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Georges Pérec, Les Choses (Julliard). Faites à votre choix un résumé ou une analyse de cette page et commentez-en un thème qui vous semble essentiel.

Publié le 16/02/2011

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Dans le monde qui était le leur, il était presque de règle de désirer toujours plus qu'on ne pouvait acquérir. Ce n'était pas eux qui l'avaient décrété ; c'était une loi de la civilisation, une donnée de fait dont la publicité en général, les magazines, l'art des étalages, le spectacle de la rue, et même, sous un certain aspect, l'ensemble des productions communément appelées culturelles, étaient les expressions les plus conformes. Ils avaient tort, dès lors, de se sentir, à certains instants atteints dans leur dignité : ces petites mortifications — demander d'un ton peu assuré le prix de quelque chose, hésiter, tenter de marchander, lorgner les devantures sans oser entrer, avoir envie, avoir l'air mesquin — faisaient elles aussi marcher le commerce. Ils étaient fiers d'avoir payé quelque chose moins cher, de l'avoir eu pour rien, pour presque rien. Ils étaient plus fiers encore (mais on paye toujours un peu trop cher le plaisir de payer trop cher) d'avoir payé très cher, le plus cher, d'un seul coup, sans discuter, presque avec ivresse, ce qui était, ce qui ne pouvait être que le plus beau, le seul beau, le parfait. Ces hontes et ces orgueils avaient la même fonction, portaient en eux les mêmes déceptions, les mêmes hargnes. Et ils comprenaient, parce que partout, tout autour d'eux, tout le leur faisait comprendre, parce qu'on le leur enfonçait dans la tête à longueur de journée, à coup de slogans, d'affiches, de néons, de vitrines illuminées, qu'ils étaient toujours un petit peu plus bas dans l'échelle, toujours un petit peu trop bas. Encore avaient-ils cette chance de n'être pas loin, les plus mal lotis.    Georges Pérec, Les Choses (Julliard).

« l'échelle sociale : ils désirent alors tout ce qui est hors de leur portée. Mais une tactique plus habile encore est de s'adresser à ce jeune couple-type en tant qu'intellectuels : leursaspirations culturelles doivent alors se tourner vers la possession « d'articles culturels » : livres, donc bibliothèques ;voyages, donc clubs très chers ou croisières ; entourage artistique, donc tableaux ou reproductions de qualité, etc.Là plus qu'ailleurs la vente à crédit prend des allures de philanthropie. Ce système crée donc une double hypocrisie : il suscite des besoins en leur donnant une apparence de spontanéité,il flatte les aspirations intellectuelles en les détournant vers la possession d'objets culturels. II.

- LES ISSUES POSSIBLES Georges Pérec n'en voit aucune.

Mais il nous est permis d'en trouver une.

Elle peut s'ouvrir sur deux plans différents: la lutte contre ce type de société ou la résistance intérieure. La première semble difficile dans la mesure où tout le système économique de nos pays engendre ce processus eten a besoin.

Même les pays socialistes européens n'y échappent pas et créent également une société deconsommation.

L'espoir semble donc vain.

Tout en étant conscient du phénomène, on en est prisonnier.

Et pourtantl'exemple d'un des pays les plus avancés dans ce système, les États-Unis, peut nous apporter un espoir. Nombreux sont ceux, surtout parmi les jeunes, que rebute ce mode de vie factice et aliénant.

Ils se lancent alors'dans la lutte politique qui soutient le système économique, ou s'élèvent par une recherche intellectuelle quil'analyse.

La satisfaction par les biens matériels semble donc ne pas étouffer les autres aspirations, et contient enelle-même sa révolte. Mais la seconde attitude est en fait la plus ambiguë : prétendre se détacher du système dans lequel on vit, en selivrant à une réflexion libre sur des sujets désintéressés, intellectuels, artistiques ou spirituels, sans pour autantdédaigner les apports de l'économie, c'est s'avancer sur la corde raide.

Les méthodes de pression psychologiqueguettent à chaque pas celui qui s'aventure ainsi.

Cette attitude est donc, de loin la plus dangereuse, mais peut-êtreaussi la plus fructueuse. CONCLUSION Le monde oppressant dans lequel évolue le jeune couple de ce roman-reportage, est aussi le nôtre ; nous nepouvons ne pas en être effrayé.

La liberté humaine y est abolie par un système économique qui prévoit et prévienttoutes nos aspirations, les exploite en créant des besoins que nous ressentons malgré nous.

Cependant, aprèsl'application de ce système durant plusieurs années, il est permis de penser que par un effort puissant de lucidité etla mobilisation de toute son énergie, l'homme peut réussir à conserver sa liberté.. »

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