Devoir de Philosophie

Henri VINCENOT, La Billebaude.

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Cette année-là, sept jours avant la Saint-Sylvestre, les femmes se mirent en cuisine. C'est par là que je reviens à la chasse, car il faut toujours y revenir. Les hommes à grands coups de couperet avaient détaillé les cinq sangliers, tiré les parts au sort. Outre le cuissot droit qui était la part du chasseur puisque mon grand-père avait tué une bête, il nous était revenu un quartier, taillé long, de queue en épaule. En tout, un bon tiers d'animal, quelque vingt-cinq kilos d'une viande noire à force d'être rouge, encore en poil, bardée d'os blancs comme ivoire. Toutes ces femmes avaient passé deux jours à dépiauter, à mignarder cette chair musquée comme truffe, pour la baigner largement dans le vin du cousin, où macéraient déjà carottes, échalotes, thym, poivre et petits oignons. Tout cela brunissait à l'ombre du cellier dans les grandes coquelles en terre. C'était moi qui descendais dans le cellier pour y chercher la bouteille de vin de table et lorsque j'ouvrais la porte de cette crypte, véritable chambre dolmenique qui recueillait et concentrait les humeurs de la terre, un parfum prodigieux me prenait aux amygdales et me saoulait à défaillir. C'était presque en titubant que je remontais dans la salle commune, comme transfiguré par ce bain d'effluves essentiels et je disais, l'œil brillant : « Hum ! ça sent bon au cellier ! «

Alors les femmes radieuses me regardaient fièrement. Ma mère, ma grand-mère, la mémère Nanette, la mémère Daudiche, toutes étaient suspendues à mes lèvres pour recueillir mon appréciation. C'était là leur récompense. Henri VINCENOT, La Billebaude. SUJET Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez montrer par exemple, comment la magie du conteur ressuscite un souvenir d'enfance.

■ Une belle histoire nous est contée.    ■ C'est un souvenir d'enfance.    ■ Goût fréquent du public à ce sujet depuis Dickens, Sand ou plus près de nous France, Colette.    ■ Car nous nous identifions à l'auteur revivant un heureux épisode — ou terrifiant !...    ■ Nous le rejoignons, nous, le lecteur, par le truchement du sentiment attendri qui le domine (ex. : dans les pages sur l'enfance des Confessions de Rousseau : l'épisode des pommes qu'il tente de «chiper« pendant le sommeil de son maître Ducommun).   

« — Se souvenir par exemple de La Mare au Diable et autres François le Champi ou Petite Fadette (G.

Sand) ; Maurindes Maures de Jean Aicard ; De goupil à Margot de L.

Pergaud; La Dernière Harde de M.

Genevoix; Ramuz, Bosco,Giono, Colette...

Là encore il faut arrêter la liste ! Ensuite, s'attacher très vite à l'Idée générale du texte.Se poser simplement les questions : — De quoi s'agit-il ? • Ici, un souvenir glorieux de fin de chasse et celui de l'approche de saines ripailles, le tout raconté par un jeunegarçon. — Quels sont les sentiments éprouvés ? • Par l'enfant, • puis par l'adulte qui se souvient : • admiration du gamin au partage de la chasse ; devant la réussite du grand-père ; devant la taille et la belleapparence de la part de gibier obtenue; sensations pré-gustatives à travers une véritable recette culinaire ;bouquet de sensations olfactives ; attente sensuelle ; véritable enthousiasme; satisfaction d'être le «goûteur» (aumoins par les narines), l'appréciateur, celui dont les cuisinières guettent l'oracle. • Bonheur attendri et assez narcissique du narrateur qui se souvient. — Comment nous sont transmis sentiments et souvenirs ? • Page qui semble un conte, même si elle fait partie d'un ensemble plus complet — roman par exemple. • La page constitue un tout marqué de merveilleux (émerveillement du petit garçon et à travers le souvenir del'adulte) ; • Une morphologie de conte avec : — un héros : l'enfant ; — Des personnages semi-héroïques : en filigrane, le grand-père, le grand chasseur ; entourant l'enfant, l'écoutantcomme un oracle : les cuisinières ; — Une récompense (future, mais déjà goûtée par l'attente, la vue, les odeurs) : la marinade de sanglier, des ripaillesfamiliales en perspective. • Le conte fait partie de la tradition paysanne régionale, du terroir. • C'est le cas ici : tableau campagnard.

Emploi même de quelques termes régionaux qui le pimentent, mais avecdiscrétion. — Ainsi se trouve découverte la valeur formelle de l'ensemble qui fait partie intégrante de l'idée générale et doit êtreexposée avec elle dans le centre de l'introduction. — Il reste alors à sérier deux thèmes d'étude (ou à la rigueur trois) sur lesquels doit se composer le commentaire(c'est-à-dire le développement du devoir).

Il faut obtenir une véritable entente directe, continue avec le texte.L'avantage du commentaire d'un texte d'auteur non connu, c'est justement : — d'obliger le candidat à ne pas « sortir » de ce texte ; — De lui éviter toute tentation d'histoire littéraire abusive (celle-ci est fort utile, certes, mais à condition de savoirla manier, de ne pas la plaquer comme un savoir indépendant, mais de l'utiliser comme un soutien subtil à cetteentente avec le texte). Ne pas oublier : — que le texte donné en commentaire doit être « vu », qu'il n'est pas question de moraliser à son sujet ; — que c'est une œuvre littéraire, donc une œuvre d'art ; — sa lecture est par conséquent :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles