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Est-ce l'auteur ou le lecteur qui est responsable du sens d'une oeuvre ?

Publié le 22/02/2012

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Sainte-Beuve écrivait à juste titre : « Tel arbre, tel fruit ». C'est qu'effectivement la loi sur le droit d'auteur a fait naître une opinion dans l'imaginaire populaire selon laquelle l'écrivain serait le seul dépositaire (le mot auctor signifie d'ailleurs « le garant ») du sens de son oeuvre. De ce constat s'ensuivit une critique littéraire se fondant sur la vie de l'auteur pour expliquer cette dernière : l'herméneutique partait Cette attention au rapport entre l'oeuvre et l'auteur mettait en avant l'unicité du sens de l'oeuvre. Si Lanson écrit contre cette doxa en arguant que « le livre est un phénomène social qui évolue », il n'en demeure pas moins que la position du critique peut déconcerter. En effet, c'est ce même critique qui affirmait : « les livres ont un sens en eux-mêmes, indépendamment de nos esprits et nos sensibilités. ».

« I.

c) Ainsi, le livre dépend de l'évolution de la société.

De l'échec à la réussite d'une oeuvre, quelques sièclessuffisent.

En 1857 paraît Madame Bovary de Flaubert.

L'oeuvre connaît alors une très mauvaise réception et l'auteur est traduit en justice pour atteinte à la morale et au bon goût.

Il est reproché à Flaubert de ne pas émettre dejugement sur l'adultère d'Emma puisqu'il ne retranscrit que les pensées de son héroïne : « J'ai un amant ! Unamant ! se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté […] Elle entrait dans quelque chose demerveilleux où tout serait passion, extase, délire… ».

Ici Flaubert utilise le discours indirect libre, technique novatriceau XIXe et se refuse de donner une quelconque opinion sur l'attitude d'Emma, ce qui a profondément choquél'opinion publique.

C'est ce qu'affirma le procureur lors du procès : « Ainsi, dès cette première faute, dès cettepremière chute, elle fait la glorification de l'adultère, sa poésie, ses voluptés.

Voilà, messieurs, qui pour moi est bienplus dangereux, bien plus immoral que la chute elle-même.

» Au XIXe, ce livre est donc un paria car il ne correspondpas au système de valeurs du siècle dans lequel les mariages sont arrangés, la loi pour le divorce n'existe pas et oùla femme doit être obéissante à son mari.

Or, de nos jours Madame Bovary fait partie des classiques.

Cette évolution de la réception de Madame Bovary tient au fait que la société a évolué.

En effet, dans une société dans laquelle les mariages ne sont plus arrangés et où le divorce existe, le lecteur compatit pour Emma et de ce fait,comprend sa détresse et ses infidélités.

En cela le livre connaît bien une évolution due à la société et à l'évolutiondes moeurs. Ainsi, le livre est bien « un phénomène social qui évolue » dans le sens où sa fortune dépend le plus souvent deson lecteur.

Le livre faisant partie de la société, il s'y soumet.

Le lecteur peut donc s'octroyer le droit derécompenser un livre ou a contrario de le « bannir ».

Il convient donc de ne pas minimiser le rôle du lecteur et de ne pas voir le livre comme un objet indépendant de son public et du contexte dans lequel il évolue.

Il est indéniable quele lecteur joue un grand rôle dans la littérature.

Mais il n'en est pas pour autant le protagoniste.

Il est un secondrôle au regard du rôle tenu par l'auteur. II.

L'auteur a la main mise sur ses oeuvres et en oriente la compréhension II.

a) D'une part, l'auteur oriente la compréhension de ses oeuvres en ayant recours à certaines explications.En effet, après la loi sur le droit d'auteur, les écrivains signent leurs oeuvres et rédigent des préfaces danslesquelles ils expliquent leur dessein.

Le lecteur n'est donc pas laissé à lui-même et ne peut pas ignorer cesprescriptions de l'auteur.

Ainsi, quand Hugo écrit dans la préface des Misérables « J'ai tâché de raconter l'histoire d'une de ces fourmis que la loi sociale écrase sans le vouloir et sans le savoir », « (…) tant qu'il y aura sur la terreignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

», il met en avant la portéepolitique de son oeuvre et le lecteur ne peut pas ignorer le dessein de l'auteur à savoir dénoncer les injustices.

Demême, Rabelais dans la préface de Gargantua explique à son lecteur comment aborder son livre : « C'est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est traité.

Alors, vous y découvrirez (…) que les matières icitraitées ne sont pas si folâtres que le titre le prétendait.

[…] Puis, par une lecture attentive et une méditationassidue, rompre l'os et sucer la substantifique moelle (…).

» Rabelais ici guide son lecteur et l'incite à ne pas voirdans son livre qu'un simple divertissement.

L'auteur n'est donc pas qu'un arrangeur de mots et il délimite le sens deson oeuvre. II.

b) D'autre part, la critique génétique a montré que « dans littérature il y a rature » (Barthes). L'oeuvre littéraire est le fruit d'un travail de l'auteur, d'une réflexion et en cela chaque mot compte.

Les mots nesont pas le fruit du hasard, mais sont pesés et mûrement réfléchis par l'auteur.

Si l'auteur a choisi tel mot plutôtqu'un autre c'est qu'il souhaitait donner un sens particulier et le lecteur ne peut pas ignorer ce travail de la part del'écrivain.

Lors de la première rencontre d'Emma et Charles dans Madame Bovary, Emma propose à boire à Charles. Dans la première version, Flaubert avait choisi pour boisson de l'eau de vie qui était l'alcool utilisé à l'époque.

Aprèsréflexion, l'auteur a préféré qu'Emma propose du curaçao à Charles, car cet alcool est plus exotique et trahit lesrêveries de l'héroïne et son besoin de s'évader.

De même si l'on s'accorde à étudier le manuscrit du poème de Nerval« El Desdichado », on peut remarquer que le poète avait au départ choisi le titre « Le Destin ».

Or ce poème estbeaucoup plus mystérieux avec le titre choisi dans la version finale.

L'auteur dispose donc du sens de son oeuvre,car il réfléchit quant à l'utilisation des mots et des connotations de ces derniers.

Le lecteur qui ne prendrait pas celaen compte pourrait ne pas saisir l'essence même de l'oeuvre littéraire. II c) Enfin, l'auteur est dépositaire de son sens par le fait qu'il véhicule un projet d'écriture.

Certains genreslittéraires n'acceptent qu'un sens.

C'est le cas de la littérature engagée qui a pour but de signifier la pensée del'auteur.

Ainsi, lorsque Lamartine écrit « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle », c'est bien pour faire selever les hommes de lettres contre les injustices.

L'auteur dispose donc de son oeuvre par le fait qu'il véhicule une. »

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