HONNÊTE HOMME (Histoire de la littérature)
Publié le 14/12/2018
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HONNÊTE HOMME (xviie siècle). Du latin honestus (« honorable »). L’honnête homme représente, au xviie siècle, un idéal de comportement social et, plus largement, d’attitude culturelle. Le souvenir affaibli de cette acception subsiste aujourd’hui dans l’emploi de cette expression pour désigner un homme cultivé. Les autres termes du même champ lexical : « honnêteté », « honnêtes gens », sont tombés en désuétude dans cette acception; subsistent surtout des emplois faisant référence à la probité (un « homme honnête »).
La notion d’honnête homme est indispensable pour comprendre la littérature classique. Elle désigne en effet le type de lecteur idéal en fonction duquel s’élaborent les œuvres de ce temps. Ce type idéal, même s’il ne trouve dans la réalité sociale que des illustrations rares ou imparfaites, définit les horizons d’attente qui déterminent alors l’esthétique.
Un modèle social
La réflexion sur les théories de l’« honnête homme » s’est élaborée et précisée peu à peu au long de la première moitié du xvnc siècle, suscitant de nombreux ouvrages, ainsi que des polémiques.
Pour une part, elle trouve ses sources dans une tradition spécifiquement française, dont Montaigne est le promoteur. Mais elle puise aussi dans des sources italiennes. Ainsi, c’est au Corteggiano de Baldassare Castiglione qu’emprunte le plus Nicolas Faret, qui, le premier, théorise méthodiquement l’honnêteté dans l'Honnête Homme ou l’Art de plaire à la Cour (1630). L’honnêteté est encore restreinte au milieu courtisan et à un art de la civilité mondaine. Quoique dotée de justifications plus profondes (les vertus chrétiennes, les responsabilités du conseiller des princes), elle reste avant tout un moyen de parvenir et un art de paraître.
De 1630 à 1650, une floraison de traités et d’essais marque l’extension du débat sur le sujet. La conception de l’honnêteté n'y est plus liée au seul monde de la Cour : les manuels à destination des femmes et des jeunes filles se multiplient, et sont reconnus honnêtes hommes tous les gens d’esprit. On voit se manifester là l’influence des milieux mondains, où se côtoient nobles et bourgeois, d’Ablancourt et Patru, Mitton et le chevalier de Méré (dont le discours De la vraie honnêteté apparaît comme la théorisation la plus achevée de cette problématique), Saint-Évremond enfin.
L’honnêteté apparaît alors comme la qualité de ceux qui, nobles ou roturiers, pratiquent la civilité, l’élégance des manières, le sens des bienséances, mais qui ont aussi une solide culture, une intelligence exercée et lucide. Mais cette culture doit être diversifiée et surtout discrète aux deux sens du terme : avoir le goût bon, pour distinguer les vrais mérites du clinquant, et avoir le bon goût de ne pas s’afficher. Cette honnêteté, qui se rencontre

«
aussi
bien dans les salons littéraires ou mondains qu'à la
Cour, est donc, désormais, une manière d'être.
Un modèle culturel
Si on laisse de côté les textes nés des discussions sur
la théorie de l'honnêteté, l'influence de celle-ci sur la
création littéraire relève surtout de deux problématiques :
l'idéologie et Je goût.
Dans Je domaine idéologique, l'honnête homme
incarne une morale de la lucidité.
Il se défie des élans
passionnels, sur lesquels la morale de l'héroïsme, très
vivace dans Je même temps, fondait son optimis me.
Il a
conscience des faiblesses humaines, et, s'il sait, comme
le héros, qu'il faut se vaincre soi-même.
il voit là plus
un renoncement qu'une conquête.
D'où une grande
attention portée à l'analyse psychologique, mais aussi un
regard sans illusion sur l'homme et sur le monde, qui
favorise un pessimisme sensible dans les œuvres de
La Rochefoucauld, de M"'e de La Fayette ou de Racine.
Mais l'honnêteté est, plus encore, un certain idéal du
goût.
Elle suppose d'abord, évidemment, le sens de la
mesure, de J'ordre, de la discrétion.
Les notions de
« naturel », de « vraisemblance », d'« ordre », de « bien
séance ,, et de,, régularité» trouvent là un ancrage social
solide.
D'autre part, l'honnêteté est une attitude cultu
relle excluant 1.0ute spécialisation; elle suppose un goût
« moyen », c'e>t-à-dire non pas neutre, mais sensible aux
nuances.
Elle s'oriente donc vers un style « galant » (voir
GALANTERiE), volontiers fait de lilotes, mais qui n'exclut
nullement l'humour et le trait d'esprit, pourvu qu'ils
soient amenés avec élégance.
En un mot, elle est un goût
fondé sur la •< distinction », sur l'.
»
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