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Hippolyte : héros tragique ?

Publié le 23/07/2012

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Au-delà de toutes ses vertus, c’est finalement grâce à sa dimension humaine, à son imperfection, que nous pouvons admettre qu’Hippolyte est un héros tragique. Le personnage a su montrer de nombreux actes de bravoure et de sagesse, mais certains traits de caractère légèrement viciés lui font perdre cette facette si parfaite dont lui seul est finalement convaincu. Il s’estime irréprochable et sage. Cette seule affirmation prouve le contraire et le transforme en parfait héros tragique. Aphrodite passe pour la déesse détestable et malintentionnée. Pourtant, bien que ses manières pour arriver à ses fins soient violentes et exécrables, nous pourrions nous demander si elle n’a pas eu raison de vouloir donner une leçon d’humilité à tous ces personnages.

« Dans plusieurs cas, nous retrouvons un Hippolyte irrespectueux.Tout d'abord, dans Hippolyte, il refuse de saluer Aphrodite et exprime son aversion pour cette déesse (« Je la salue de loin, car je suis pur.

» l.103 Hippolyte).

Puis,dans L'amour de Phèdre, Hippolyte se montre vulgaire, hautain et dédaigneux, d'une part envers le peuple qui l'idolâtre, d'autre part envers Phèdre, et ce, de manièreextrêmement grossière.

Nous sommes ici aux antipodes du héros noble et courtois, tant dans les gestes que dans les mots.

Nous pouvons d'ailleurs relever un champlexical très osé (« C'est quand la dernière fois que vous avez baisé ? » ; « Tout le monde court après la queue d'un roi » ; « Sûr, putain que c'est moi » ; « A part qu'unpetit con a éraflé ma caisse » p.32-33 L'amour de Phèdre).Dans cette œuvre contemporaine, Sarah Kane introduit la puissance divine par l'intervention d'un prêtre.

Hippolyte se montre une fois de plus odieux allant jusqu'àinciter le prêtre à lui faire une fellation.

Nous sommes alors en plein blasphème. C.

Un personnage misogyne.Dans Hippolyte, lorsque la nourrice lui confie la passion que Phèdre ressent pour lui, Hippolyte est indigné au point de renier totalement la gent féminine (« Si tuvoulais perpétuer la race humaine il ne fallait pas la faire naître d'elle.

» l.618 ; « Que jamais n'entre chez moi femme aux idées trop hautes pour son sexe.

» l.640Hippolyte). Dans Phèdre, lorsque Hippolyte prend conscience de son amour pour Aricie.

Il devient alors un homme parmi les autres, sujet aux lois de l'amour (« Moi, qui contrel'amour fièrement révolté… » v.531-536 Phèdre).

Sa passion est un obstacle sur la route de l'héroïsme puisqu'elle le conduit assurément à s'opposer à son père.Hippolyte aime une femme que son père lui refuse pour des raisons politiques.

En effet, Aricie est la descendante d'une famille qui a autrefois régné sur Athènes etque Thésée a décimée.

Elle ne doit donc pas avoir d'enfant qui puisse un jour réclamer le trône.

L'amour d'Hippolyte déstabilise le pouvoir de son père.

Hippolytedoit choisir entre l'honneur (Thésée) et l'amour (Aricie). III.

Hippolyte, héros tragique malgré lui.A.

Acceptation de son sort : la fatalité.Selon Aristote, le genre dramatique cherche à inspirer la crainte et la pitié, c'est pour cela que le héros tragique ne peut être ni totalement bon, ni totalement méchant.Il se doit d'être un homme qui, « sans être un parangon de vertu et de justice, tombe dans le malheur non pas à cause de ses vices ou de sa méchanceté mais à causede quelque erreur ».

(Aristote, Poétique.)Cette facette humaine d'Hippolyte ne lui donne pas réellement la possibilité d'être maître de ses actes qu'il semble pourtant conduire avec prévoyance etresponsabilité.

Ce n'est qu'à la fin du drame, selon la décision souveraine des dieux, que le sens exact de ses actions lui sera révélé. Dans l'œuvre d'Euripide, Hippolyte se confie à Artémis avant de partir.

Il capitule, ne voulant pas aller à l'encontre de la décision de son père et il fait ses adieux,mais non sans prôner une ultime fois sont innocence.

(« Jamais vous ne verrez homme plus vertueux quoi qu'en pense mon père.

» l.1100 Hippolyte.)Dans Phèdre, une donnée supplémentaire se greffe à l'histoire : Aricie.

Hippolyte décide donc de fuir avec elle.

Le bannissement lui offre la possibilité de contrer sonpère en donnant un époux à Aricie, la femme qu'il aime.

Racine s'est écarté de la légende antique.

Il n'a pas repris l'extrême perfection morale et physique quicaractérise Hippolyte dans la tradition mythologique (« Nulle femme à ce jour, n'a touché mon corps resté pur » l.1002 Hippolyte) pour que la mort du personnage nesuscite pas un sentiment de révolte et d'injustice chez le spectateur.

L'auteur préfère respecter la prescription aristotélicienne : la tragédie doit engendrer la pitié, etpour qu'il y ait pitié, il faut que le personnage soit humain en ayant une défaillance.

En faisant d'Hippolyte l'amant d'Aricie, il rend accessible son personnage, lespectateur peut s'identifier à lui.

Le tragique, c'est humain.

Racine présente l'amour d'Hippolyte pour Aricie comme antithétique au reste de son caractère, voire àl'encontre de ses principes.Dans L'amour de Phèdre, cela va au-delà de l'acceptation.

Hippolyte voit en l'accusation de Phèdre une bénédiction face à l'ennui qui le ronge.

Etre un violeur, c'estêtre quelqu'un.

Il ne dément pas le viol non pas par lâcheté ou faiblesse, mais parce que l'idée lui plaît.

Il prend le risque d'être exécuté parce qu'il préfère une fintragique à une fin vide de tout sens.

(« C'est le cadeau qu'elle me laisse.

» p.57 L'amour de Phèdre).

Cette fatalité est pour lui une délivrance face au néant qu'est savie.B.

La mort d'Hippolyte.Que ce soit par la malédiction des dieux ou par le peuple, la mort d'Hippolyte est violente et sanglante.

Le théâtre ne permettant pas l'apparition du monstre sur scène,sa mort est racontée par un personnage.

C'est de manière tragique qu'Hippolyte perd la vie.

Le récit, dramatisé, donne une dimension héroïque à la scène que lespectateur ne peut qu'imaginer.

La démesure du récit rend ainsi le combat spectaculaire, permet d'émouvoir et suscite la pitié tant rechercher par l'auteur pour placerle personnage d'Hippolyte au rang de héros tragique.Ce combat héroïque est voué à l'échec contre des monstres appelés par les dieux.

Le combat est inégal (« Hippolyte, lui seul.

» v.1527 Phèdre).

Hippolyte affrontedonc le monstre avec bravoure, mais cela ne suffit pas, la fatalité le rattrape au galop et il meurt dans d'atroces souffrances.

Quand Théramène rapporte les dernièresparoles d'Hippolyte, il s'adresse à Thésée en lui décrivant tous les détails horribles de la mort de son fils.

Il fait culpabiliser Thésée en rappelant que celle-ci n'est quele fruit de sa malédiction.

Il insiste sur la cruauté avec laquelle il s'est acharné sur son propre fils. C.

Le pardon et la réhabilitation au centre de la pitié.Quand Thésée apprend son erreur, de la bouche même de Phèdre dans l'œuvre de Racine et par Artémis dans celle d'Euripide, il se rend compte de son injustice.

Ilregrette.

(« Expier la fureur d'un vœu que je déteste.

» v.1650 Phèdre) ; (« Quel piété, quelle noblesse, je pleure en toi ! » l.1455 Hippolyte).

En héros tragique,Hippolyte malgré ses souffrances morales et physiques, a la grandeur d'âme d'accorder son pardon à son père.

(« …je te déclare affranchi de ma mort.

» l.1449Hippolyte).

Thésée, quant à lui, réhabilite l'honneur de son fils et offre à Aricie la place qu'Hippolyte n'a jamais eu dans son cœur.

(« …son amante aujourd'hui metienne lieu de fille.

» v.1654 Phèdre). Au-delà de toutes ses vertus, c'est finalement grâce à sa dimension humaine, à son imperfection, que nous pouvons admettre qu'Hippolyte est un héros tragique.

Lepersonnage a su montrer de nombreux actes de bravoure et de sagesse, mais certains traits de caractère légèrement viciés lui font perdre cette facette si parfaite dontlui seul est finalement convaincu.

Il s'estime irréprochable et sage.

Cette seule affirmation prouve le contraire et le transforme en parfait héros tragique.Aphrodite passe pour la déesse détestable et malintentionnée.

Pourtant, bien que ses manières pour arriver à ses fins soient violentes et exécrables, nous pourrionsnous demander si elle n'a pas eu raison de vouloir donner une leçon d'humilité à tous ces personnages.D'ailleurs, à l'origine, l'oeuvre de Racine s'intitulait Phèdre et Hippolyte.

Le personnage d'Hippolyte n'est pas sans complexité ni intérêt, mais Racine a préféréchanger le titre de l'œuvre en Phèdre, pour se démarquer de celle d'Euripide.

Toutefois, bien que son nom n'apparaisse dans aucun des titres de ces œuvres, lamoralité de l'histoire pourrait nous souffler que la véritable victime de cette tragédie n'est ni Hippolyte ni Phèdre, mais Thésée.

En effet, après avoir perdu femme etfils (voire belle-fille si on prend en considération l'œuvre de Kane) et il se retrouve seul survivant avec pour seule compagnie, ses remords.. »

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