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Jules BARBEY D'AUREVILLY (Les Diaboliques): la fenêtre mystérieuse

Publié le 28/09/2010

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Sans dissocier l'étude du fond de celle de la forme, vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez, par exemple, montrer par quels procédés (utilisation de divers champs lexicaux, images, jeu d'oppositions, composition même du passage, etc.) l'écrivain nous fait passer de l'observation de la réalité à une forme de rêverie créatrice.

Un voyageur évoque avec émotion le temps où les diligences arrivaient de nuit « dans une ville de province «. Rien de vivant ne s'entendait et ne se voyait autour et dans cette voiture pleine de gens qui dormaient, en cette ville endormie, où peut-être quelque rêveur, comme moi, cherchait, à travers la vitre de son compartiment, à discerner la façade des maisons estompée par la nuit, ou suspendait son regard et sa pensée à quelque fenêtre éclairée encore à cette heure avancée, en ces petites villes aux moeurs réglées et simples, pour qui la nuit était faite surtout pour dormir. La veille d'un être humain, — ne fût-ce qu'une sentinelle, — quand tous les autres êtres sont plongés dans cet assoupissement qui est l'assoupissement de l'animalité fatiguée, a toujours quelque chose d'imposant. Mais l'ignorance de ce qui fait veiller derrière une fenêtre aux rideaux baissés, où la lumière indique la vie et la pensée, ajoute la poésie du rêve à la poésie de la réalité. Du moins, pour moi, je n'ai jamais pu voir une fenêtre, — éclairée la nuit, — dans une ville couchée, par laquelle je passais, — sans accrocher à ce cadre de lumière un monde de pensées, — sans imaginer derrière ces rideaux des intimités et des drames... Et maintenant, oui, au bout de tant d'années, j'ai encore dans la tête de ces fenêtres qui y sont restées éternellement et mélancoliquement lumineuses, et qui me font dire souvent, lorsqu'en y pensant, je les revois dans mes songeries :

« Qu'y avait-il donc derrière ces rideaux ? «   

 

Ex. : la sociologie des petites villes, « aux moeurs réglées et simples, pour qui la nuit était faite surtout pour dormir « (l. 7-8). Au xixe siècle, la comparaison entre la campagne et Paris est déjà un thème courant, la métropole se caractérisant par son agitation incessante, le dérèglement du cycle du sommeil et de la veille, qui illustre celui des moeurs.

Ex. : l'analyse de la naissance d'une curiosité. C'est dans ce contexte de vie campagnarde morale et saine que la fenêtre allumée provoque par son incongruité la curiosité du spectateur et fait soupçonner « des intimités et des drames « secrets, que leurs acteurs cachent des regards diurnes et réprobateurs : amours interdites, excès de drogues ou de passions.

 

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« couchée » (l.

15). B.

L'observation attentive rehausse cependant la description. Quelques détails bien choisis Ex.

: au début, les sens de l'ouïe et de la vue ne sont guère sollicités, puisque « Rien de vivant ne s'entendaitet ne se voyait autour de cette voiture ».

La négation (« Rien...

ne »), la précision spatiale (« autour et dans») accentuent l'impression d'isolement. Ex.

: la longueur de la première phrase et son vocabulaire reproduisent l'effort du regard pour distinguer lesdétails dans le noir : « Cherchaient », « à travers la vitre », « discerner », « estompée ». Ex.

: les rideaux sont baissés (l.

12), ce qui est naturel pour une scène de nuit, particulièrement si leshabitants ont quelque chose à cacher. 1. Des contrastes multiples2. Ex.

: entre la veille et le sommeil.

La ville et les passagers ensommeillés contrastent avec le narrateur éveillé(première phrase), la « sentinelle » avec « tous les autres êtres » assoupis (deuxième phrase).

L'opposition estaccentuée par le nombre des dormeurs (la ville entière, la voiture « pleine de gens », « tous les autres êtres »), etl'isolement du rêveur, de la sentinelle et de la fenêtre. Ex.

: entre la lumière et l'obscurité.

La « façade des maisons estompée par la nuit » s'oppose à la « fenêtre éclairée » (l.

4-6). Ex.

: entre la vie et l'absence de vie.

Ce contraste plus complexe ne laisse pas de place à la mort, remplacée par laforme atténuée du sommeil, ou de la fatigue : « Rien de vivant » s'oppose à « qui dormaient » dans la premièrephrase.

«La veille d'un être humain » tranche avec « l'assoupissement de l'animalité fatiguée » dans la secondephrase.

Ici, on notera également l'opposition entre la vie humaine et la vie animale. L'analyse psychologique3. Ex.

: le voyageur, qui trompe l'ennui d'un long voyage nocturne en cherchant une distraction dans le paysage («quelque rêveur, comme moi...

», 1.

3). Ex.

: la sociologie des petites villes, « aux moeurs réglées et simples, pour qui la nuit était faite surtout pour dormir» (l.

7-8).

Au xixe siècle, la comparaison entre la campagne et Paris est déjà un thème courant, la métropole secaractérisant par son agitation incessante, le dérèglement du cycle du sommeil et de la veille, qui illustre celui desmoeurs. Ex.

: l'analyse de la naissance d'une curiosité.

C'est dans ce contexte de vie campagnarde morale et saine que lafenêtre allumée provoque par son incongruité la curiosité du spectateur et fait soupçonner « des intimités et desdrames » secrets, que leurs acteurs cachent des regards diurnes et réprobateurs : amours interdites, excès dedrogues ou de passions. Ex.

: l'analyse du sentiment que fait naître toute personne qui veille pendant que les autres dorment, s'élevant ainsiau-dessus de l'animalité qui pousse les hommes à céder au sommeil.

Ce « quelque chose d'imposant » (l.

11) rappelle à l'auteur la « sentinelle » (l.

9), chargée par exemple de protéger une armée des incursions de l'ennemipendant la nuit. La présence de l'adverbe « toujours » et de termes génériques comme « un être humain », « tous les autres êtres »dans cette phrase centrale, montrent que l'auteur dépasse la simple description pour livrer une réflexion plus large àpartir d'une expérience banale.

On retrouve d'ailleurs ici le présent de l'indicatif caractéristique des proverbes, desmaximes et des vérités générales.

L'absence de précisions temporelles ou spatiales dans le reste du texte, lesadjectifs indéfinis (« quelque rêveur », 1.

3 ; « quelque fenêtre », 1.

6) contribuent à cette volonté d'énoncer uneexpérience universelle. Transition: Le vocabulaire presque pauvre, les répétitions nombreuses et la banalité de la scène ne doivent donc pas cacher l'observation attentive de la réalité, dont les contrastes offrent une certaine poésie.

Mais l'auteur vaplus loin.

Comme il l'indique lui-même, à « la poésie de la réalité » s'ajoute « la poésie du rêve » (l.

13). II.

Une rêverie créatrice A.

L'introduction progressive du rêve dans la banalité La composition du texte est savante. »

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