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HISTOIRE DE BRAND APRÈS LA PUBLICATION: SUCCES, CRITIQUE, REPRESENTATIONS

Publié le 03/05/2011

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LE SUCCÈS IMMÉDIAT.

Brand devait paraître pour la Noël de 1865 chez le grand éditeur danois Frederik Hegel. Une lettre égarée amena un retard dans la publication. Ibsen vécut alors dans une agitation extrême. Persuadé que son livre allait exciter tout le monde contre lui, il était d'autant plus impatient de le voir paraître. Il a dû se rappeler la façon dont, trente ans plus tôt, avait été honni le fameux poème de Welhaven, le Crépuscule de la Norvège, satire assez analogue à son primitif « Brand épique «, et dont il s'était inspiré. En outre, ses soucis d'argent devenaient lancinants. Sa bourse de voyage était épuisée depuis longtemps. Dès septembre, il avait reçu de Hegel quelque argent, il en devait au consul Bravo, et il s'était décidé à écrire à l'avocat Sverdrup, qui l'avait autorisé, quand il avait quitté la Norvège, à recourir à lui. Il reçut une somme de Bernhard :bunker le jour de l'an, et une autre somme plus forte, peu après, par l'intermédiaire de Björnston.

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« théorie, c'est une idée incarnée, ou, si c'est un homme, il est fou».

Le critique reconnaissait, d'ailleurs, le talent del'auteur : « il y a des détails superbes, comme souvent on trouve une sorte d'éclat dans la poésie d'Ibsen, malgréles plus grandes aberrations ».

Il louait particulièrement tout le rôle d'Agnès, à partir de son mariage avec Brand, etconcluait en regrettant « de voir un écrivain doué d'un si grand don poétique et d'une si grande maîtrise de la languesuivre une si mauvaise voie ».Le journal Morgenbladet donne ensuite une analyse assez détaillée, où il marque bien ce que Vibe n'avait pascompris, c'est-à-dire la grandeur de Brand par son esprit de sacrifice et sa « dure » volonté, en même temps que safaute, qui est d'oublier la « charité », en sorte que la réponse finale « donne à la fois le jugement et le pardon ».Mais Aflenbladet fut le seul qui sut voir que Brand était « l'ouvrage le plus important du talentueux écrivain, et quiobtiendra une place essentielle dans notre littérature nationale ».Il est curieux d'observer que dans tous ces premiers comptes rendus de Brand, l'oeuvre n'est pas du tout considéréecomme traitant un problème religieux, mais seulement un problème éthique.Le 15 avril, le pasteur Wexels prit le livre dont tout le monde parlait comme sujet de son sermon, et un danois, F.Helveg, publia au commencement de juin un petit volume sur « Björnston et Ibsen dans leurs dernières oeuvres », oùil disait que Brand avait « pour ainsi dire Siiren Kierkegaard comme contenu » et se proposait de rechercher en quoiconsiste la différence entre le héros du poème et le héros de la vie.

L'idée était lancée, et le rapprochement avec lephilosophe danois est devenu depuis lors un thème inévitable de toute discussion relative à Brand.

Les comptesrendus firent place aux articles de polémique.

Rien que dans Morgenbladet, du 2 septembre au 4 décembre, il y eutneuf articles sur Brand, et plusieurs occupaient trois et quatre colonnes en tête du journal.

Mais ces raisonnementsinterminables ne renseignent pas sur l'opinion du public : ils n'expriment que celle de leurs auteurs, qui est d'unmédiocre intérêt, sauf peut-être quand elle devient simplement ridicule : c'est ainsi qu'un pasteur O.

T.

Krogh,publiant un article de « Remarques sur le Brand d'Ibsen du point de vue chrétien », se demande si Agnès ne seraitpas enceinte lorsqu'elle rencontre Brand, car, sur la barque où elle affronte avec lui l'orage, elle s'écrie : « Noussommes trois à bord ! »Les opinions individuelles des écrivains n'ont pas été favorables à Ibsen.

Le plus grand poète du Danemark, Paludan-Muller, n'a pas goûté Brand.

La belle-mère d'Ibsen, Magdalena Thoresen, non plus.

Andreas Munch n'aimait pasl'auteur, et en était quelque peu jaloux.

Et son ami Björnstjerne Bjornson écrivit une longue lettre indignée : « Cen'est pas un poème, et Ibsen n'est pas un poète ».

C'est une lettre assez confuse, où l'on voit qu'il a surtoutcompris le drame comme antireligieux, et qu'il est gêné par l'absence de pardon ou de rédemption.

« J'ai lu Hermannet Dorothée par là-dessus.

« Dans un post-scriptum, il s'exprime avec plus de calme et de clarté :Je ne pense pas qu'Ibsen ait tout d'abord conçu le livre comme une attaque à la religion ; mais il en est venu là,malgré lui, en l'écrivant.

S'il a pensé que Brand se trompait, il s'est quand même tellement épris de cet êtredéplaisant, que Brand est devenu pour lui une allégorie victorieuse, un martyr.

Fi, ça doit être cette ivresse delogique et cette fureur d'enthousiasme qui fait les révolutions françaises et les radotages allemands.Il a maintenant acquis une adresse de jongleur avec les idées et la langue, comme celui-là seul peut l'acquérir, chezqui les concepts sont à vau-l'eau.

Il est impossible à une tête entière de contenir à la fois tout cela, je crois parfoisqu'il a des yeux par derrière ; car voir à la fois deux choses qui n'ont pas entre elle le moindre rapport est toujourspour moi un tour de force répugnant.D'ailleurs : ce que la critique dira de ce livre est tout à fait indifférent ; dans deux mois il n'existera plus...Cette lettre est curieuse en ce qu'elle montre le prodigieux écart qui existait alors entre la pensée de Björnston etcelle d'Ibsen, esprit plus mûr et plus profond.

Björnson ne pourra comprendre son camarade qu'une quinzained'années plus tard, après une longue crise de réflexion et d'étude d'où il sortira singulièrement grandi.

Alors il reliraBrand et admirera la puissance de ce poème.

En 1866, il ne le pouvait pas, il était d'ailleurs toujours en méfiancecontre Ibsen, et ce qui est surprenant est qu'il ait pu lui manifester une si efficace amitié.

Dans la lettre même queje viens de citer, on voit, malgré l'irritation que Brand lui a causée, qu'il est confondu devant l'intelligence et l'artd'Ibsen, au moment où ils excitent son mépris.

Il est séduit en même temps que rebuté.

D'autres oeuvres d'Ibsenavaient déjà produit sur lui ce double effet.

En avril 1866, lorsqu'il s'agit d'obtenir du Storting la pension de poètepour Ibsen, la répugnance de Björnson pour l'oeuvre de son ami était plus forte que jamais, et il est d'autant plusremarquable qu'il se soit entremis avec le même zèle que si Brand lui eût plu.

Mais naturellement il circulait partoutdans Oslo en proclamant son opinion sur ce draine sans nul ménagement, comme il avait coutume de faire sur touteschoses, opinion qui, notoirement connue dans l'étroit milieu que constituait alors le public norvégien, avait plusd'importance qu'aucun des articles parus.

Cette conduite effectivement double ne provenait d'aucun bas calcul deduplicité, mais au contraire de la violence des réactions spontanées de la nature de Bjôrnson, chez qui l'attractionet la répulsion à l'égard d'Ibsen ne se neutralisaient pas, mais se traduisaient en actes contradictoires.

Les amisd'Ibsen du groupe des « Hollandais », qui appréciaient grandement Bjôrnson comme poète, mais n'aimaient pas sonaction, ses idées ni son caractère, ne manquèrent pas d'informer Ibsen de cette attitude de Bjôrnson, etl'interprétèrent sans bienveillance.

Ils se trompaient, bien que l'erreur fût excusable.

Magdalene Thoresen compritBjôrnson mieux qu'eux, tout en reconnaissant qu'il « a donné libre cours à sa langue et dit plus qu'il n'aurait dû ».

EtIbsen le comprit aussi, ses lettres à Bjôrnson ne montrent aucun changement dans sa cordialité.L'homme à qui Bjôrnson avait écrit la lettre citée plus haut était Clemens Petersen, à ce moment le critique littérairele plus important du Danemark.

Tous deux étaient très intimes, et Bjôrnson, après avoir pris plutôt figure de discipleà côté de Clemens Petersen, qu'il admirait à cause de l'étendue de ses connaissances, avait fini par être celui desdeux qui avait sur l'autre le plus d'influence.Le compte rendu de Petersen fut cependant assez favorable.

Ibsen, qui trouvait les critiques norvégiens fortmédiocres, s'était d'avance inquiété surtout de l'article du critique danois.

Il lui avait écrit et en avait informéBjôrnson.

Il fut assez satisfait du compte rendu pour l'en remercier.Il y avait alors à Copenhague un jeune homme de 24 ans qui commençait à publier des articles de critique.

Ils'appelait Georg Brandès.

Peu avant la publication de Brand, il avait chargé un ami, nommé David, qui habitait Rome,de présenter ses compliments à Ibsen, et celui-ci, David s'étant suicidé, adressa une longue lettre au jeune critique. »

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