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HARDY Alexandre : sa vie et son oeuvre

Publié le 14/12/2018

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hardy

HARDY Alexandre (1572-1632?). Alexandre Hardy est le plus prolifique des auteurs dramatiques du xvne siècle, le plus « professionnel » aussi, parce que constamment mêlé à la vie quotidienne de troupes de comédiens luttant pour s’imposer, à Paris, en province et à l’étranger. La critique a longtemps mis l’accent sur l’aspect romanesque de l’existence supposée du « poète à gages », sur la misère — également supposée — de l’écrivain de théâtre, amoureux de son art au point de renoncer à tout pour suivre le chariot des troupes errantes. Ces clichés, qui ne sont pas toujours inventés, ont parfois nui à une étude plus profonde de l’étrange carrière du dramaturge. Toutefois, les découvertes récentes de contrats notariés et les recherches érudites ont sensiblement transformé l’image traditionnelle de l’homme, et suscité un nouvel intérêt pour ses œuvres. Quelques éditions critiques permettent aujourd’hui la lecture de pièces que l’on cesse désormais de mesurer en fonction d’une grille de lecture soumise aux normes de la Renaissance ou du classicisme.

 

La vie difficile d'un poète ambulant

 

On a longtemps cru qu’Alexandre Hardy n’embrassa la vie des comédiens qu’à cause de sa condition modeste. En fait, il est possible qu’il ait été de bonne famille (à en juger par la parenté qu’on lui connaît à la fin de sa vie) et qu’il ait vécu une jeunesse studieuse. Paris est alors soumis au monopole théâtral des Confrères de la Passion, établis à l’Hôtel de Bourgogne. Peut-être est-ce la raison de son départ pour la province en 1592 avec une troupe, probablement celle d’A. Talmy; il commence alors une carrière d’acteur et d’écrivain, vendant ses œuvres « à la pièce» jusqu’en 1597. Sa relative notoriété lui permet d’entrer en 1598 comme poète à gages dans la troupe de Valleran, dont il partagera, de longues années durant, la vie itinérante (à Paris, en province, mais aussi à l’étranger puisqu’on le signale à Leyde et à La Haye en 1613) et incertaine. C’est à Marseille, en 1620, qu’on retrouve la trace du poète, à l’occasion d’un nouveau contrat, signé cette fois avec Pierre Le Mesnier, dit Bellerose, chef des Comédiens du roi. En 1622, la nouvelle troupe est à Paris et loue l’Hôtel de Bourgogne où Hardy connaît enfin le succès. Il fait imprimer quelques-unes de ses pièces, mais rompt avec Bellerose quand celui-ci s’obstine à lui interdire l’édition de nouvelles œuvres.

 

Il signe alors un autre contrat de poète à gages, en 1626, avec C. Deschamps, sieur de Villiers, chef de troupe des Vieux Comédiens du roi : il promet six pièces annuellement pendant six ans, et la troupe part jouer en province, cette fois sans son poète.

 

Le paysage théâtral parisien a changé pendant la longue absence du dramaturge. En rompant avec Bellerose, Hardy s’est écarté d’un foyer essentiel du théâtre, au moment où il aurait pu définitivement s’imposer. Amer, il regrette toutes les œuvres qu’il a dû abandonner à son ancienne troupe, et il semble mal supporter le succès d’une nouvelle génération de dramaturges qui s’imposent en oubliant parfois ce qu’ils doivent au poète vieilli. Plutôt isolé, il meurt ayant atteint la soixantaine, moins pauvre qu’on ne l’a dit, puisqu’il aurait obtenu la charge de secrétaire du prince de Condé et tiré quelque bénéfice de l’édition de ses pièces.

 

Le curieux statut d'un auteur professionnel

 

Au-delà de la vie privée d’Alexandre Hardy, l’existence quotidienne du « poète à gages » retient l’attention par les liens particuliers qu’elle tisse avec la création. Voilà donc un dramaturge qui a vécu constamment avec des troupes de comédiens, en France et à l’étranger, et qui a été confronté aux exigences immédiates des représentations. Son expérience d’acteur, régulier puis occasionnel, en compagnie de ceux qui deviendront les meilleurs comédiens de l’époque, est irremplaçable. Il savait pour qui il écrivait, il connaissait les lois de la représentation et ses obligations matérielles, il n’ignorait pas le goût des publics devant lesquels la compagnie jouait. A ces avantages incontestables, liés au statut de « poète à gages », s’oppose le caractère précaire d’une écriture désacralisée et soumise aux exigences des chefs de troupe. Il semble que Hardy ait constamment écrit sous la pression des troupes auxquelles il appartenait, en fonction des besoins de renouvellement du répertoire, et à une cadence rapide de production qui a fait de lui l’auteur incroyablement fécond de six cents ou sept cents « poèmes dramatiques ».

 

Cette fécondité du poète « à la demande » a de douloureux revers. Forcé d’abandonner ses œuvres aux acteurs avec lesquels il est lié par contrat, et qui défendent leur droit d’exclusivité, il se voit interdire l’impression qui livrerait ses pièces aux troupes rivales. Il n’a donc pu en faire publier que trente-quatre de son vivant : Théagène et Chariclée fut imprimé en 1623; les trente-trois autres parurent dans son Théâtre, dont les cinq volumes sortirent entre 1624 et 1628. Le Mémoire de Mahelot mentionne dix titres de pièces perdues, et trois œuvres ont été retrouvées dans les Archives nationales par Mme Deierkauf-Holsboer. Parmi les œuvres publiées, on compte douze tragédies, quatorze tragi-comédies, cinq poèmes dramatiques et cinq pastorales. Il est possible qu’il y ait des comédies parmi les pièces perdues, mais il est difficile de l’affirmer avec certitude. De même, la datation des pièces publiées fait problème : H.C. Lancaster étale leur composition entre 1605 et 1625 et situe les pièces mentionnées par Mahelot entre 1625 et 1631; Mme Deierkauf-Holsboer arrive à des dates différentes allant d’« avant 1610 » à 1627. De toute façon, nous ne disposons que d’une petite partie de sa production pour juger de l’ensemble de l’œuvre.

 

Une dramaturgie du récit et de la passion

 

« Je n’avais pour guide qu’un peu de sens commun avec les exemples de feu Hardy, dont la veine était plus féconde que polie... ». Cette remarque de Corneille extraite de son Examen de Mélite a longtemps suffi à caractériser l’œuvre de Hardy. Elle correspondait d’ailleurs à l'image que la critique voulut en donner par la suite; pouvait-on à la fois produire beaucoup et faire œuvre louable? D’autre part, l’œuvre de Hardy a longtemps souffert d’un jugement fondé sur les seules valeurs du classicisme : Lanson le considérait comme illisible; la hardiesse des sujets (des violences, des meurtres sanglants, des viols), souvent empruntés aux Espagnols (Cervantès, Lope de Vega), la crudité du langage et la bizarrerie d’actions se déployant librement dans le temps et dans l’espace en faisaient une œuvre quasiment incompréhensible. Même Rigal, le « découvreur » de Hardy, écrivait : « Nous n’insisterons pas longtemps sur Scédase : comment, en effet, analyser une tragédie qui dépasse en horreur et en réalisme brutal les plus sombres d’entre nos drames? [...] La pièce est grossière plutôt qu’immorale; elle est conforme au goût du temps ».

 

Une analyse plus profonde des pièces dans quelques éditions critiques récentes a contribué à faire renaître la curiosité pour un dramaturge souvent mal lu. En fait, la dramaturgie de Hardy est subordonnée au narratif. Tout est dans le récit, qui déroule ses méandres pour suivre les personnages là où ils sont, là où ils vont. Aucun effort n’est fait pour ordonner le déroulement d’événements dont chacun se révèle indispensable à l’histoire, sans hiérarchie et sans scènes « à faire ». Pas de tentative de « concentration » par l’intermédiaire de récits ou de

 

paroles rapportées. Le temps, la diversité des lieux, le nombre des personnages dépendent des nécessités de l’action. Ainsi dans la Force du sang, le récit abandonne Léocadie confiant à sa mère qu’elle est enceinte, pour saisir dom Inigue sortant de chez lui pour se rendre à un tournoi. Puis l’action se transporte soudainement en Italie où Alphonse voyage.

 

La Force du sang. A Tolède, Pizarre confie ses craintes à sa femme Estéfanie : il a fait un songe inquiétant où une « tourtre » (tourterelle) était attaquée par un « grand aigle » (I, i). Alphonse, jeune gentilhomme de bonne famille, déclare à ses amis Rodéric et Fernande (Fernando) qu'il aimerait séduire une femme au hasard d'une rencontre (I, II). Dans une rue, non loin du Tage, le groupe de jeunes gens enlève Léocadie, fille de Pizarre, qui se promenait avec ses parents (I, III).

 

Alphonse a profité de la pâmoison de la jeune fille pour l'entraîner chez lui et la violer. Quand elle revient à elle, elle lui demande de la reconduire en ville les yeux bandés pour quelle ne puisse retrouver le chemin, et elle disparaîtra (II, i). Pendant ce temps, les parents de Léocadie se désespèrent. Au retour de leur fille, qui veut mourir, ils la consolent. On apprend qu'elle a dérobé chez Alphonse une œuvre d'art, une représentation d'Hercule enfant, qui devrait l'aider à identifier un jour son ravisseur (II, ii). Dom Inigue, père d'Alphonse, qui ignore tout de l'affaire, propose à son fils un voyage à travers l'Europe (II, III).

 

Léocadie apprend à sa mère qu'elle est enceinte. Celle-ci décide qu'elles élèveront l'enfant en secret (III, i). Le temps a passé. Dom Inigue s’apprête à partir pour un tournoi (III, il). Pendant ce temps, Alphonse, en Italie, est en proie au remords (III, iii). Dom Inigue rencontre Ludovic, le fils de Léocadie, blessé dans une chute. Séduit par le jeune enfant, il est troublé par l'étrange ressemblance entre cet enfant qui l'attire et son propre fils (III, iv).

hardy

« représentations.

Son expérience d'acteur, régulier puis occasionnel, en compagnie de ceux qui deviendront les mei lieurs comédiens de 1' époque, est irremplaçable.

Il savait pour qui il écrivait, il connaissait les lois de la représentation et ses obligations matérielles, il n'ignorait pas le goût des publics devant lesquels la compagnie jouait.

A ces avantages incontestables, liés au statut de «poète à gages», s'oppose le caractère précaire d'une écriture désacralisée et soumise aux exigences des chefs de troupe.

Il semble que Hardy ait constamment écrit sous la pression des troupes auxquelles il appartenait, en fonction des besoins de renouvellement du répertoire, et à une cadence rapide de production qui a fait de lui l'auteur incroyablement fécond de six cents ou sept cents « poèmes dramatiques ».

Cette fécondité du poète « à la demande>> a de dou­ loureux revers.

Forcé d'abandonner ses œuvres aux acteurs avec lesquels il est lié par contrat, et qui défen­ dent leur droit d'exclusivité, il se voit interdire l'im­ pression qui livrerait ses pièces aux troupes rivales.

Il n'a donc pu en faire publier que trente-quatre de son vivant : Théagène et Chariclée fut imprimé en 1623; les trente-trois autres parurent dans son Théâtre, dont les cinq volumes sortirent entre 1624 et 1628.

Le Mémoire de Mahelot mentionne dix titres de pièces perdues, et trois œuvres ont été retrouvées dans les Archives natio­ nales par Mme Deierkauf-Holsboer.

Parmi les œuvres publiées, on compte douze tragédies, quatorze tragi­ comédies, cinq poèmes dramatiques et cinq pastorales.

Il est possible qu'il y ait des comédies parmi les pièces perdues, mais il est difficile de l'affirmer avec certitude.

De même, la datation des pièces publiées fait problème : H.C.

Lancaster étale leur composition entre 1605 et 1625 et situe les pièces mentionnées par Mahelot entre 1625 et 1631; Mme Deierkauf-Holsboer arrive à des dates dif­ férentes allant d'. »

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