DISSERTATION : FIGARO de Beaumarchais
Publié le 31/10/2025
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DISSERTATION : FIGARO
« Castigat ridendo mores », telle est la maxime latine de Horace que l’on peut appliquer aux
comédies.
Cette devise, reprise par Molière, pour son « illustre théâtre », représente parfaitement le
théâtre de Beaumarchais, en particulier sa comédie, Le Mariage de Figaro jouée en 1784 qui, par la « plus
badine des intrigues », cherche à remettre en cause l’ordre social et à livrer une véritable satire de la
société.
En effet, à travers cette comédie, Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) veut faire
« la critique d’une foule d’abus qui désolent la société », dénonçant les privilèges de la noblesse, et offrant
une réflexion à ses lecteurs sur le mariage, la condition des femmes ou encore la justice.
Pour cela, il s’appuie sur le personnage d’un valet, Figaro, héritier des valets de comédie, que l’on peut
retrouver sous les traits de Pseudolus dans les comédies de Plaute par exemple, de Brighella dans la
commedia dell’arte ou encore de Scapin ou Sgnanarelle dans les comédies de Molière.
Figaro, valet
éponyme, s’inscrit dans la lignée du type du valet fourbe, rusé, intéressé, intriguant.
Cependant, il est le
personnage principal de la pièce qui évoque la « folle journée » de son mariage avec Suzanne, une femme
de chambre.
Ainsi, on peut se demander si Figaro est un simple valet de comédie.
A l’origine, le valet est un
type dont le rôle est principalement comique, et qui cherche à intriguer contre son maître.
Ses ruses
ménagent des surprises et font rire le spectateur.
Cependant, Figaro semble se détacher de ses modèles
pour montrer davantage de profondeur et de complexité dans son traitement.
Peut-on alors considérer Figaro comme un simple type, celui du valet de comédie ?
Certes, Figaro se place bien dans l’héritage du valet de comédie.
Cependant, son auteur lui donne un autre
rôle que le simple valet comique dans une relation maître-valet traditionnelle.
Finalement, Figaro ne serait-il
pas un double de Beaumarchais lui-même ?
Ainsi, Figaro est-il l’héritier des valets de la comédie traditionnelle.
Effectivement, il répond bien aux caractéristiques du type de valet comme on le voit dans les comédies
antiques, dans la commedia dell’arte ou les comédies de Molière.
Parmi les caractéristiques communes de
ce type de valet, on retrouve la balourdise, le goût pour l’argent, la gourmandise, la vivacité…
De Pseudolus, par exemple, esclave de Plaute, il reprend le goût de l’intrigue, la ruse et l’ingéniosité du valet
De même, il hérite de la vivacité de la commedia dell’arte par ses déplacements vifs, ses gestes, bien
illustrés par le jeu du comédien dans la mise en scène de Christophe Rauck.
Ceci est particulièrement bien
montré dans sa tirade de God-dam à l’acte III, scène 5 où il mime la dégustation d’un poulet gras et d’un
excellent bourgogne.
Cela fait d’ailleurs référence à sa gourmandise, autre trait du valet de comédie.
Figaro
est ainsi un personnage gai et optimiste, qui vit au rythme de la « folle journée ».
Il est d’ailleurs décrit
comme « gai, aimable, jamais fâché, toujours de belle humeur, donnant le présent à la joie » d’après
Marceline (à l’acte I, scène 4).
De plus, il semble également proche du zanni Arlequin, valet peu subtil,
lorsqu’il fait preuve de naïveté à l’égard des intentions du comte, contrairement à Suzanne à l’acte I, scène
1.
Il croit également que Suzanne le trompe avec le comte à l’acte V, et exerce alors « le sot métier de
mari ».
Enfin, il manifeste le goût de l’argent, comme Scapin, comme le dit Suzanne, à l’acte I, 1 « de
l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère », voulant récupérer de l’argent avec son mariage.
Il est
d’ailleurs qualifié de « louche » dans ses affaires par le comte (à l’acte III, scène 5).
Ainsi, Figaro semble-t-il
un parfait archétype du valet.
De plus, au centre de l’intrigue, il est moteur de l’action et fait rire les spectateurs en mettant en
scène des situations qui ridiculisent et manipulent son maître, le comte Almaviva.
Comme les valets de
Molière, tel que Scapin, il met son intelligence et sa ruse au service de son désir de piéger le comte qui
devient son adversaire vis à vis de Suzanne.
Comme Scapin qui se venge de Géronte, Figaro met en place un
piège avec la comtesse pour se venger du comte.
Il remet à Bazile un billet anonyme destiné à la comtesse,
annonçant qu’un galant souhaiterait la rencontrer au bal afin d’exacerber la jalousie du comte.
De même,
dans le même acte, acte II, il parvient à faire croire à son maître qu’il a sauté par la fenêtre pour sauver
Chérubin.
Ainsi, lorsque Beaumarchais met en place son personnage dans la scène d’exposition, en train de
mesurer la pièce, on peut imaginer qu’il s’agit du métaphore pour représenter les plans que Figaro compte
mettre en place contre le comte.
Figaro porte ainsi le comique de situation de la pièce par ses ruses et ses
stratagèmes.
Enfin, Figaro se situe dans l’héritage de ces valets qui brillent par leurs accrobaties verbales,
portant ainsi le comique de mot de la pièce.
A l’instar de Scapin qui est capable de prendre l’accent d’un
gascon, de Brighella, qui saurait manipuler son maître par la parole, Figaro sait manier l’art de la parole et
montre de nombreux passages où il met en avant un comique de parole.
Ainsi, joue-t-il souvent sur les mots, comme on le voit dans la tirade de God-dam à l’acte III scène 5,
ridiculisant les mœurs anglaises par une représentation comique de leurs modes de vie, de leur nourriture,
de leurs femmes ; il excelle dans l’art de la répartie et les traits d’esprits, en particulier dans ses échanges
avec le comte comme à l’acte III, scène 5, lorsque le comte lui fait le reproche « les domestiques sont plus
longs à s’habiller que les maîtres » et qu’il répond « C’est qu’ils n’ont pas de valets pour y aider », mais
également lorsque le comte exprime le regret « autrefois, tu me disais tout » et qu’il répond avec un
parallélisme de construction et une antithèse « aujourd’hui, je ne vous cache rien ».
Son sens de la répartie
se manifeste d’ailleurs parfaitement dans les nombreuses stichomythies de la pièce, que ce soit avec le
comte, qu’avec Suzanne, en laquelle il a trouvé son égale en matière d’éloquence.
Il se lance même dans un
échange d’injures à l’acte IV scène 10 avec Bazile, le qualifiant successivement de « musicien de
guinguette » ou de « cuistre d’oratorio », dans un pastiche de proverbes sur le mode du calembour, comme
à l’acte II, 13, et dans une joute oratoire avec Bartholo quant à l’emploi de la « conjonction copulative ET » à
l’acte III, scène 15.
[TRANSITION] Figaro se place donc dans l’héritage des valets de comédie, dont il reprend les
principaux traits.
Pour autant, ce serait réducteur de le considérer comme un simple type.
Beaumarchais
cherche à donner à son valet, davantage de profondeur, en proposant la peinture d’un véritable personnage
théâtral à travers sa pièce.
Beaumarchais choisit alors de doter son personnage d’un passé riche et mouvementé pour en
faire un représentant du peuple, au-delà de sa simple condition de valet.
Ses origines sont au début de la pièce, obscures ; on apprend ensuite qu’il est le fils illégitime de
Bartholo et Marcelline.
Il fut abandonné, élevé par des bandits ; pour cet homme de l’ombre, Beaumarchais
semble reprendre le modèle romanesque espagnol du picaro, personnage d’aventurier espagnol issu du
peuple, sans argent, sympathique mais peu scrupuleux.
D’ailleurs, il se décrit comme « perdu dans la foule
obscure », à l’image de tous les anonymes constituant le peuple.
Il n’a aucun privilège de la naissance et fait
tous les efforts possibles pour s’élever dans la société, comme il l’explique dans son monologue à l’acte V,
scène 3 : il énumère ainsi ses études de médecine, sa condition de vétérinaire, ses différents écrits en tant
qu’économiste, dramaturge, journaliste… il accumule ainsi les conditions et les métiers comme il le rappelle
également dans l’acte I, 4 du Barbier de Séville , se présentant non comme un valet, mais un barbier,
chirurgien, apothicaire.
Il se distingue alors des valets de comédie car il possède un passé, un vécu, de
l’expérience et fait état de nombreuses professions.
De plus, il incarne le peuple, étant détaché de tout
milieu, sans attache familiale ni sociale.
De plus, sa relation avec le comte est plus complexe et ambiguë qu’une simple relation maîtrevalet.
Figaro semble bien soumis au comte et être à son service, comme il l’explique à Suzanne à l’acte I,
scène 1, trouvant avantageux l’idée d’une chambre entre le comte et la comtesse : « Monseigneur veut-il
quelque chose ? il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu ».
Cependant, Figaro n’est pas
vraiment un serviteur pour le comte.
En effet, dès le Barbier de Séville ,Figaro se présente davantage
comme un confident pour le....
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