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Jeunesse et société ou « La chronique de 1830 »

Publié le 27/06/2015

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Sur la petite ville de province pèse la tyrannie des deux forces qui ont repris le pouvoir en 1815 : l'aristocratie et le clergé. Derrière leur unité apparente, Stendhal montre aussi les luttes entre la Congrégation, la noblesse, et la bourgeoisie industrielle. Verrières, « la petite ville « (cf. le titre du pre­mier chapitre), est un bon exemple du climat moral de la province où l'argent constitue l'unique préoccupation des habitants : « Voilà le grand mot qui décide de tout à Verrières : rapporter du revenu. A lui seul il représente la pensée habi­tuelle de plus des trois quarts des habitants « (p. 29).

« La mutilation périodique « des beaux arbres de la' commune « impitoyablement amputés «, arbres qui « ne deman­deraient pas mieux que d'avoir ces formes magnifiques qu'on leur voit en Angleterre « (p. 28), est symbolique : rien de généreux, de vigoureux, de noble ne peut se développer à Verrières. Cette amputation symbolise le refus de toute

« innovation «, la « tyrannie de l'opinion «,              « ennuyeux despotisme « de la petite ville de province. La politique elle-même s'y réduit à de mesquines intrigues. En effet, les grands problèmes sont discutés ailleurs, les notables locaux n'ont pas vraiment prise sur les rouages de la décision. Cela explique la médiocrité des intrigues politiques locales : Moirod et le problème de l'alignement de rue (I, chap. 17),

l'adjudication de la maison à Saint-Giraud, chef de bureau à la préfecture (I, chap. 23), la visite de M. Appert au dépôt de mendicité, le séjour d'un roi, la procession religieuse de Bray-le-Haut, la révocation du curé Chélan, etc... L'atmos­phère devint vite irrespirable, étouffante (lettres anonymes, commérages de domestiques, espionnage, peur du qu'en-dira-t-on, crainte de se montrer chez le libraire taxé de libé­ralisme) pour tous ceux qui ont quelque valeur 1. Ils sont révoqués ou bien décident de fuir « cet enfer d'hypocrisie et de tracasseries « (p. 276) : Chélan, Pirard, Fouqué, Falcoz.

 

Le premier chapitre de la deuxième partie, intitulé par antiphrase Les plaisirs de la campagne, résume cet état de choses. C'est que derrière l'autorité en place, le maire, M. de Rênal, il y a une véritable « dictature cléricale « de la Congrégation, société secrète ultra, portion politisée de l'Église que Stendhal assimile aux Jésuites. Cette Congré­gation dispose des places, fait et brise les carrières selon les dispositions qu'on manifeste à son égard. Elle gouverne les femmes par l'éducation et la confession. Mme de Rênal, « élevée chez des religieuses adoratrices passionnées du Sacré-Coeur de Jésus, et animées d'une haine violente pour les Français ennemis des jésuites « (p. 6o), retombera sous la coupe des Jésuites par son confesseur qui l'oblige à recopier la lettre adressée au marquis de La Mole : « Quelle horreur m'a fait commettre la religion ! lui disait-elle; et encore j'ai adouci les passages les plus affreux de cette lettre. « La confes­sion offre à la Congrégation l'occasion de s'immiscer à l'inté­rieur de chaque foyer et de s'imposer aux consciences. Quant aux hommes, ils sont obligés de la financer.

« toute espèce, à l'oisiveté et à l'ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d'eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras 1 • " Que leur propose-t-on en compensation? " Quand les enfants parlaient de gloire, on leur disait " Faites-vous prêtres "; quand ils parlaient d'ambition " Faites-vous prêtres "; d'espérance, d'amour, de force, de vie : " Faites-vous prêtres ! " Désormais les grandes actions et, avec elles, les possibilités d'ascension facile, manquent : les jeunes ne trouvent plus leur place dans une société fermée où l'on ne leur offre guère, s'ils sont d'origine modeste, que des emplois subalternes.

Il n'y a plus de pers­ pectives de fortune rapide pour les jeunes provinciaux qui montent à Paris se couvrir de gloire, qu'ils s'appellent Rubempré ou Rastignac : difficultés matérielles, ennui, atmosphère étouffante, tout est fait pour les rebuter dans une société qui refuse les idées neuves, qui ne connaît que la valeur des titres nobiliaires et plus encore celle de l'argent.

Ils sont écartés aussi de la vie politique par les conditions d'âge et de cens.

La France de la Restauration est une véri­ table gérontocratie.

Le Journal des Débats du 30 octobre 1826 traduit bien cette mise à l'écart de la jeunesse : " Elle croît dans la disgrâce, elle mûrit dans l'exil.

" Pourquoi un tel ostracisme? Pour le pouvoir en place ces nouveaux venus représen­ tent la menace d'un retour à la tourmente révolutionnaire.

Mme de Rênal est étonnée par les paroles de Julien « parce que les hommes de sa société répétaient que le retour de Robespierre était surtout possible à cause de ces jeunes gens des basses classes, trop bien élevés " (p.

123).

Le marquis de La Mole désigne précisément l'ennemi lorsqu'il appelle les ultras à se mobiliser : " Il faut enfin qu'il y ait en France deux partis, reprit M.

de La Mole, mais deux partis ( ...

) bien nets, bien tranchés.

Sachons qui il faut écraser.

D'un côté les journalistes, les électeurs, l'opinion en un mot; la jeunesse et tout ce qui l'admire.

Pendant qu'elle s'étourdit du bruit de ses vaines paroles, nous, nous avons l'avantage certain de consommer le budget " (p.

439).

l.

MUSSET, La Confession d'un enfant du siècle (chap.

1).

- 21 -. »

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