, il s'agit bien ici d'une profanation.

Leje lyrique choisit néanmoins de garder ce nom pour lui puisque ce nom ne peut être « aube », utilisé bien avant, nimême déesse : donc garde se secret pour lui // érotisme : ce que l'on dévoile ou non.

Cette profanation est liée audésir sexuelle, mais peut-être aussi à l'ambiguïté du statut de l'aube comme on le verra plus tard.

Après le nom, il la« reconnait » l 10: problème : comment un simple mortel peut-il reconnaître un dieu.

Signifie donc que le je lyriquese dissocie du lecteur, un démiurge.

Mais reconnaître peut-aussi signifier qu'il n'en voyait que des morceaux avant,que tout ne lui était pas encore dévoilé.

Alors il lève « un à un les voiles »l 11.

Autrement dit, l'enfant poursuit sonentreprise de profanation.

Cette profanation tourne à la violence comme en témoignent les verbes « agiter »l12 oùl'enfant poète manifeste son autorité de démiurge, « dénoncer » et « fuir »l13, ainsi que « chasser »l15 : introduitun sème plus violent : éros non partagé, //modernité du sentiment amoureux = dissonance.

Ce non-partage dusentiment amoureux se trouve mythifié l 16 par le référence au bois de lauriers qui évoque le mythe d'Apollon etDaphné. La nature pour amante. Si le je lyrique se complait à s'identifier à Apollon // puissance démiurgique qu'il a manifesté plus haut.Daphné//nymphe= nature.

En effet, embrasser l'aube, même sans le sens érotique, suppose une force démiurgique :comme embrasser ce qui n'a pas de contours ? L'aube a en effet un « immense corps » l 19.

Cet immense corps faitréférence à la nature, aux mythes païens et à Gaïa.

On aurait ici une course onirique après une femme-nature, unefemme-éveil.

Ainsi, l'enfant poète est un véritable démiurge, un titan capable d'embrasser l'aube qui serait peut-êtreici métonymie de la nature.

Cette démiurgie se manifeste lorsqu'on opte pour une lecture moins érotique de « jelevai un à un les voiles » : ici rimbaud ne ferait peut-être que réactiver l'expression courante : l'aube se lève, ce quilui confère une puissance démiurgique.

Néanmoins, l'expression « senti un peu son immense corps » laisse aussientendre un échec dans la démiurgie de l'enfant poète, puisque finalement on ne peu pas dire qu'il l'embrassecomme l'annonçait pourtant triomphalement l'incipit.

De même que la nature était personnifiée, l'assimilation del'aube à une déesse, au "corps" entouré de "voiles" renforce cette personnification de la déesse-Nature.

Tout unchamp lexical de l'amour charnel "file" cette métaphore : "j'ai embrassé, je levai un à un les voiles, je l'ai entouréeavec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps".

Le narrateur, de son côté, semble doté depouvoirs magiques, comme ceux que nous croyons posséder dans les rêves.

C'est le narrateur qui par son action faitlever le jour.

C'est sa marche qui réveille la nature endormie dans la strophe 2, il a le don de comprendre le langagedes fleurs à la strophe 3 ("entreprise" de qui ? de la fleur ou plutôt du poète prêtant un langage à la fleur comme ildonna jadis une couleur aux voyelles, le mot rappelle la pratique raisonnée de l'hallucination qui fait partie duprogramme du "voyant"), c'est la cascade de son rire qui semble déclencher la dispersion du "wasserfall" (lacascade) à la strophe 4 (valeur successive des passé simples) ; c'est encore lui qui dévoile la déesse (c'est à dire àla fois qui la dénude et qui l'annonce) "en agitant ses bras", puis en faisant chanter le coq ("je l'ai dénoncée aucoq"), c'est lui qui la chasse à travers la ville ("chasser" au sens de poursuivre une proie), provoquant l'extension dujour au détriment de la nuit.

En somme, la puissance évoquée de l'aube et le corolaire de celle de l'enfant poète,dont la démiurgie semble pourtant contre-balancée par la fin du poème. Transition : ainsi, c'est dans le cadre merveilleux d'une nature humanisée (front, camp d'ombres) qu'évolue le poète-. »

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