Etude linéaire Le Rouge et le Noir, 1830, Livre II, chapitre 45, les funérailles de Julien.
Publié le 14/11/2022
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Corrigé EL5 : Stendhal, Le Rouge et Noir, 1830, Livre II, chapitre 45, les
funérailles de Julien.
INTRODUCTION :
▪ Présentation générale : Le Rouge et le noir (1830) : roman réaliste ou
romantique ? Son héros, Julien Sorel, et ses personnages, sont ancrés dans une
réalité sociale (déclassement et désenchantement) et politique (chute de
l’Empire au profit de la Restauration monarchique), qui font de cette œuvre
une œuvre réaliste.
Comme en atteste le sous-titre du roman, il s’agit d’une
« Chronique de 1830 ».
De même en atteste la citation de Stendhal lui-même
dans son roman : "un roman, c'est un miroir qu'on promène le long d'un
chemin".
Le miroir, néanmoins, donne à voir une réalité partielle, subjective et
déformée du réel.
Il nous donne surtout à voir comment les personnages
s’émancipent ou non d’une réalité qui les dépasse et les déçoit.
En
entremêlant les différents points de vue des personnages, l’auteur nous rend
proche d’eux.
Julien est un jeune homme ambitieux, mais trop romantique
pour verser dans le machiavélisme.
Les femmes qu’il aime et dont il est aimé,
Mme de Rênal et Mathilde de La Mole, sont également déchirées entre
convenances sociales, amour, rêve et réalité.
Julien Sorel se révèle un
personnage romantique, plus proche du Werther de Goethe que du Rastignac
de Balzac.
Son manque de pragmatisme et son idéalisme le perdront.
Quant à
ses deux amours, nous allons le voir : l’une, Madame de Rênal, meurt d’amour,
comme seules savent le faire les grandes amoureuses de la littérature, l’autre,
Mathilde de La Mole, aime Julien et lui survit en restant égale à elle-même :
aimant l’amour et ses mises en scène, davantage peut-être que Julien luimême.
▪ Présentation du texte : Ce texte clôt Le Rouge et le Noir.
Le héros, Julien
Sorel , a été condamné à mort pour avoir tiré sur Mme de Rênal, son ancienne
maîtresse.
Avant son exécution, il s’est réconcilié avec sa victime, qui n’était
que blessée.
Il lui a fait promettre de ne pas se suicider après sa mort : elle
doit donner des soins à l’enfant que Mathilde de La Mole attend de lui.
Dans le
texte que nous allons étudier, Julien vient d’être guillotiné à Besançon.
Selon
ses dernières volontés, son ami Fouqué s’est fait confier le corps ; Julien lui
avait aussi demandé d’éloigner les deux femmes aimées au moment de
l’exécution.
C’est pourquoi Fouqué s’étonne, en voyant Mathilde, qu’elle ait
franchi si rapidement les dix lieues (environ quarante kilomètres) qui la
séparaient de Besançon.
▪ Projet de lecture : Comment cette fin du roman clôt-elle la destinée
romanesque des personnages du roman Le Rouge et le noir ?
▪ PLAN :
I - l.
1 à 9 : Le deuil de Mathilde de La Mole : chagrin et goût de la mise en
scène
II - l.
10 à 20 : L’enterrement de Julien Sorel dans la grotte
▪ ANALYSE :
I - l.
1 à 9 : Le deuil de Mathilde de La Mole : chagrin et goût de la mise en
scène
A – Face à la douleur muette de Fouqué, la volonté de Mathilde
▪ « — Je veux le voir, lui dit-elle » : Discours direct : affirmation d’une volonté
qui n’accepte aucune contradiction.
1re pers.
+ verbe vouloir.
▪ Face à Mathilde l’émotion du deuil laisse Fouqué sans voix, sans force,
exprimé par la négation syntaxique et le redoublement de la conjonction de
coordination : « n’… ni… ni ».
La parataxe asyndétique est à l’image de la
sobriété du chagrin de Fougin : coordination puis point-virgule.
▪ « Il lui montra du doigt un grand manteau bleu sur le plancher » : La gestuelle
se substitue à la parole ; le manteau bleu attribue à Julien Sorel une dimension
royale, puisque traditionnellement cette couleur est associée aux rois de
France.
▪ « là était enveloppé ce qui restait de Julien » (l.
3) : périphrase à valeur
d’euphémisme (atténuation), pour ménager le lecteur et atténuer la violence
du propos ; il s’agit en fait du corps décapité de Julien Sorel.
Transition : L’évocation du chagrin pudique et muet de Fouqué, et celle du
cadavre décapité de Julien Sorel par le narrateur, cèdent la place à la
description du deuil de Mathilde de la Mole, tout en mise en scène de soi.
B – Mise en scène du chagrin de Mathilde (l.
4 à 9) :
▪ « Elle se jeta à genoux » : manifestation extrême de son chagrin par Mathilde
de La Mole, telles également « ses mains tremblantes », de manière théâtrale.
De même, son goût pour la mise en scène s’illustre ensuite par le bruit qu’elle
émet (« Il entendit Mathilde marcher avec précipitation dans la chambre »),
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et, au-delà des bougies qu’elle allume pour veiller le mort, par le fait de
disposer la tête de Julien Sorel « sur une petite table de marbre ».
Les
démonstrations d’amour de Mathilde, qui « baisait au front » la tête de son
amant, contrastent avec la froideur habituellement attribuée à ce personnage.
La douleur de la perte de l’être aimé l’explique, son goût pour le romanesque
et la mise en scène aussi.
▪ Ses démonstrations d’amour semblent s’apparenter à une intellectualisation
de ce qu’elle vit, comme le confirme l’évocation de son aïeul : « Le souvenir de
Boniface de La Mole et de Marguerite de Navarre lui donna sans doute un
courage surhumain ».
Mathilde tire son courage, qualifié par l’hyperbole
« surhumain », de sa capacité à relier ce qu’elle vit à tout un passé et un
imaginaire épiques.
Elle ne peut pas s’empêcher d’associer la réalité de ce
qu’elle vit à des personnages illustres, dont l’amour revêt une dimension
mythique et légendaire.
Elle s’identifie clairement à la reine Margot, et elle
identifie clairement Julien Sorel à son aïeul Joseph Boniface de La Mole,
décapité en place de Grève pour complot contre le roi Charles IX.
Le pamphlet
protestant Le Divorce satyrique (1607) prétendit que Marguerite de Navarre
emporta la tête de son amant après l'exécution, la fit embaumer et la conserva
dans un cabinet derrière son lit.
Rien n’est confirmé néanmoins, et c’est
pourtant à cette version légendaire que semblent se référer Mathilde de La
Mole et le narrateur.
▪ Si mise en scène il y a, c’est aussi par le narrateur : tout est perçu à travers le
regard et l’ouïe de Fouqué : perception et absence de perception proviennent
de sa capacité à regarder ou non le corps inanimé de Julien, sa tête décapitée,
et Mathilde : « Fouqué détourna les yeux » ; « il entendit » ; « Lorsque Fouqué
eut la force de la regarder ».
Transition : Le recueillement de Fouqué et de Mathilde constitue un moment
d’intimité où chacun des personnages exprime son chagrin en même temps
que sa manière de le vivre.
La solennité cérémonieuse de Mathilde, qui
contraste avec la pudeur muette de Fouqué, annonce la cérémonie à venir.
II - l.
10 à 20 : L’enterrement de Julien Sorel dans la grotte
A – Le cortège funéraire.
▪ « Mathilde suivit son amant jusqu’au tombeau qu’il s’était choisi.
Un grand
nombre de prêtres escortaient la bière et, à l’insu de tous, seule dans sa
voiture drapée, elle porta sur ses genoux la tête de l’homme qu’elle avait tant
aimé ».
Rappelons que la mise en bière, correspond au moment où le corps du
défunt est installé dans le cercueil.
À l’origine la bière était la civière placée
sous le corps de la personne décédée.
On apprend que Mathilde respecte les
dernières volontés de Julien Sorel en organisant son enterrement dans une
grotte du Jura.
Le mot « amant » revêt un aspect romanesque et semble
exprimer l’intériorité de Mathilde de La Mole, qui met en scène avec faste
cette cérémonie (« voiture drapée »).
Le terme « amant » nous rappelle
également que Julien Sorel, devenu chevalier de La Vernaye, n’aura pas eu le
temps d’épouser Mathilde, qui porte son enfant.
▪ « Arrivés ainsi vers le point le plus élevé d’une des hautes montagnes du Jura,
au milieu de la nuit, dans cette petite grotte magnifiquement illuminée d’un
nombre infini de cierges, vingt prêtres célébrèrent le service des morts » :
Cette phrase complexe met l’accent sur le lieu où est enterré Julien et où est
célébrée la cérémonie funèbre : sa terre d’origine, sa terre natale, et plus
symboliquement la grotte où il aimait se réfugier, notamment....
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