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CURIOSITÉ ET ACTIVITÉ DE L'ESPRIT de J. de BOURBON BUSSET, 1962. Commentaire

Publié le 10/11/2016

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esprit

CURIOSITÉ ET ACTIVITÉ DE L'ESPRIT

Qu'il s'agisse de science ou de culture, nous montrons une même tendance à confondre la curiosité avec l'activité de l'esprit. Le lecteur de magazines, le téléspectateur montrent une grande curiosité, un grand désir de s'informer. Cela est bien, à la condition qu'ils ne s'imaginent pas qu'en assouvissant leur curiosité ils déploient une activité intellectuelle.

 

La curiosité est un assouvissement, une passivité. Elle n'a rien à voir avec le jeu de l'esprit. La curiosité n'est en effet reliée à rien, sinon à une sorte de boulimie qui s'attache bien plus à la quantité ingérée qu'à la qualité. Il y a dans la curiosité un désir de rendement pour ainsi dire. Il s'agit dans le minimum de temps et d'espace d'accumuler le maximum d'informations, de sensations, d'idées : « conception digestive ». La culture devient non plus un refuge comme autrefois mais un poids.

 

La culture devient aussi un appoint, comme un élément surajouté qui vient remplir un vide, tous ces temps morts appelés loisirs. On assiste ainsi à une résurrection de la conception « culture ornement », mais cette fois il s'agit d'orner l'esprit non de belles dames qui s'ennuient, mais d'ouvriers qu'il vaut mieux soustraire à une inquiétude qui peut prendre des formes dangereuses pour la paix sociale. La chose sera d'autant plus facile que les techniques modernes de diffusion suivent naturellement la ligne de plus grande pente et que déjà, elles s'emploient, sous le prétexte de la distraction, de l'information et de l'instruction, à anesthésier le sens critique des auditeurs et des spectateurs. Les jeux radiophoniques ne s'adressent qu'à la mémoire.

 

Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas un incontestable progrès de la culture... Jamais certes Mozart n'a eu autant d'auditeurs, ni Shakespeare de lecteurs. Il en résulte une très sensible augmentation du niveau d'absorption du matériel culturel.

 

Mais de même que la science ne se confond pas avec la somme des théories ou des découvertes, la culture ne se confond pas avec l'accumulation des tableaux, des partitions et des livres. Pour l'art comme pour la science, l'essentiel est l'exercice d'une activité qui pour celui qui s'y adonne importe plus encore que le produit...

Toute la question alors est de savoir comment associer le plus grand nombre à l'exercice de cette activité. D'une manière générale, il semble qu’il y aurait intérêt à développer, dans l'enseignement, la part faite aux disciplines qui permettent de saisir, dans la mesure où cela est saisissable, le travail de l'esprit. Je pense par exemple à l'histoire des sciences ou à l'histoire de l'art. On peut, je pense, inoculer aux élèves le virus de la recherche, dont les lois et les démarches sont sensiblement les mêmes, qu'il s'agisse de construction mathématique, d'expérimentation physique ou de fabrication artistique... L'intérêt d'une action systématique de ce genre ne serait pas seulement pédagogique. Il ne s'agirait pas tant d'espérer augmenter ainsi le nombre des savants ou des artistes : de telles vocations s'encoura-gent mais ne se confectionnent pas. Il s'agirait plutôt de mettre à la portée du plus grand nombre d'esprits possible la joie de la découverte et de la création, de les arracher ainsi aux périls de la passivité et par là même de substituer à l'idéologie du mieux être celle du plus être, plus enrichissante, plus exaltante et plus utile au corps social tout entier.
J. de BOURBON BUSSET, 1962.

Remarques préalables

 

L'écrivain commence paradoxalement par dissocier curiosité et activité intellectuelle, par hostilité au mythe de la culture de masse.

 

Il oppose deux conceptions de la culture : quantitative (celle qui règne sur les jeux télévisés) et qualitative. On peut noter le goût des métaphores médicales (boulimie, conception digestive).

 

Il condamne une conception officielle de la culture, il parle dédaigneusement de l'ancienne noblesse oisive et affiche des idées avancées : pour lui, l'État bourgeois, en distribuant machiavéliquement des miettes de culture aux ouvriers, bloque le processus révolutionnaire. Et la télévision, instrument du Pouvoir, maintient le public dans une léthargie qui doit éliminer toute velléité d'opposition : « panem et circenses ».

 

La réflexion sur la télévision débouche sur un programme pédagogique, d'ailleurs assez vague. L'idéal n'est pas seulement de faire entendre et apprécier des disques au plus grand nombre, il faudrait également que tout le monde puisse s'exercer à composer de la musique, à découvrir les joies et les difficultés de la création.

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