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De L'Etranger à La Peste

Publié le 14/08/2014

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De l'absurde à la révolte

Au cours des années qui suivent la publication de L'Etranger et plus encore au cours de celles de l'immé­diat après-guerre, les lecteurs peuvent céder à l'illusion que le romancier a disparu derrière le dramaturge et le journaliste. Il n'en est rien : depuis 1941, Camus tra­vaille avec obstination au texte de La Peste.

Il semble que Camus ait eu très tôt et de manière étonnamment précise une vision de ce que serait le des­sin d'ensemble de son oeuvre. Interrogé au moment de la remise du prix Nobel sur la cohérence de celle-ci, il déclarait :

«Oui, j'avais un plan précis quand j'ai commencé mon oeuvre : je voulais d'abord exprimer la négation. Sous trois formes. Romanesque : ce fut L'Etranger. Dramatique: Caligula, Le Malentendu. Idéologique: Le Mythe de Sisyphe. Je n'aurais pu en parler si je ne l'avais vécu; je n'ai aucune imagination. Mais c'était pour moi, si vous voulez bien, le doute méthodique de Descartes. Je savais que l'on ne peut vivre dans la négation et je l'annonçais dans la préface du Mythe de Sisyphe; je prévoyais le positif sous les trois formes encore. Romanesque: La Peste. Dramatique : L'Etat de siège et Les Justes. Idéologique : L'homme révolté. «

Il faut faire la part, bien entendu, de ce qui peut entrer de reconstruction a posteriori dans un tel tableau global. Il reste cependant qu'a été claire chez Camus la volonté d'aller plus loin, de dépasser l'horizon dans lequel il s'était installé au temps de L'Etranger et du Mythe de Sisyphe.

L'absurde avait toujours été considéré comme un point de départ et uniquement comme cela; cette expé­rience n'aurait de sens qu'à mener au-delà d'elle-même, dans la fidélité à ce qu'elle avait été. Dans une large mesure, telle était déjà la signification de L'Etranger : le récit menait Meursault de la passivité à la prise de conscience, de l'absurde à la révolte.

« L'absurde avait toujours été considéré comme un point de départ et uniquement comme cela; cette expé­ rience n'aurait de sens qu'à mener au-delà d'elle­ même, dans la fidélité à ce qu'elle avait été.

Dans une large mesure, telle était déjà la signification de L 'Etranger: le récit menait Meursault de la passivité à la prise de conscience, de l'absurde à la révolte.

Dans L'Eté, publié en 1954, Camus s'expliquera sur ce point.

Il souligne combien aurait été dépourvue d'in­ térêt et de cohérence interne la position qui aurait consisté à s'enfermer à tout jamais dans la conscience absurde et le désespoir qui, aux yeux de ses détrac­ teurs, semble l'accompagner: «Dès l'instant où l'on dit que tout est non-sens, on exprime quelque chose qui a du sens.

Refuser toute signification au monde revient à supprimer tout juge­ ment de valeur.

Mais vivre, et par exemple se nourrir, est en soi un jugement de valeur.

On choisit de durer dès l'instant qu'on ne se laisse pas mourir, et l'on reconnaît alors une valeur, au moins relative, à la vie.

Que signifie enfin une littérature désespérée? Le déses­ poir est silencieux.

Le silence même, au demeurant, garde un sens si les yeux parlent.

Le vrai désespoir est agonie, tombeau ou abîme.

S'il parle, s'il raisonne, s'il écrit surtout, aussitôt le frère nous tend la main, l'arbre est justifié, l'amour naît.

Une littérature désespérée est une contradiction dans les termes.

» Loin de chercher à se perdre dans le désespoir, la littérature n'aura donc de sens qu'à tracer un chemin hors de lui.

Camus peut donc déclarer: «Au centre de notre œuvre, fût-elle noire, rayonne un soleil inépuisable, le même qui crie aujourd'hui à travers la plaine et les collines.

» Au cycle de l'absurde doit donc succéder celui de la révolte.

Le négatif n'aura de valeur que si naît de lui le positif qui lui donnera sens.. »

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