Dans son ultime poème des Contemplations (1856) « A celle qui est restée en France », Victor Hugo se présente comme « Le contemplateur, triste et meurtri, mais serein ». Pensez-vous que ces qualificatifs rendent compte de votre impression de lecture des livres I à IV du recueil ?
Publié le 07/12/2022
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Dans son ultime poème des Contemplations (1856) « A celle qui est restée en
France », Victor Hugo se présente comme « Le contemplateur, triste et meurtri, mais
serein ».
Pensez-vous que ces qualificatifs rendent compte de votre impression de
lecture des livres I à IV du recueil ?
« Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ? » interroge Paul Verlaine, poète français du XIXème
siècle.
Il pose deux questions celle de l’existence de l’Homme mais aussi : comment survivre après la mort d’un
être cher ?
Cette derniere question, Victor Hugo tente d’y répondre dans son recueil de poèmes : Les
Contemplations publié en 1856.
Auteur, géant de la littérature, dramaturge, poète, romantique et révolutionnaire,
Hugo est confronté pour la première fois le 4 septembre 1843 à un événement qui va l’empêcher d’écrire : la
noyade de sa fille, Léopoldine et de son mari.
Pourtant, malgré ses malheurs Hugo se présente dans son utlime poème « À celle qui est restée en
France » comme « Le contemplateur, triste et meurtri, mais serein ».
Ici, la tristesse touche l’ame, elle est un
sentiment ; meurtri c’est physique, c’est une sensation qui touche le corps.
Si il incarne les deux c’est que sa
douleur est à la foi abstraite et concrete.
Mais, comment une blessure si importante pourrait vivre en harmonie
avec la sérenité qu’Hugo s’attribue.
Etre serein c’est ne pas etre troublé, exempt de passion et d’angoisse.
Le
paradoxe que constitue cette phrase pousse à interroger sur la possibibilité d’etre « trsite et meurtri, mais
serein ».
De plus, Hugo se considère « contemplateur ».
Mais que et depuis où comtemple-t-il ? Contempler
c’est observer un objet digne d’admiration, suelemtn Les Contemplations sont le récit d’actions, l’évolution
dans le deuil, dans la société, dans la littérature.
Alors, comment Hugo en tant que écrivain peut-il etre un
veritable contemplateur ?
Pour répondre à ce faisceau problématisé, nous verrons dans une première partie que Hugo souffre de
son passé et le montre dans le fond et la forme de ses poemes.
Puis nous observerons comment Hugo dépasse sa
tristesse en faisant son deuil, en acceptant la mort et en redefinissant son bonheur.
Enfin, nous interogerrons
l’existence d’un poète-contemplateur.
Être « triste et meurtri » c’est un état qui touche l’âme, les sentiments et le corps, les sensations.
Si
Victor Hugo se définit par ces adjectifs dans Les Contemplations pourquoi et comment le fait-il ? La réponse
semble s’ancrer dans les blessures qu’il subit.
La première étant la mort de sa fille Léopoldine le 4 septembre
1843.
Celle-ci hante les écrits d’Hugo dans le livre IV censé être écrit après l’accident.
Il y raconte ouvertement
sa tristesse utilisant un « je » autobiographique comme dans « Oh ! Je fus comme un fou… » : « OH ! je fus
comme fou dans le premier moment, / Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement ».
Cependant, la plupart des
poèmes étant écrit à Guernesey être 1853 et 1856, c’est pour cela que même les poèmes de la section
« Autrefois » sont parfumés de la mélancolie de l’auteur qui se ressent malgré toute l’ardeur et la joie de vivre
qu’il veut mettre dans cette partie.
La mort de Léopoldine hante alors aussi les textes la précédant, donnant à
celle-ci une dimension tragique puisque dans son enfance Hugo s’y préparerait déjà.
Le troisième poème du
premier livre, « Mes deux filles » daté de 1842, un an avant l’incident, la prophétise : « Un bouquet d’œillets
blancs aux longues tiges frêles, / Dans une urne de marbre agité par le vent ».
Les « d’œillets blancs » sont un
symbole de deuil, le « marbre » et « l’urne » invoque une sépulture.
La tristesse d’Hugo est donc omniprésente,
se cachant même dans les moments de joie.
Ainsi, le style, l’écriture, le choix des mots d’Hugo est en lui-même un témoignage de douleur et d’un
poète blessé.
C’est dans la nature par exemple que cette écriture de la tristesse peut être observée.
Elle est un
thème récurrent dans l’œuvre rappelle l’esthétique romantique, qui y voit des signes.
Hugo observe dans la
nature une réflexion de sa propre tristesse.
Celle-ci passe souvent par les fleurs; il y a les « d’œillets blancs aux
longues tiges frêles » mentionnés précédemment ou encore « le bouquet de houx vert et de bruyère en fleur »
qu’il ne pourra pas poser sur la « tombe » dans sa fille dans le poème « Demain, dès l’aube… ».
Les fleurs
symboles respectifs de l’immortalité et de l’amour ne pourront pas atteindre Léopoldine, rappelant la double
blessure d’Hugo causée par la perte de sa fille mais aussi par l’exil, le fait de ne plus pouvoir aller la voir, voir
sa tombe.
Il va d’ailleurs recréer le tableau romantique de Caspar David Friedrich peint en 1818 : « Le
Voyageur contemplant une mer de nuages » dans « À celle qui est voilée ».
Lorsqu’il se décrit au milieu des
rochers de jersey dans « Mon esprit ressemble à cette île, / Et mon sort à cet océan », c’est le poète romantique
qu’il incarne, seul, dans la nature, contemplateur mais profondément blessé.
D’un autre côté, Victor Hugo se rappelle ce qu’était la littérature avant le romantisme.
Il n’aimait pas
les codes classiques : les règles de l’alexandrin ou encore le langage soutenu qui ne permet pas au peuple de
comprendre et de participer à la littérature.
La poésie était séparée du réel comme il le dit dans « Réponse à un
acte d’accusation », où il explique que « « la poésie était la monarchie ».
Il se rappelle aussi ses efforts pour
changer cela comme lors de la bataille de Hernani en 1830, un acte de révolution littéraire qui opposa les
classiques pour la hiérarchisation des genres théâtraux et les romantiques.
Enfin cela rend d’autant plus
douloureux la fin de la république en 1851 à la suite du coup d’État de Napoléon III, mentionné avant.
L’engagement d’Hugo est à la fois littéraire et politique mais surtout source d’une grande douleur.
Ainsi, les blessures d’Hugo sont multiples et liées, la mort de Léopoldine, l’exil, et l’engagement
politique et littéraire.
Elles semblent s’infiltrer dans les thèmes, les structures et les mots, une cage dont Hugo ne
peut pas s’échapper.
Mais alors, comment Hugo peut-t-il se décrire en tant que « triste et meurtri, mais serein »
s’il n’échappe pas à la douleur ? Nous allons monter dans une deuxième partie que Victor Hugo ne fuit pas mais
il accepte la tristesse pour retrouver un certain bonheur.
Dans le livre IV, premier de la seconde partie du recueil Hugo écrit un poème-tombeau intitulé « 4
septembre 1843 », date de la mort de sa fille, qui n’est qu’une ligne de point come pour marquer la séparation
entre « Autrefois » et « Aujourd’hui ».
À partir de ce moment, Hugo navigue les différentes étapes
émotionnelles du deuil : la folie, la douleur, l’envie de suicide, la révolte, la perte de foi, le déni.
Durant ces
moments il s’interroge sur le sens de la vie, sur le but de l’homme ; « À qui donc sommes-nous ?… » : « Qui
nous a ? qui nous mène ?/ Vautour fatalité, tiens-tu la race humaine ?/ Oh ! parlez, cieux vermeils, ».
Il a une
crise de foi, il ne comprend pas comment Dieu pourrait faire autant souffrir.
Son doute est notamment exprimé
dans « Saturne » : « « Donc, puisque j’ai parlé de ces heures de doute / Où l’un trouve le calme et l’autre le
remords, / Je ne cacherai pas au peuple qui m’écoute / Que je songe souvent à ce que font les morts ; ».
S’il
semble sombrer dans un désespoir plus profond, Hugo se relève et reste serein.
Il retrouve la foi car Dieu est
amour.
Or, nous aimons.
Donc, nous activons la présence de Dieu.
De même, si Dieu existe il a ressuscité
Léopoldine.
Or, Hugo veut croire qu’elle est toujours vivante.
Donc, il doit accepter que Dieu existe.
Les
Contemplations sont aussi pour Hugo la possibilité de revoir sa fille, la relire, la redécouvrir.
En effet, Voltaire
écrit dans Les pensées philosophiques : « En lisant pour la première fois un bon livre, on doit éprouver le même
plaisir que si l'on faisait un nouvel ami : relire un livre qu'on a lu, c'est un ancien ami qu'on revoit.
».
Cependant,
Hugo comprend bien qu’il doit la laisser pour pouvoir faire son deuil c’est pour cela qu’il termine son œuvre
contrairement à Mallarmé qui lorsque son fils est mort ne termine pas son recueil puisque ce n’est pas un texte
qui n’est pas fini, c’est un texte infini.
Hugo avance et évolue le long du trajet vers la sérénité que sont Les
Contemplations.
Similairement, Hugo aurait pu seulement écrire son enfance bucolique et lyrique pour préserver des
souvenirs heureux.
Dans le poème « Ô souvenirs! printemps! aurore! » Hugo écrit « Pénètre / Mon cœur, dans
ce passé charmant ».
Ce « passé charmant » c’est celui de son enfance, des vacances d’été du mariage de sa fille;
il est centré autour des trois lieux dont il signe les poèmes heureux : Les Feuillantines, Les Roches et Terrasse.
Tous....
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