« Il se faut prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-même ». Vous expliquerez et vous discuterez ce précepte de Montaigne.
Publié le 02/11/2016
                             
                        
Extrait du document
 
                                INTRODUCTION
Montaigne a fait dans les Essais œuvre de moraliste : s’analysant lui-même avec lucidité, il est parvenu à une connaissance approfondie de la nature humaine, car, écrit-il, « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition ». Aussi des conclusions se dégagent-elles de son étude, tantôt implicites, tantôt énoncées sous forme de maximes telles que celle-ci : « Il se faut prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même ». Ce précepte est de ceux qui ont paru justifier le reproche d’égoïsme si souvent adressé à Montaigne. Mais ne faut-il pas y découvrir plutôt la marque d’un esprit réaliste, qui sait borner ses exigences et ne pas réclamer des hommes plus qu’on n’en peut raisonnablement obtenir ?
1. LE POINT DE VUE DE MONTAIGNE
Se prêter à autrui Montaigne lui-même mit en pratique le conseil qu'il donne ici. Il accepta de mauvais gré les responsabilités municipales, se retira volontiers de son « ménage », se conduisit très prudemment lors de l’épidémie de peste, et encouragea en toutes circonstances une mollesse qu’avait favorisée son éducation.
Ce n'est pas là une attitude isolée : la vie courante nous en fournit chaque jour des exemples. Beaucoup d’enfants reçoivent fréquemment le conseil de « se défendre », de laisser les autres « s’arranger entre eux ». Parfois les accidents donnent lieu à des scènes pitoyables où les témoins fuient leurs responsabilités, hésitent même à porter secours aux victimes. A tous les niveaux, les activités bénévoles trouvent peu d’amateurs.
Cette conduite élémentaire, dictée par l'égoïsme instinctif de l’être humain, est quelquefois érigée en système. Si l'« égotisme » de Stendhal prend cette forme, il s’épanouit plus nettement, à la fin du xixe siècle, chez André Gide ou Maurice Barrés. Dans Les Nourritures Terrestres, Ménalque refuse tout attachement, et sa disponibilité est une fuite permanente ; pour le héros du Culte du Moi, les hommes sont les « Barbares » en face desquels il doit s’affirmer.
 
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dans  tous les  cas  cités,  vise  un 
mê me  bu t : 	
qu'	il  s'agisse  d'égo ïsme  ou  d'égo tisme, 	Je 	«moi» 	est  la 	fin 	de 	tout e  ac tio n.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ce 	don 	exclus	if 	à so i-mê me  prend 
pl usieu rs  formes  ch ez  M	on	taigne.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il consiste 	d'abord 	en  une 
r eche rche  systé mati que  d u genre  de vie  Je  mieux  adapt é à ses 
t endances  profondes.
                                                            
                                                                                
                                                                     La  q uête 	du 	bonheur 	repose 	sur 	une  étu de 
d étaillée  de 	soi  : qu'i l 	définisse  son  att itu de  en  face  de  la 	poli	tique 	ou 	qu'il  consta te 	son 	i nap titu de  à ré	fléc hir  ass is, 	l'au	teur 	des 	Ess ais 	a  touj ours  p	ou	r fin 	la 	satisfac tion  de 	sa 	propre  n	atu	re.
                                                            
                                                                                
                                                                    
L à  e ncore,  les  adep tes  mode	rnes  de  Montaig ne  ne  manquen t 
p as.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ils  cherchent  à jou ir  totalement  de leu r  être,  eux  aussi, 	
en 	se  souc ia	nt 	Je  moin s  possib le  de  leu r en tourage.
                                                            
                                                                                
                                                                     Tyranneaux 
domestiques,  bureaucrates  pusillan imes,  les  Joseph 	
P ru	d'homme 	a b o nd ent  ; 	ils ne  se retirent  pas  dans  les 	« li brairies >	>, 	mais i	ls 	soign ent  l	eur 	conf	ort 	physiq ue,  ch oi sis se n t  leur  fau te ui l  e t leurs 	pan	toufles,  se consac re n t 	à leurs 	co	llect ions .
                                                            
                                                                                
                                                                    
Il s 	ne 	so nt  que 	les 	ca r	icatures  de  ce  que  so uhai tait  Mont aigne.
                                                            
                                                                                
                                                                    
A  un  niveau  plus élevé,  no us  retrouvons  les  mê	me	s  principes 
chez  le  héros  des 	Thibault , 	Anto ine,  le  médec in .
                                                            
                                                                        
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a m our  ou  en  polit ique,  il  se  refus e 	à s'engager  tout  enti	er, po	ur 	p rése rve r l'équ	ilibre  qu i consti tue 	sa 	force  essentie l	le.
                                                            
                                                                                
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d e 	Gi	de  et 	Je 	Philip pe 	de  Bar rés  recherc hen t 	l'un 	la  to tal ité 
d es  sensa tio ns, 	l'autr	e  l a co nquête  de sa personnalité.
                                                            
                                                                                
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t e ntatives 	ont 	suscité  de  mu ltip les  imita teurs.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
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A  l'é p	oque 	cepe ndan t,  elles  ont  su scité  aussi  de no	mb	re ux 
détrac teurs,  do	nt 	B arrès 	évoq ue  les 	«réc	rimi natio ns, 	les 	semp i	ternell es 	déc l	ama	tion	s».
                                                            
                                                                                
                                                                    	Ses  princip es,  en  e	ffet,  co ntredisent 	l'altruisme  inconditionne l 	prêché 	habitu ell em e	nt 	par 	la  morale.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Se 	prêter 	à 	autrui 	Les  commen ta teurs  ont ju	gé 	sévèreme nt 
l'attitud e de 	Mo	nta ig ne  dans  les 	ci r	c o ns tances 	que 	no us  avons 	signal ées ; 	on 	a pu  y voir  la  marque 	d'une  lâc heté  égoïste  qui  con duis it pl	usieu rs 	fois 	l'écriva in 	à se 
r etranche r de  la  co mmuna uté  huma ine, 	par 	souci  de sa 	tran	q ui	llité  personne lle.
                                                            
                                                                                
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                                                                    	Son 	éducatio n ava it for ti	fié 
son  pench	ant 	à 	l'indolence,  et son  re	fus de  suivre  l'exemple 
paterne l  le 	fit 	peut -être  faillir 	à sa 	missio n .
                                                            
                                                                                
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aujo u	rd'h	ui,  sa  vie  nous  paraît  beaucou p  moins  exem plaire.
                                                                                                                    »
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