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DIDEROT: Philosophie, morale, pédagogie. — Littérature et théâtre. — Critique d'art.

Publié le 05/03/2011

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Historique. — Voltaire appelait Diderot Pantophile, et il n'est guère, en effet, de genres que son esprit n'ait effleurés. Philosophie, pédagogie, critique littéraire, théâtre, romans, contes, histoire, mathématiques, mécanique, technique des métiers, tout l'intéresse, et il compose surtout les ouvrages les plus curieux. Ses contemporains cependant sont loin de les avoir tous connus ; car c'est à peine si la moitié d'entre eux ont vu le jour de son vivant.

Quelques-uns même eurent une fortune singulière, par exemple le Neveu de Rameau qui fut écrit en 1762 et que Gœthe traduisit en allemand en 1805, seize ans avant la première édition française.   

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« et de nécessités naturelles.

« Il n'y a pas de liberté, s'écrie notre philosophe dans un passage célèbre ; il n'y a pasd'action qui mérite la louange ou le blâme ; il n'y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier.

Qu'est-ce qui distingue les hommes? la bienfaisance et la malfaisance.

Le malfaisant est un homme qu'il faut détruire et nonpunir ; la bienfaisance est une bonne fortune et non une vertu.

» En vérité la généreuse morale î et comme elle estpropre à pousser l'humanité vers le bien !... Nous ne goûtons point davantage les idées de Diderot sur l'éducation.

Intéressantes parfois, elles sont trop souventerronées.

S'il se révèle à nous dans certaines pages comme un judicieux pédagogue, il est injuste pour ce que l'onappelle « les Humanités ».

Cet homme qui a « sucé de bonne heure le lait d'Homère, de Virgile, d'Horace, deTérence, d'Anacréon, de Platon, d'Euripide » veut réserver à une élite l'étude des auteurs grecs et latins.

Quant à lamasse, il lui suffira d'une somme restreinte de « connaissances essentielles » ou primitives, aussi rapprochées quepossible de l'Utilité sociale et consistant plutôt dans l'étude des choses que dans celle des langues.

Heureusementpour la littérature française, il n'y avait point encore, au début du XVIIIe siècle, des utopistes dans le genre deDenis Diderot.

Le fils du coutelier de Langres n'eût point fait ses « humanités » et nous perdions un grand écrivain.

Ilest regrettable que ceux qui doivent beaucoup, comme lui, aux études grecques et latines tâchent de les affaiblir auprofit de la fameuse éducation utilitaire — digne complément, d'ailleurs, d'une morale sans obligation ni sanction. Littérature et théâtre.

— Diderot est, au XVIIIe siècle, l'auteur qui contribua le plus à élargir la notion de naturedans les belles-lettres et dans les arts.

Il ne veut pas qu'on la copie, mais qu'on l'embellisse en se conformant à unmodèle idéal, tiré d'elle-même.

Elle n'en reste pas moins la source de toute beauté, de toute vérité, de toutenthousiasme profond.

Et, ici, Diderot est le précurseur des romantiques, comme dans les pages où il soutient que lagrande poésie, s'accommodant mal des circonstances moyennes, réclame « quelque chose d'énorme, de barbare etde sauvage ». Ne croyons pas cependant que le moment de l'émotion vive soit pour le poète celui de la composition.

C'est une idéeque Diderot développe à satiété dans le Paradoxe sur le comédien.

On connaît cette fameuse théorie.

L'acteur nedoit pas jouer « d'âme », mais « de réflexion » ; il est un pantin dont le poète tient la ficelle ; et son jeu n'est qu'«une grimace pathétique » ou, si l'on aime mieux, une « singerie sublime ».

Dr, de même que le comédien traduit avecvérité des passions qui ne sont pas les siennes, le poète se borne à exprimer des sentiments qu'il' n'éprouve pointactuellement mais qu'il a jadis éprouvés.

Il convient, en effet, de distinguer la sensibilité « naturelle », qui est le libredéveloppement de nos émotions, et la sensibilité « esthétique », c'est-à-dire l'art de faire sentir à la foule ce quel'on a éprouvé.

Mais la sensibilité « naturelle », dans le moment où elle se déploie, serait tout à fait contraire àl'éclosion du Sentiment « esthétique » chez les autres et à la production de l'œuvre d'art.

Pour celle-ci il importeque l'émotion soit calmée. D'autre part, de même qu'en philosophie Diderot considère plutôt l'ensemble que l'individu, il se place surtout enlittérature au point de vue de la société.

C'est à cause de son importance sociale que le théâtre est entre tous lesgenres celui qui l'intéresse le plus.

Dans son traité De la Poésie dramatique et dans les fameux dialogues intitulésDorval et moi, il se révèle un théoricien véritablement outrancier.

Partant de ce principe qu'on ne doit mettre que laréalité sur les planches il attaque vivement les caractères, si chers aux classiques du XVIIe siècle et à leursdisciples, mais qui lui semblent à lui des exceptions ou des monstres.

Ce qu'il veut qu'on représente ce sont « lesrelations » : « le père de famille, l'époux, la sœur, les frères » ; ce sont plus encore les « conditions », puisqu'ildésirerait qu'on jouât l'homme de lettres, le philosophe, le commerçant, le juge, l'avocat, le politique, le citoyen, lemagistrat, le financier, le grand seigneur, l'intendant ».

Sans doute on a déjà mis sur la scène des financiers et despères de famille ; mais ce qu'il faut peindre c'est le Père de famille, c'est le Financier.

L'intérêt dramatique ne serapas diminué, car il existe entre les conditions les mêmes contrastes qu'entre les caractères ; et nous atteindrons dela sorte le but du théâtre, qui est d'instruire et de moraliser.

En effet, l'auteur de Jacques le Fataliste voudrait quele théâtre devienne une école de vertu. Ce ne sont d'ailleurs pas seulement les sujets que notre philosophe entreprend de changer au théâtre : il veut aussien modifier la forme.

Il ne mêle point comme Nivelle de La Chaussée, la tragédie à la comédie : mais il invente le «genre sérieux », le drame où il exige que « le sujet soit important et l'intrigue simple, domestique, voisine de la vieréelle « l'ouvrage fera rire et pleurer, et il n'y aura plus ni unité d'intérêt ni unité de coloris ». Pour mieux faire comprendre ses théories, il composa le Père de Famille et le Fils Naturel ou « les Epreuves de lavertu ».

Mais entre ses mains le genre « sérieux » devint rapidement le genre « ennuyeux ».

Voulez-vous leconstater? Alors lisez le Père de Famille que Diderot nous propose pour modèle.

Dans une intrigue banale sedémènent des personnages ridicules ; ils se livrent à une pantomime désordonnée ; ils prêchent avec emphase, maissans aucune charité pour les spectateurs : ils .pleurent, et on peut dire que la scène est inondée d'un déluge delarmes.

N'oubliez pas que vous avez là tous les héros d'un mélodrame : le père excellent, mais faible ; la fille trèssensible, qui foule aux pieds les préjugés; le fils qui se lamente sans agir ; l'ami dévoué et méconnu ; la pauvreenfant, qui se trouve être au dénouement une très riche héritière ; l'aristocrate brutal et méchant.

Il s'y ajoutemême le régal d'une lettre de cachet en bonne forme ; des policiers viennent saisir une innocente ; et, sur le modemineur, on nous célèbre la mansarde de Jenny l'ouvrière.

Il valait bien la peine de s'appeler Diderot et d'avoir mené àla bataille les Encyclopédistes pour préluder si pitoyablement aux pires mélodrames du XIXe siècle. Pour conclure, nous reconnaissons volontiers que dans ses théories littéraires Diderot n'a manqué ni d'originalité, nide force.

Mais nous lui reprochons le tour paradoxal de son esprit et malheureusement, en beaucoup d'endroits, sonamour de la déclamation.. »

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