Discuter cette opinion de Goethe : « La force consiste surtout à se mettre toujours au-dessus des événements humains, à les considérer de haut sans jamais s'y mêler. »
Publié le 18/02/2012
                             
                        
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« La force, dit Goethe, consiste surtout à se mettre toujours au-dessus des événements humains, à les considérer de haut, sans jamais s'y mêlêr. « Epic-tète et Marc-Aurèle n'auraient pas mieux expliqué la célèbre maximç stoïcienne : Abstiens-toi de ce qui pourrait troubler le calme de ta vie (1).
Si Goethe s'était borné à rappeler cette vérité que celui-là est plus utile à la société qui, loin de se laisser dominer, accabler par les événements humains, conserve toute la possession de soi-même, et toute sa force de résolution, il faudrait l'approuver; ...
 
                                «
                                                                                                                            Est-il etonnant des tors que ses maximes, et en particulier, celle qui nous
est offerte ici, ne puissent etre proposees comme regles morales? S'elever au-dessus de tons les evertements humains, les regarder de haut,
sans jamais s'y meter », mais qui donc en est capable? L'homme n'est pas a
ce point le maitre de sa vie gull puisse pratiquer ce detachement.
                                                            
                                                                                
                                                                    Lorsque
le maiheur s'attache, comme une robe de Nessus, a certaines destinees, est-il donc si facile de s'elever au stthcisme preche par Goethe? Son Werther
se laisse accabler par la douleur :le suicide oft it se refugie n'est pas un
moyen d'echapper aux tortures morales; et Goethe n'oserait en faire le devoir de tous ceux qui souffrent.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le Ore de famille pent-it demeurer in-
different a la maladie de son spouse, a la mart de ses enfants? Si mon ami,
cette moitie de mon ame, est aux prises avec 1'infortune, son malheur ne
m'atteint -iI pas du merne coup? Enfin, merite-t-il le nom de sage celui que
les joies de In patrie on ses sanglots ne sauraient emouvoir? L'homme est fait
pour la societe, vers layette /Incline une lot mysterieuse d'attraction sym-
pathique : ceux avec qui je vis sont mes freres; leurs joies deviennent mes
joies, et, de leurs peines, je fais mes propres peines; et je chercherais a ne me meter a Hen de ee qui les interesse!
Que
1,!4
deviendrait le monde si, conformement a la regle posse par Kant,
compatriote et contemporain de Goethe, cette indifference devenait loi uni-
verselle? Tel, que ses talents et son independance destinent aux fonctions
publiques, s'y soustrairait pour goitter les loisirs d'une oisive opulence; celui-
ci, pour echapper aux charges de la famine, choisirait, - comme Pa fait
trap longtemps Goethe lui-meme, - la tranquiltite d'un celibat egoiste et immoral, et celui-la demeurerait sourd a Ia voix de In patrie appelant ses
enfants a la defendre.
                                                            
                                                                                
                                                                    On le voit, la maxime de Goethe n'est pas plus elevee
qu'elle n'est universelte.
                                                            
                                                                                
                                                                    Queue est In valeur crime vie humaine ainsi orientee
vers le ealme a tout prix? Oft donc est la force, la virilite deployee?
L'homme a ete cree non pour cette paix indolente mais pour in lutte et
pour le devouement, qui fait l'elevation, l'utilite et le merite de sa vie.
                                                            
                                                                                
                                                                    Nous
ne sommes membres de la famille humaine que dans In mesure on, sortant de nous -menses, nous nous donnons aux autres.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce n'est pas de beaux traites
sur la philanthrapie que la societe a besoin : elle vit du devouement de ses
membres et meurt par leur egoisme.
                                                            
                                                                                
                                                                    - Mais, dira-t-on, ee detachement des chooses humaines a ete In vertu des
plus saints personnages.
                                                            
                                                                                
                                                                    - Mien n'est plus faux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Un saint Bernard, un saint
Francois d'Assise, un saint Jean de Dieu, un saint Vincent de Paul ont ete
detaches mais non egolstes.
                                                            
                                                                                
                                                                    - Goethe, a-t-on ecrit, est un contemplatif.
                                                            
                                                                                
                                                                    - Erreur; autre est la contem-
plation qui prepare /'action, autre est la contemplation qui n'a pour but
qu'elle-meme : celle de Goethe nous semble trop de cette derniere espece.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il
n'est pas davantage exact que le stoicisme soit necessaire au savant dont les
fecondes meditations deviendraient impossibles an milieu du traeas des
affaires.
                                                            
                                                                        
                                                                    Le genie a besoin de reflexion, it a le droit de sauvegarder Ia liberte	
Est-il	 étonnant dès	 lors	 que ses	 maximes,	 et en	 particulier,	 celle	 qui	 nous 
est	
 offerte	 ici, ne	 puissent	 être proposées	 comme	 règles	 morales? 	
« S'élever	 au-dessus	 de	 tous;	 les événements	 humains,	 les	 regarder	 de	 haut, 
sans jamais	
 s'y mêler »,	 mais	 qui	 donc	 en est	 capable? L'homme n'est	 pas à 	
ce point	 le maître de sa vie	 qu'il	 puisse pratiquer	 ce détachement.	 Lorsque 
le malheur s'attache,	
 comme	 une	 robe	 de	 Nessus,	 à	 certaines	 destinées, 	
est-il	 donc	 si	 facile	 de s'élever au stoïcisme prêché par Gœthe? Son	 Werther 
se laisse accabler	
 par la	 douleur	 : le	 suicide	 où il se réfugie	 n'est	 pas un 	
moyen	 d'échapper aux	 tortures morales;	 et Gœthe	 n'oserait	 en	 faire	 le 	
devoir	 de	 tous ceux	 qui	 souffrent.	 Le père de	 famille peut-il demeurer	 in
différent à la	
 maladie	 de son épouse, à la	 mort	 de ses	 enfants?	 Si mon ami, 	
cette	 moitié de mon âme, est aux	 prises avec l'infortune,	 son	 malheur	 ne 
m'atteint-ïl pas du même	
 coup?	 Enfin,	 mérite-t-il le nom de	 sage	 celui	 que 	
les joies	 de la	 patrie	 ou ses	 sanglots	 ne	 sauraient	 émouvoir?	 L'homme	 est	 fait 
pour	
 la société,	 vers laquelle	 Fine-line	 une loi mystérieuse	 d'attraction sym
pathique	
 : ceux avec	 qui je vis	 sont	 mes frères;	 leurs joies deviennent	 mes 	
joies,	 et, de	 leurs peines,	 je	 fais	 mes	 propres peines;	 et je	 chercherais	 à ne 	
me	 mêler à	 rien	 de ce qui les intéresse! 	
Que deviendrait	 le	 monde	 si, conformément à la règle posée par	 Kant, 	
compatriote	 et	 contemporain	 de Gœthe,	 cette	 indifférence	 devenait	 loi	 uni	
verselle?	 Tel, que ses	 talents	 et son indépendance	 destinent	 aux	 fonctions 
publiques,	
 s'y	 soustrairait pour	 goûter les	 loisirs	 d'une oisive opulence;	 celui-	
ci, pour	 échapper aux	 charges	 de la	 famille,	 choisirait,	 —	 comme	 Fa	 fait 
trop longtemps	
 Gœthe lui-même, — la tranquillité d'un célibat égoïste et 	
immoral,	 et celui-là	 demeurerait sourd	 à la	 voix	 de la	 patrie appelant	 ses 	
enfants	 à la défendre.
                                                            
                                                                                
                                                                    On le	 voit,	 la	 maxime	 de Gœthe	 n'est	 pas	 plus	 élevée 	
qu'elle n'est universelle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Quelle	 est la	 valeur d'une	 vie	 humaine	 ainsi	 orientée 	
vers	 le	 calme	 à tout prix?	 On	 donc	 est la	 force,	 la virilité déployée? 	
L'homme	 a été créé non	 pour cette paix indolente mais pour	 la	 lutte	 et 	
pour	 le dévouement, qui	 fait	 l'élévation, l'utilité et le mérite de sa vie.	 Nous 
ne	
 sommes	 membres	 de la	 famille humaine	 que	 dans	 la	 mesure	 où,	 sortant 
de	
 nous-mêmes,	 nous nous donnons	 aux	 autres.	 Ce	 n'est	 pas de	 beaux	 traités 	
sur	 la	 philanthropie	 que la société a	 besoin	 : elle	 vit du dévouement de ses 	
membres	 et	 meurt	 par	 leur	 égoïsme.
                                                            
                                                                                
                                                                    
—	
 Mais, dira-t-on,	 ce détachement des	 choses humaines	 a été la	 vertu	 des 	
plus saints personnages.	 —	 Rien	 n'est plus faux.	 Un	 saint	 Bernard,	 un	 saint 	
François	 d'Assise,	 un	 saint	 Jean	 de	 Dieu,	 un	 saint Yineent	 de	 Paul	 ont été 
détachés	
 mais	 non égoïstes.
                                                            
                                                                                
                                                                    
— Gœthe,
 a-t-on	 écrit, est un	 contemplatif.	 —	 Erreur;	 autre	 est la	 contem
plation	
 qui prépare	 l'action, autre	 est la	 contemplation	 qui n'a	 pour	 but 
qu'elle-même :	
 celle	 de Gœthe	 nous semble trop	 de	 cette	 dernière espèce» Il 	
n'est	 pas	 davantage exact	 que le stoïcisme	 soit	 nécessaire au	 savant dont	 les 
féeondes méditations	
 deviendraient impossibles	 au	 milieu	 du	 tracas	 des 	
affaires.	 Le génie a	 besoin	 de réflexion, il a le	 droit	 de	 sauvegarder	 la liberté.
                                                                                                                    »
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