Devoir de Philosophie

Expliquez le passage suivant du Voyage en Amérique de Chateaubriand (1791, publié en 1827) et relevez daus cette description d'une nuit passée dans la forêt vierge les traits caractéristiques nouveaux et qui annoncent le romantisme...

Publié le 14/02/2012

Extrait du document

chateaubriand

Sept heures. Ne pouvant sortir de ces bois, nous y avons campé. La réverbération de notre bûcher s'étend au loin; éclairé en dessous par la lueur scadatine le feuillage paraît ensanglanté; les troncs des arbres les plus proches s'élèvent comme des colonnes de granit rouge, mais les plus distants, atteints à peine de la lumière, ressemblent, dans l'enfoncement du bois, à de pâles fantômes rangés au bord d'une nuit profonde.

Minuit. Le feu commence à s'éteindre, le cercle de sa lumière se rétrécit. J'écoute : un calme formidable pèse sur ces forêts; on dirait que des silences succèdent aux silences. Je cherche vainement à entendre, dans un tombeau universel, quelque bruit qui décèle la vie. D'où vient ce soupir ? D'un de mes compagnons : il se plaint, bien qu'il sommeille. Tu vis, donc tu souffres : voilà l'homme !...

chateaubriand

« Remarquons ici que l'artiste seul entre en jeu.

Il ne parait nullement s'interesser aux hommes, au groupe qui se presse autour du feu.

La fork, oia l'homme est comme perdu et aneanti; la nature vierge, naguere saluee avec enthousiasme par Peva& des cites homicides de la vieille Europe, par le disciple de Rousseau, contempteur de la civilisation, sellable retenir uniquement son attention.

La couleur domine, soigneusement definie.

La nuance de la lueur provo- quee par le bacher est Bien determinee.

L'epithete scarlatine, reservee d'ordinaire a la fievre qui porte ce nom, est employee a bon escient.

Elle nous surprend plus que son doublet : ecarlate.

De meme le mot reverbera- tion, qui vient de verberare : frapper.

La lumiere ernanee du bticher frappe le feuallage qui domine I'observateur, baigne cette vofite de verdure d'une clarte sanglante.

Celle-ci s'etend au loin, non seulement en hauteur, mais en longueur et en largeur.

Ses effets, consideres sous ces deux dimensions, varient suivant les dis- tances; et maintenant l'artiste trace des lignes, distingue des plans.

Les troncs des arbres les plus proches s'elevent comme des colonnes de granit rouge.

Image toute naturelle : ne dit-on pas un fiat de colonne comme on dit un fiat d'arbre? Et puis, la surface rngueuse de ces troncs ne rappelle-t-elle pas spontanement a Chateaubriand le rude granit de sa Bretagne, plus semblable avec ses asperites, a recorce des arbres que le marbre poli? Et sans grand effort d'imagination nous nous representons ces steles gigan- tesques, s'elancant d'un seul jet, comme pour soutenir dans les airs le « feuillage ensanglante .

Et, a l'instar du peintre, notre veil est emerveille par ce spectacle insolite et grandiose.

Mais regardons plus loin, jusqu'en ces parages indecis oil la vision cesse d'être distincte, faute de lumiere.

Ce sont, a l'infini, d'autres troncs d'arbres, que nous devinons pint& que nous les voyons, atteints a peine de la lu- miere.

(Assez souvent Chateaubriand emploie les prepositions selon l'usage du xvite siècle; en 1827, on disait déjà par et non de).

Dans l'enfoncement du bois est une expression juste et evocatrice, autrement suggestive que cette autre : au fond du bois.

Elle prolonge, en effet, la perspective illimitee que clorait le mot fond; nos yeux fouillent, scrutent la masse d'ombre sans pouvoir y decouvrir ce fond inaccessible. La commence le mystere.

Oia les sens cessent de percevoir nettement, l'imagination se donne libre cours.

Et ces troncs lointains, a atouches par une lumiere rarefiee au dernier degre, deviennent, grace a cette faculte creatrice qui peuple l'invisible, un cercle de poles fantomes.

Soulignons ici l'a:propos et le pittoresque des deux mots cercle et pales.

La lueur cesse d'eclaarer la foret, tout a l'entour, a egale distance du foyer, centre de cette surface lumineuse bordee par une nuit profonde.

La paleur est la caracte- ristique des fantomes; le sang s'est retire de ces corps dematerialises, ils n'ont plus les couleurs de la vie.

Enfin, ils sont la, ranges, comme tine armee menacante, ces spectres inquietants, surgis de la nuit quiles engendre, a la limite des tenebres - leur royaume - et de la lumiere - qu'ils hesitent a affronter. Chateaubriand, soutenu par la beaute et la nouveaute du spectacle, a-t-il poursuivi sa veille, tandis que, l'un apres l'autre, s'endormaient ses compa- gnons epuises? Ou, ayant cede lui-meme au sommeil, s'est-il reveille au milieu de la nuit? Il ne le dit pas, et cela nous importe assez toeu.

Ce n'est pas son recit qui nous interesse, mais sa description, ses impression& A minuit, it regarde derechef autour de lui.

Le spectacle est tout different. Presque plus rien pour l'oeil; alors l'oreille prend le pas sur lui; ce deuxieme alinea renferme surtout des sensations auditives.

En Fespace de cinq heures, les branchages qui alimentaient le foyer ont eu le temps de se consumer; le hitcher, transforms en brasier, s'est le feu commence a s'eteindre : peu ou point de flamme, des charbons incandescents.

Consequence logique : le cercle lumineux se retrecit, jusqu'a limiter la vue aux abords immediats du campement.

Et ici apparait la superiorite de l'ecrivain sur le peintre.

Celui-ct est emprisonne dans les sensations visuelles; la plume, va plus loin que le pinceau : elle sait evoquer les sons, les saveurs, les parfums.

Chateaubriand ecoute.

Et qu'entend-il? Le silence! Ce virtuose de la plume s'est pour ainsi dire specialise dans les silences de la nature, comme Bernardin de Saint-Pierre dans les rouges.

Un calme Remarquons ici que l'artiste seul entre en jeu.

Il ne paraît nullement s'intéresser aux hommes, au groupe qui se presse autour du feu.

La forêt, où l'homme est comme perdu et anéanti; la nature vierge, naguère saluée avec enthousiasme par l'évadé ·des cités homicides de la vieille Europe, par le disciple de Rousseau, contempteur de la civilisation, semble retenir uniquement son attention.

La couleur domine, soigneusement définie.

La nuance de la lueur provo­ quée par le bûcher est bien déterminée.

L'épithète scarlatine, ·réservée d'ordinaire à la fièvre qui porte ce nom, est employée à bon escient.

Elle nous surprend plus que son doublet : écarlate.

De même le mot réverbéra­ tion, qui vient de verberare : frapper.

La lumière émanée du bûcher frappe le femllage qui domine l'observateur, baigne cette voûte de verdure d'une clarté sanglante.

Celle-ci s'étend au loin, non seulement en hauteur, mais en longueur et en largeur.

· Ses effets, considérés .

sous ces deux dimensions, varient suivant les dis­ tances; et maintenant l'artiste trace des lignes, distingue des plans.

Les troncs des arbres les plus proches s'élèvent comme des colonnes de granit rouge.

Image toute naturelle _: ne dit-on pas un fût de colonne -comme on dit un fût d'arbre? Et puis, la surface rugueuse de ces troncs ne rappelle-t-elle pas spontanément à Chateaubriand le rude granit de sa Bretagne, plus semblable avec· ses aspérités, à l'écorce des arbres que le marbre poli 'l Et sans grand effort d'imagination nous nous représentons ces stèles ~igan­ tesques, s'élançant d'un seul jet, comme pour soutenir dans les mrs le «feuillage ensanglanté».

Et, à l'instar du peintre, notre œil est émerveillé par ce spectacle insolite et grandiose.

- Mais regardons plus loin, jusqu'en ces parages indécis où la vision cesse d'être distincte, faute de lumière.

Ce sont, à l'infini, d'autres troncs d'arbres, que nous devinons plutôt que nous les voyons, atteints à peine de la lu­ mière.

(Assez souvent Chateaubriand emploie les prépositions selon l'usage du xvn• siècle; en 1827, on disait déjà par et non de).

Dans l'enfoncement du bois est une expr~ssion juste et évocatrice, autrement suggestive que cette autre : au fona du bois.

Elle prolonge, en effet, la perspective illimitée que clôrait le mot fond; nos yeux fouillent, scrutent la masse d'ombre sans pouvoir y découvrir ce fond inaccessible.

· • Là commence le mystère.

Où les sens cessent de percevoir nettement, l'imagination se donne libre cours.

Et ces troncs lointains, à peine touchés par une lumière raréfiée au dernier degré, deviennent, grâcè à cette faculté créatrice qui peuple l'invisible, un cercle de pâles fantômes.

Soulignons ici l'à-propos et le pittoresque des deux mots cercle et pâles.

La lueur èessè d'éclairer la forêt, tout à l'entour, à égale distance du foyer, centre de cette surface lumineuse bordée par une nuit profonde.

La pâleur est la caracté­ ristique des fantômes; le sang s'est retiré de ces corps dématérialisés, ils n'ont plus les couleurs de la vie.

Enfin, ils sont là, rangés, comme unè armée menaçante, ces spectres inquiétants, surgis de la nuit qui les engendre, à la limite des ténèbres - leur royaume -et de la lumière - qu'ils hésitent à affronter.

Chateaubriand, soutenu par la beauté et la nouveauté du spectacle, a-t-il poursuivi sa veille, tandis que, l'un après l'autre, s'endormaient ses compa­ gnons épuisés 'l Ou, ayant cédé lui-même au sommeil, s'est-il réveillé · au milieu de la nuit? Il ne le dit pas, et cela nous importe assez peu.

Ce n'est pas son récit qui nous.

intéresse, mais sa description, ses impressions.

A minuit, il regarde derechef autour de lui.

Le spectacle est tout différent Presque plus rien pour l'œil; alors l'oreille prend le pas sur lui; ce deuxième alinéa renferme surtout des sensations auditives.

- En l'espace de -cinq heures, les branchages qui alimentaient le foyer ont eu le temps de se consumer; le bûcher, transformé en brasier, s'est affaissé.' ..

le feu commence à s'éteindre : peu' ou point de flamme, des charbons incandescents; Conséquence logique : le cercle lumineux se rétrécit, jy,squ'à limiter la vue aux abords immédiats du- campement.

Et ici apparaît la supériorité de l'écrivain sur le peintre.

Celui-ci est emprisonne dans les sensations visuelles; la plum_ e, va plus loin que le pinceau : elle sait évoquer les sons, les saveurs, les parfums.

Chateaubriand écoute.

Et qu'entend-il? Le silence! .

Ce virtuose de la plume s'est pour ainsi dire spécialisé dans les silences· de la nature, comme Bernardin de Saint-Pierre daris les rouges; Un calme. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles