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Dans la notice qu'il consacre à Bel-Ami dans son édition de «La Pléiade », Louis Forestier écrit : «Ce roman de la réussite est aussi un roman noir. » Votre lecture du roman de Maupassant vous permet-elle de justifier cette affirmation ?

Publié le 22/02/2012

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Introduction Le sujet met l'accent sur un optimisme de façade, la prodigieuse réussite de Duroy, qui cacherait, en profondeur, un pessimisme radical. Mais il faut garder le sens de la nuance et savoir apprécier toute la valeur d'un « aussi ». Le second point de vue n'exclut pas le premier, dans cette proposition antithétique qui souligne que l'apothéose finale ouvrirait sur le néant. Le roman de la réussite place Bel-Ami dans la lignée du roman balzacien, tandis que le roman noir insiste sur la présence du mal, de la méchanceté des faiseurs d'affaires sans scrupules mais aussi sur la dimension pessimiste du récit, marqué par le malheur et l'angoisse de la mort. On repère ainsi la stratégie narrative de Maupassant qui fabrique une intrigue romanesque productrice d'intérêt et euphorique cachant une leçon philosophique à l'aide de points noirs vite oubliés dans l'économie de la narration mais sur lesquels on revient ensuite.
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« Le monde des crapules est le monde ordinaire : Maupassant tend à ses contemporains un miroir sans complaisance.Il insiste sur la légèreté de l'être, attiré par les dîners, les plaisirs et les spectacles légers comme ceux des Folies-Bergère où évolue un monde mêlé.

L'après-midi caritative se transforme en opération publicitaire et mondaine.

LeBois de Boulogne étale l'arrivisme des cocottes et le luxe d'une société marquée par une futilité éclatante.

Sansl'argent, l'individu n'existe pas. Maupassant mentionne beaucoup de chiffres Même l'art apparaît comme une marchandise, ce que l'on soulignera en étudiant l'épisode du salon carré de Walter et celui qui concerne l'achat du fameux tableau de Marcowitch.

Cettenoirceur de la société relativise celle du héros et permet ainsi sa viabilité, expliquant sa réussite. 3.

Satire de l'amour L'amour se trouve désacralisé.

Le sentiment n'a plus rien à voir dans des relations où les femmes apparaissentcomme des objets sexuels et des moyens de parvenir.

La satisfaction physique au service du succès offre l'image duseul bonheur possible.

On ne respecte guère la femme, trompée, battue, délaissée.

Mais il est vrai que les femmestrompent aussi, comme Madeleine, Mme Walter et Clotilde.

Personne au fond ne semble digne d'un respect ou d'unedévotion particulière. Transition : ce point de vue critique et désabusé sur la société, qui participe au caractère noir du roman, est mis enabyme dans le long monologue philosophique de Norbert de Varenne, qui explique à un Duroy surpris et en pleinessor l'inanité des actions humaines 3.

Une peinture de vanités Au regard de la mort, l'ensemble des activités humaines sont frappées de vanité, comme au regard du discours deNorbert, l'ensemble du roman apparaît comme un gigantesque songe creux.

On peut y trouver le principe de lapeinture de vanités, qui montre les richesses, avec un crâne posé à côté d'elles : la beauté, l'intelligence, l'art, lesuccès, tout est promis à la mort.

Le discours de Norbert apparaît comme le crâne dans la peinture de vanitésqu'expose le roman. I.

Mise en abyme du roman Le discours de Norbert reprend tous les motifs de la réussite du héros, pour les anéantir systématiquement : l'amour,l'argent, la gloire, la jeunesse, autant de leurres que le temps détruit inexorablement.

La religion n'est pas oubliée(et là évidemment se marque la différence, qu'il faut souligner, avec la peinture de vanités qui entend ramener le chrétienà Dieu), inefficace, impropre à soulager la solitude morale de l'être. Plus dure sera la chute Ainsi la réussite perd son sens, puisque l'échec la guette : « Vivre enfin, c'est mourir » (p.

136).

Le héros estsaisi juste avant sa prise de conscience métaphysique de la misère de l'homme.

Toutes ses grâces, éphémères,soulignent la fragilité de son succès.

Appelé par Norbert, le sage, le prophète, « mon enfant», le héros setrouve sur une côte qu'il va gravir pour mieux descendre.

Projetant son destin dans l'avenir, Norbert prévientDuroy qu'il se souviendra plus tard de ses propos.

Le roman noir est inscrit, programmé en creux dans le romande la réussite. 2. L'angoisse de la mort 3. Il faut insister sur deux épisodes majeurs dans le roman.

Le premier, la mort de Forestier, rongé par la maladie qui letransforme en fantôme.

À cette occasion, le héros se souvient des propos de Norbert et a l'intuition de la terreurcausée par l'approche de la mort.

L'épisode de l'agonie, fortement dramatisé et impressionnant, frappe le héros etpar ricochet le lecteur, comme pour ne pas faire oublier que derrière les mirages éphémères de la vie se cache lamort, seule issue certaine.

Le second épisode est celui du duel, où Duroy, dans la nuit qui précède, se trouve en proie à la peur de mourir, entraînant chez lui une « crise de désespoir épouvantable» (p.154).

Dans la glace, il nereconnaît pas son visage mais un masque de mort. Conclusion Le sujet invitait à confronter le rapport entre un optimisme de façade et un pessimisme foncier.

Le trait de génie deMaupassant consiste à masquer la détresse existentielle sous une apparence positive qui assure le triomphe completde l'illusion.

Autrement dit, le roman reproduit l'expérience humaine. Ainsi, le lecteur éprouve pour le héros une répulsion fascinée, parce que son égoïsme monstrueusement séduisantécarte le spectre de l'échec et de la destruction.

Les réalités évoquées dans ce roman de moeurs satiriquepermettent en filigrane de saisir une dimension philosophique qui n'apparaît pas au premier abord.

Dans cetteoptique, le plaisir charnel représente la seule forme possible de bonheur, dans l'oubli de soi momentané qu'il procure.. »

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