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« La chronique de 1830 » _ Le Rouge et le Noir de Stendhal

Publié le 22/01/2020

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stendhal

« Quand les enfants parlaient de gloire, on leur disait : « Faites-vous prêtres »; quand ils parlaient d’ambition : « Faites-vous prêtres »; d’espérance, d’amour, de force, de vie : « Faites-vous prêtres ! » Désormais les grandes actions et, avec elles, les possibilités d’ascension facile, manquent : les jeunes ne trouvent plus leur place dans une société fermée où l’on ne leur offre guère, s’ils sont d’origine modeste, que des emplois subalternes. Il n’y a plus de perspectives de fortune rapide pour les jeunes provinciaux qui montent à Paris se couvrir de gloire, qu’ils s’appellent Rubempré ou Rastignac : difficultés matérielles, ennui, atmosphère étouffante, tout est fait pour les rebuter dans une société qui refuse les idées neuves, qui ne connaît que la valeur des titres nobiliaires et plus encore celle de l’argent. Ils sont écartés aussi de la vie politique par les conditions d’âge et de cens. La France de la Restauration est une véritable gérontocratie. Le Journal des Débats du 30 octobre 1826 traduit bien cette mise à l’écart de la jeunesse : « Elle croît dans la disgrâce, elle mûrit dans l’exil. »

Pourquoi un tel ostracisme?

Pour le pouvoir en place ces nouveaux venus représentent la menace d’un retour à la tourmente révolutionnaire. Mme Rênai est étonnée par les paroles de Julien « parce que les hommes de sa société répétaient que le retour de Robespierre était surtout possible à cause de ces jeunes gens des basses classes, trop bien élevés » (p. 123). Le marquis de La Mole désigne précisément l’ennemi lorsqu’il appelle les ultras à se mobiliser :

« Il faut enfin qu’il y ait en France deux partis, reprit M. de La Mole, mais deux partis (...) bien nets, bien tranchés. Sachons qui il faut écraser. D’un côté les journalistes, les électeurs, l’opinion en un mot; la jeunesse et tout ce qui l’admire. Pendant qu’elle s’étourdit du bruit de ses vaines paroles, nous, nous avons l’avantage certain de consommer le budget » (p. 439).

payons vingt francs par domestique afin qu’un jour ils ne nous égorgent pas » (p. 125).

La Congrégation maîtrise ceux qui ne sont pas assez dociles (le juge de paix de Verrières est très vite dompté (p. 46), ou se débarrasse d’eux.

Les jansénistes sont éliminés (le curé Chélan, l’abbé Pirard); M. de Rénal est remplacé par Valenod, plus généreux et plus docile. L’ancien maire devient alors le candidat des libéraux, ce qui illustre la dérision des luttes politiques en province. A la fin du roman, la Congrégation a installé tous ses suppôts : le vicaire Maslon, Frilair, le futur évêque, l’abbé Castanède, Valenod, maire et futur préfet.

Le séminaire de Besançon

Après la peinture de la dictature de l’Église, on découvre avec Julien les centres où elle instruit ses prêtres. Le séminaire de Besançon est bien l’école par excellence de l’hypocrisie, de la méchanceté, de l’arrivisme et de la division. Être prêtre devient un métier, une situation pour des fils de paysans pauvres et ambitieux. C’est là qu’on apprend aux élèves une hypocrisie constante': « Me voici enfin dans le monde, tel que je le trouverai jusqu’à la fin de mon rôle, entouré de vrais ennemis.

où l’hypocrisie serait la seule arme qui pourrait le sauver, il révélera son incapacité profonde à l’utiliser et précipitera ainsi son échec.

un révolté qui devient ambitieux. Enfin le personnage est ambigu par les objectifs qu’il se fixe dans la société. Que recherche-t-il exactement ?

Son éducation a fait de lui un intellectuel petit-bourgeois souffrant de sa singularité, du décalage entre sa « valeur » et la place qui lui est réservée dans la société. Il compense justement cette humiliation en fuyant dans le monde chimérique des livres et des mythes la réalité médiocre de Verrières. C’est à l’occasion de ces lectures qu’il échafaude « les rêves héroïques de sa jeunesse » (p. 103), qu’il s’envole « dans les pays imaginaires » (p. 572), qu’il éprouve une admiration sans bornes pour Napoléon.

Il n’est pas étonnant qu’à partir de là, il refuse globalement les perspectives qui lui sont offertes. Pour lui, réussir, ce n’est pas accepter les fausses valeurs de la société de Verrières; réussir, c’est échapper à une situation humiliante de dépendance : « Pour Julien, faire fortune, c’était d’abord sortir de Verrières; il abhorrait sa patrie. Tout ce qu’il y voyait glaçait son imagination » (p. 47). Le poste de précepteur obtenu chez M. de Rénal ne fait qu’exacerber sa fierté.

Les affronts qu’il doit endurer développent sa haine pour les nobles et les bourgeois. Au sujet d’une de ces scènes, Stendhal commente : « Ce sont sans doute de tels moments d’humiliation qui ont fait les Robespierre » (p. 83). Donc chez lui la réussite doit être une revanche sociale, un moyen de sortir de son état; il considère les riches, les gens en place, comme des ennemis à combattre, non comme des gens à envier, non comme des modèles à atteindre. Ce qu’il veut, c’est la démonstration de sa supériorité. Cela explique qu’il écarte toutes les possibilités de fortune qui ne prouveraient pas sa « vertu » : les propositions de Fouqué, la cure de l’abbé Pirard, le mariage et les millions de Korasoff : « Je n’épouserai pas les millions que m’offre Korasoff » (p. 456). Un Rastignac, lui, les aurait acceptés.

Il refuse aussi le modèle de vie présenté par les riches de Verrières : à l’amour exclusif de l’argent et à la vanité, il oppose le culte de l’énergie, le courage, l’exemple des grands

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« toute espèce, à l'oisiveté et à l'ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d'eux les vagues !:cumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras 1• » Que leur propose-t-on en compensation? • Quand les enfants parlaient de gloire, on leur disait :. »

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