Devoir de Philosophie

Étudiez le personnage de la Nourrice

Publié le 05/12/2019

Extrait du document

De condition modeste, la Nourrice est Je personnage le plus contesté de la pièce. À J'extérieur de la maison, Mercutio raille à travers une chanson d'un goût douteux sa vieillesse, sa laideur, son immoralité, la transformant en repoussoir comme dans les farces ou les fabliaux. À l'intérieur, Capulet s'emporte contre sa conduite et son langage (III, 5). Restée seule, Juliette, contrariée dans son amour, la discrédite avec véhémence : « Vieille sorcière ! Démon perfide ! » (III, 5, v. 237). Comme de nombreuses servantes de comédie, elle est capable de s'opposer à la volonté de ses maîtres.

Shakespeare - Roméo et Juliette

« 38 Op posan te ou adjuvan te par rapport à Juliette ? Dans les contes, la nourrice est souvent un substitut de la mère.

Or, dans Roméo et Ju liette, lady Capulet est présente.

Shakespeare fait de la Nourrice un personnage haut en couleur qui renvoie la mère dans l'ombre.

L'intérêt qu'elle porte à Juliette est perceptible quand elle demande à Roméo de ne pas abuser de son innocence.

Son intimité avec la jeune fille se révèle dans le partage des secrets et des moments impor­ tants : c'est avec la Nourrice que Juliet te choisit sa toilette de mariée (IV, 3).

Elle se manif este aussi dans les noms qu'elle lui adresse en tentant de l'éveiller (IV, 5), dans l' affliction qu'elle montre devant le corps inanimé de la jeune fille.

Par sa filiation avec la scène tragique, la Nourrice tient aussi le rôle de conf idente : elle recueille les états d'âme de l'hér oïne.

Elle incarne aussi une morale conformiste : après le meurtre de Tybalt, elle engage Juliette à épouser Pâris car, femme de bon sens, elle s'adapte � la réalité.

Elle aide les amants à se retrouver ou les engage à se séparer (III, 5).

Elle adopte deux attitudes contraires : elle est adjuvante, tant que le bonheur semble possible ; opposante, dès que s'esquisse le tragique avec le bannissement de Roméo.

Ill.

Un être de parole L'a mour du verbe La Nounice n'a pas d'équivalent dans la famille Montaigu : ni l'ins ignifiant Ba lthazar, ni les amis de Roméo, issus de la noblesse, ne peuvent lui conespondre.

Par son statut intermédiaire entre servante et amie, elle est d'abord une voix.

Elle se distingue des gens du commun qui parlent en prose : comme les héros, elle a droit au vers blanc.

Elle manif este un goüt immod éré de la parole et Capulet l'admoneste : « [ ...

] Te nez votre langue » (III, 5, v.

171 ).

Sur le mode comique, elle fait languir Juliette en brossant l'éloge de son amoureux, dans une parodie de portrait précieux : «p our ce qui est de la main, du pied et du corps » (II, 4, 1.

41); sur le mode tragique, elle laisse longtemps planer le doute sur l'identité du défunt : «i l est mort » (III, 2, v.

37).

La voix de la Nourrice dispose d'une grande diversité de registres.

Elle peut s'égarer dans les métaphores érotiques :parlant de Pâris, elle le soupçonne de vouloir «a ller à l'a bor dage » (II, 3, v.

198) ; pour Roméo, il s'agira de «grimper jusqu'au nid d'une oiselle » (II, 4, v.

74).

Confrontée au deuil de sa maîtresse, elle retrouve les accents du coryphée déplorant la mort des héros : « Ô jour de malheur ! » (IV, 5, v.

17).

Sa tessiture peut se déployer du sarcastique grivois au pathétique.

Un contrepoin t au duo amour eux To ut au long de la scène du balcon, résonne, comme une dissonance au duo lyrique un« Madame !» (II, 1) prof éré par la Nourrice, qui vient des prof ondeurs de la maison, peut-être de la conscience de Juliette.

Cette répétition brise l'harmonie : principe de réalité, elle s'oppose au thème musical que développe la voix de Juli ette : «L a langue des amants, la nuit, a un son argentin,/ Comme la musique la plus suave [ ...

] )) (ibid.

, v.

208-209) Pièce essentielle dans le dispositif scénique, la Nounice, par les rôles contradic­ toires qu'elle peut jouer, par le langage double qu'elle invente, relève de l'esthétique baroque.

Par sa vieillesse et sa laid eur, par son prosaïsme, elle apparaît comme un fa ire-valoir de Juliette.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles