Devoir Blanc
Publié le 06/01/2016
Extrait du document
«
Texte A : Emile Zola , Thérèse Raquin, 1867
Thérèse Raquin s’est laissé marier à son cousin Camille.
Mais elle fait la connaissance de Laurent, un
ami de son mari, qui devient son amant.
Laurent cessa de ramer et laissa descendre le canot au fil du courant.
En face, se dressait le grand massif rougeâtre des îles.
Les deux rives, d’un brun sombre taché
de gris, étaient comme deux larges bandes qui allaient se rejoindre à l’horizon.
L’eau et le ciel
semblaient coupés dans la même étoffe blanchâtre.
Rien n’est plus douloureusement calme qu’un
crépuscule d’automne.
Les rayons pâlissent dans l’air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles.
La
campagne, brûlée par les rayons ardents de l’été, sent la mort venir avec les premiers vents froids.
Et
il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance.
La nuit descend de haut, apportant des
linceuls dans son ombre.
Les promeneurs se taisaient.
Assis au fond de la barque qui coulait avec l’eau, ils regardaient
les dernières lueurs quitter les hautes branches.
Ils approchaient des îles.
Les grandes masses
rougeâtres devenaient sombres ; tout le paysage se simplifiait dans le crépuscule ; la Seine, le ciel, les
îles, les coteaux n’étaient plus que des taches brunes et grises qui s’effaçaient au milieu d’un
brouillard laiteux.
Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre, la tête au-dessus de l’eau, trempa ses
mains dans la rivière.
« Fichtre ! que c’est froid ! s’écria-t-il.
Il ne ferait pas bon de piquer une tête dans ce
bouillon-là.
»
Laurent ne répondit pas.
Depuis un instant il regardait les deux rives avec inquiétude ; il
avançait ses grosses mains sur ses genoux, en serrant les lèvres.
Thérèse, roide, immobile, la tête un
peu renversée, attendait.
La barque allait s’engager dans un petit bras, sombre et étroit, s’enfonçant entre deux îles.
On
entendait, derrière l’une des îles, les chants adoucis d’une équipe de canotiers qui devaient remonter
la Seine.
Au loin, en amont, la rivière était libre.
Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps.
Le commis éclata de rire.
« Ah ! non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plaisanteries-là… Voyons, finis : tu vas me faire
tomber.
Laurent serra plus fort, donna une secousse.
Camille se tourna et vit la figure effrayante de
son ami, toute convulsionnée.
Il ne comprit pas ; une épouvante vague le saisit.
Il voulut crier, et
sentit une main rude qui le serrait à la gorge.
Avec l’instinct d’une bête qui se défend, il se dressa sur
les genoux, se cramponnant au bord de la barque.
Il lutta ainsi pendant quelques secondes.
« Thérèse ! Thérèse ! » appela-t-il d’une voix étouffée et sifflante.
La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à un banc du canot qui craquait et dansait sur la
rivière.
Elle ne pouvait fermer les yeux ; une effrayante contraction les tenait grands ouverts, fixés sur
le spectacle horrible de la lutte.
Elle était rigide, muette.
« Thérèse ! Thérèse ! » appela de nouveau le malheureux qui râlait.
À ce dernier appel, Thérèse éclata en sanglots.
Ses nerfs se détendaient.
La crise qu’elle
redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque.
Elle y resta pliée, pâmée, morte..
»
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