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H. de Balzac, La Duchesse de Langeais: la princesse de Blamont-Chauvry.

Publié le 28/03/2011

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De ses anciens agréments, il ne lui restait qu'un nez remarquablement saillant, mince, recourbé comme une lame turque et principal ornement d'une figure semblable à un vieux gant blanc ; puis quelques cheveux crêpés et poudrés; des mules à talons, le bonnet de dentelles à coques, des mitaines noires et des parfaits contentements. Mais, pour lui rendre entièrement justice, il est nécessaire d'ajouter qu'elle avait une si haute idée de ses ruines, qu'elle se décolletait le soir, portait des gants longs, et se teignait encore les joues avec le rouge classique de Martin. Dans ses rides une amabilité, un feu prodigieux dans ses yeux, une dignité profonde dans toute sa personne, sur sa langue un esprit à triple dard, dans sa tête une mémoire infaillible faisaient de cette vieille femme une véritable puissance. Elle avait dans le parchemin de sa cervelle tout celui du cabinet des chartes et connaissait les alliances des maisons princières, ducales et comtales de l'Europe, à savoir où étaient les derniers germains de Charlemagne. Aussi nulle usurpation de titre ne pouvait-elle lui échapper. Les jeunes gens qui voulaient être bien vus, les ambitieux, les jeunes femmes lui rendaient de constants hommages. Son salon faisait autorité dans le faubourg Saint-Germain. Les mots de ce Talleyrand femelle restaient comme des arrêts. Certaines personnes venaient prendre chez elle des avis sur l'étiquette ou les usages, et y chercher des leçons de bon goût. Certes, nulle vieille femme ne savait comme elle empocher sa tabatière; et elle avait, en s'asseyant ou en se croisant les jambes, des mouvements de jupe d'une précision, d'une grâce qui désespérait les jeunes femmes les plus élégantes. Sa voix lui était demeurée dans la tête pendant le tiers de sa vie, mais elle n'avait pu l'empêcher de descendre dans les membranes du nez, ce qui la rendait étrangement significative.    H. de Balzac, La Duchesse de Langeais: la princesse de Blamont-Chauvry.

SUJET    Vous ferez de ce texte un commentaire composé, en vous attachant notamment à montrer le jeu des oppositions.    PLAN Introduction    ■ Situation de La Duchesse de Langeais dans l'œuvre de Balzac.    ■ Situation de la page dans La Duchesse de Langeais.    ■ Idée générale.    ■ Annonce des 2 thèmes.    REMARQUE : Si ce roman n'est pas connu, un jour d'examen, situer Balzac en général, et ce portrait par rapport à d'autres portraits balzaciens connus.   

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« Jeux d'oppositions de l'art balzacien. Une vieille femme « redoutable » et « infaillible ». Antithèse avec Armand de Montriveau, le Bien. La Princesse symbole d'une société qui « s'oppose » à la fois à toute pénétration de l'extérieur et à l'amour entreMontriveau et la Duchesse de Langeais. Conclusion Balzac observateur, mais aussi visionnaire. Personnages types. Le Portrait. Balzac et ses successeurs. DEVOIR RÉDIGÉ La Duchesse de Langeais n'est pas certes une des plus grandes œuvres balzaciennes.

Ce roman n'est pascomparable au Père Goriot, à Eugénie Grandet ou à la Cousine Bette, à telles autres Illusions perdues ou même à telColonel Chabert. Mais il prend dignement sa place dans la conception romanesque du grand écrivain et en particulier dans l'histoiredes mœurs dont Balzac jugeait qu'elle était trop souvent négligée par les historiens de profession. « La société française allait être l'historien, écrit-il, je ne devrais être que le secrétaire.

» Dans le roman dont cette page est un extrait, Balzac va opposer son héros, le général de Montriveau, représentantla noblesse d'Empire, qui n'a conquis ses titres que par son mérite à l'aristocratie « de souche » d'où est issuel'héroïne, la Duchesse de Langeais.

Le drame viendra précisément de cette rencontre de deux mondes auxformations et conceptions si différentes et d'un amour vrai qui se déclarera pour cette raison à contretemps et troptard.

Dans cette partie du roman qui est un long flash-back, avant la lettre, le romancier va donc s'attarder à uneanalyse du rôle et de la psychologie politique de la noblesse du Faubourg Saint-Germain, sous la Restauration,aristocratie dont la Princesse de Blamont-Chauvry est, pour ainsi dire, la quintessence.

Il nous offre donc un portraitde la princesse.

Mais l'ampleur de vue atteinte dans la Comédie Humaine donne toujours au portrait une dimensionqui dépasse la simple nécessité de présenter le personnage rencontré.

C'est donc à la fois l'art du portrait [I] et sasignification profonde [II], qui devront être analysés. * * * Dès le début du portrait, notre attention est sollicitée par la description d'une physionomie surprenante qui arrête leregard et l'intrigue: le romancier avertit le lecteur sur le personnage peu banal qu'est cette douairière.

Car Balzacinsiste, dès les premiers mots, sur l'âge du personnage.

Plusieurs termes vont converger, qui mettront en valeur, àla fois cet âge avancé et l'aristocratique dédain de la grande dame devant cette déchéance physique qu'elle dominede toute son indifférence méprisante.

« Anciens », « vieux », « quelques » et le terrible substantif réaliste : « ruines» disent assez combien les « agréments », « la figure », « les cheveux » la beauté de la « vieille femme » ne sontplus que souvenirs.

Mais ce jeu d'oppositions précise d'autant plus la force de la dame qui non seulement dépasseles faiblesses de la nature, mais sait en tirer avantages.

Une fois ces précisions bien établies, le peintre propose unportrait soigneusement composé : c'est d'abord sur la tête que se concentre la lumière et sur son trait principal : un« nez remarquablement saillant ».

Comme celui si célèbre — « en bec d'aigle » — du Prince de Condé (connétablepuis opposant principal de Louis XIV), il domine la physionomie de ses dimensions (« mince ») et de sa forme («recourbé comme une lame turque »).

C'est ce qui s'impose aussitôt aux yeux et fait de la Princesse, l'aigle —précisément — de cette société.

Le principal trait caractéristique se trouve ainsi fortement imprimé dansl'imagination du lecteur, et souligné par la proposition assez longue dont il est l'élément premier, comme il est le «principal ornement d'une figure semblable à un vieux gant blanc » (noter au passage l'originalité de cette mollecomparaison).

L'artiste a cherché la sensation visuelle précise, vive, puissante, d'où l'image, les comparaisons.

Denouvelles touches peuvent alors être posées pour compléter la physionomie: la couleur et la nature du teint, blafardsur une peau flasque (« un vieux gant blanc »), la couronne de cheveux, dont le manque d'épaisseur est compensépar le soin qu'on prend d'eux: ils sont « crêpés et poudrés ».

Les détails de toilette apparaissent immédiatement à lasuite de cette dernière remarque; ne sont-ils pas essentiels pour « réparer des ans l'irréparable outrage ».

Carl'accent n'est mis que sur les détails, plus importants, disait-on pour une femme bien née que la robe elle-même: «mules », « bonnet », « mitaines », riche parure; bientôt suivis d'autres plus précis encore, ceux des termesappliqués à la tenue du « soir » : le décolleté, les « gants longs », les fards.

A nouveau comme la Jézabel de Racine(Athalie) « Même elle avait encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage...

».

Mais le portrait. »

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